SIDEN: l’assainissement en région rurale: une mission complexe

Créé en 1994, le SIDEN est un syndicat rassemblant 35 communes luxembourgeoises et la commune allemande de Südeifelwerke AöR. Notamment responsable de l’exploitation et de l’entretien des équipements d’évacuation et de dépollution des eaux, le syndicat se charge en particulier de la collecte et de l’assainissement des eaux usées du nord du pays. Ali Kaes et Roland Schaack, respectivement président et directeur, reviennent avec nous sur les défis que le SIDEN devra relever ces prochaines années.
Parlez-nous de la station d’épuration de Bleesbruck?
RS: La loi de financement a été votée en décembre 2013 par le gouvernement et les travaux de la nouvelle station ont déjà débuté en avril 2014 avec la construction prioritaire de la filière épuratoire. Actuellement, nous sommes en train de finaliser les différents bassins biologiques et veillons à prévoir une voie en réserve pour assumer une charge plus grande à l’avenir. Pour mémoire, le Luxembourg avait été condamné en 2013 car il ne respectait pas les normes européennes de rejet de l’azote.
AK: La conformité de la station à ce niveau a été obtenue le 11 avril dernier, et ce, huit mois avant la date prévue, ce qui représente une économie de l’ordre de 700.000 euros de pénalités pour l’Etat. Nous n’étions pas la seule station d’épuration à être condamnée et sommes fiers aujourd’hui d’avoir obtenu cette conformité anticipée.
RS: Nous allons ensuite entamer la construction du hall logistique et des ateliers, puis nous étofferons notre filière du traitement des boues. A la fin présumée en 2021, la construction de la station d’épuration, laboratoire inclus, aura nécessité un budget de 81 millions d’euros.
AK: En dernier lieu, le comité vient de valider la construction d’une station complémentaire pour l’élimination des micropolluants tels que les médicaments ou les pesticides par exemple, et ce, afin de se conformer à la directive européenne 2013/39/CE obligeant les stations de grande taille à prévoir un traitement de ces éléments. Notre ministère vient d’ailleurs de lancer une campagne à ce sujet et les premiers à présenter des projets en ce sens bénéficieront de subsides pouvant atteindre 100% du coût total de l’installation, soit dans notre cas environ 8 millions d’euros.
 
Quels sont les problèmes d’infrastructures rencontrés par les petites communes du nord du pays?
AK: Dans le bassin tributaire du SIDEN, les entités épuratoires sont petites et nombreuses et par ce fait spécifiquement plus onéreuses en investissement et en entretien. Or, pour que les communes soient traitées de manière égale, chacune devrait recevoir des subsides davantage proportionnels à ses dépenses. A l’heure actuelle, nous sommes désavantagés par l’obligation de construire de petites stations plus onéreuses sans bénéficier d’une augmentation des aides étatiques. Avec les nouveaux systèmes de subsides de l’Etat, les aides accordées ne pourraient finalement couvrir que 35% des coûts d’une petite station décentralisée. Il y a plusieurs mois, le gouvernement a également procédé à une réorganisation financière des communes ayant défavorisé une trentaine d’entre elles, or ce sont ces mêmes petites communes qui ont subi cette défavorisation, le budget y devient donc difficile à gérer. Cela implique notamment qu’elles ne peuvent offrir qu’un service de base aux habitants.
RS: Les raisons techniques du nombre élevé de petites stations réside dans la topographie accidentée du nord du pays et par le fait que nous avons également plusieurs petits ruisseaux à côté desquels nous ne sommes pas autorisés à installer de trop grands dispositifs, étant donné que la relation entre les eaux épurées et celles du ruisseau ne serait plus équilibrée. Toutefois, une petite station est plus fragile et éprouve des difficultés à traiter une pollution de pointe importante et à maintenir les valeurs de rejets très basses imposées. La protection du cours d’eau risque par ailleurs de n’être que marginalement assurée puisque, contrairement à une station à capacité élevée, si la station de faible taille subit une surcharge, cela nécessitera un procédé biologique de réhabilitation de trois à quatre semaines pendant lesquelles les rejets ne seraient pas conformes. Les petites stations demandent en sus un plus grand investissement dans la mise en place et dans l’exploitation, puisque cela nécessite davantage d’équipements de maintenance et une réactivité plus grande pour garantir le bon état du cours d’eau récepteur.
AK/RS: Nous entretenons toutefois de bonnes relations avec le ministère de l’Environnement et avec l’Administration de la Gestion de l’eau, très à l’écoute de nos demandes et qui ont déjà fait de nombreux efforts pour améliorer la qualité de l’eau de nos ruisseaux et rivières. Nos propositions évoquées en ce qui concerne la taille des stations pourraient faire évoluer le système en place vers davantage d’égalité entre les communes et d’efficacité concernant le traitement des eaux.
 
Quels sont les prochains défis que le SIDEN devra relever? 
RS: Nous devrons nous conformer au plus vite aux directives concernant la charge azotée pour toutes les stations sous notre responsabilité et respecter les nouvelles contraintes liées aux micropolluants sûrement bientôt appliquées aux plus petites stations. Par ailleurs, nous remarquons de plus en plus souvent que nos boues épuratoires, soit le produit final du procédé de dépollution, sont contaminées par des pollutions industrielles de type hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des pollutions par des halogènes organiques adsorbables (AOX). Il va donc falloir que tous les acteurs du Grand-Duché, et pas uniquement le SIDEN, réorganisent leurs filières de réutilisation des boues épuratoires.
 
Que penser d’un prix unitaire pour l’eau au Luxembourg?
RS: Environ 40% du prix de l’eau usée est lié à l’amortissement des infrastructures, donc plus les installations sont chères, plus ce prix est élevé. Fonctionner avec un système de stations décentralisées fera donc augmenter le tarif par habitant.
AK: Le prix de l’eau dans les villages de la région du Nord est forcément plus élevé car les besoins en infrastructures sont très grands, les habitants peu nombreux et le PAG souvent restreint pour des raisons liées à l’environnement.
Pour éviter une si grande inégalité entre les communes selon leur densité de population et leur topographie, nous proposons régulièrement des pistes visant à tendre vers un prix unitaire des eaux, surtout usées. Les communes rassemblées au SIDEN font déjà preuve d’une telle solidarité, par le biais d’un prix unique syndical, que nous souhaiterions étendre d’abord au niveau communal de la région du Nord puis ensuite à toutes les communes du pays, pour davantage d’égalité.
 

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