Betic: Concevoir les solutions de demain

Betic

Le pays vient à peine de passer la barre symbolique des 600.000 habitants que l’hypothèse du million laisse déjà nos spéculations à l’inquiétude. Le marché de l’emploi promet d’assimiler la croissance démographique à condition qu’elle soit qualitative mais qu’en sera-t-il de la mobilité déjà congestionnée, de l’offre du logement saturée et des infrastructures scolaires, sportives, culturelles et médicales? Rencontre avec un concepteur de solutions mises au service de la qualité de vie des citoyens. Interview de Gilles Christnach, administrateur délégué de Betic, bureau d’Ingénieurs-Conseils qui propose la conception, le suivi et la réception de toutes les installations techniques du bâtiment.
Le pays connait une forte croissance démographique qui engendre, de fait, des problématiques d’infrastructures; peut-on dire que le Luxembourg n’a pas finit de voir les chantiers de construction pousser comme des champignons?
Assurément oui, et la réussite de ces défis dépend des choix de projets que nous prenons aujourd’hui. Ils doivent être adaptés aux besoins et prendre le contrepied des solutions techniques usuelles. Ceci implique une contribution plus importante des bureaux d’études dans les processus de réflexions actuelles, car plus tôt nous sommes intégrés au projet et plus rapidement nous pouvons orienter nos concepts en prenant aussi en compte les évolutions futures. Je pense d’ailleurs que les politiques pourraient intégrer encore davantage les ingénieurs et les architectes dans leurs prises de décisions.
Notre métier d’ingénieur consiste à pousser nos réflexions afin de trouver non pas les solutions par défaut mais celles qui sont adéquates aux enjeux. Nous pouvons concevoir un parking de 1.000 places mais nous pouvons aussi aider à étudier la pertinence de tel ou tel projet.
À l’image des architectes qui sont régulièrement consultés pour définir une esthétique architecturale, souhaiteriez-vous peser plus encore dans les choix des installations techniques?
Le léitmotiv de Betic – et je pense plus largement, celui de tout bon ingénieur –  est «la technique est morte vive la technique». Nous aimons penser de manières différentes et au-delà des conceptions habituelles. Nous constatons en effet que plus tôt nous contribuons aux projets, mieux ils s’enchainent.
Le plaisir que nous tirons de notre travail réside en la concrétisation de nos concepts innovants et nous ne connaissons de limites que celles des lois de la physique – et aussi parfois celles des budgets qui nous sont confiés. Je pense que dans chaque cœur d’ingénieur et de modeleur, réside une essence créative qui, exploitée comme il se doit, se met au service de l’innovation et donc de la société.
De toute évidence, votre philosophie trouve des adeptes, puisque de six collaborateurs en 2002, vous comptez aujourd’hui quelques 50 Béticiens…
Si notre développement est en effet régulier et constant, il n’en est pas moins sain. Certes, à nos débuts en 2000, nous ne voulions pas recruter plus de deux collaborateurs par an contre trois ou quatre aujourd’hui, mais nous apportons une attention toute particulière à leur intégration. Chaque nouvelle recrue est parrainée et doit suivre un programme d’accompagnement personnalisé afin de s’imprégner de la culture de l’entreprise.
La gestion de projets implique une parfaite synergie entre les ingénieurs, les modeleurs, l’équipe administrative, mais aussi l’ensemble des personnes impliquées dans le projet : architectes, maîtres d’ouvrage, installateurs, exploitants… La machine doit donc être parfaitement huilée!
Vos domaines d’activités sont variés et les projets sur lesquels vous travaillez, tous aussi différents les uns que les autres; ne risquez-vous pas que vos collaborateurs développent une forme de schizophrénie professionnelle?
(Rires) non, puisqu’on adore ça! La conception énergétique, les audits techniques ainsi que les études des installations de chauffage, de ventilation, de climatisation et d’électricité sont des domaines intellectuels passionnants. Maternités, crèches et écoles, gares, lycées, installations sportives, bâtiments résidentiels ou de bureaux, morgues; comment ne pas être enthousiaste à l’idée d’accompagner toutes les étapes de la vie? Même sur un marché du recrutement où les compétences techniques se font rares, nous mettons un point d’honneur à trouver des personnes engagées et motivées!
Nous recherchons moins un ingénieur qui aura appliqué dix fois la même technique que celui qui en aura conçues dix différentes. La «vue hélicoptère» et l’œil nouveau nous sont indispensables.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par l’exemple du nouveau Lycée Technique pour Professions de Santé d’Ettelbruck. Cela fait huit années que nous conceptualisons des installations spécifiques aux lycées selon un modèle déjà innovant mais nous avons encore voulu nous réinventer. Le bâtiment s’est inscrit dès les premières réflexions dans une philosophie de recyclage de ses matériaux de construction en prévision du jour de son démantèlement. Nous nous sommes alors demandés pourquoi nous devions installer des gaines de ventilation dès lors que le couloir pouvait remplir la même fonction. Un lycée est constitué de salles de classes et de longs couloirs qui ne se remplissent qu’entre les cours et que nous avons dans ce cas utilisés pour amener de l’air frais dans les salles de classes.
Parlez-nous de l’union de l’esthétique et de la technique…
Comme dans la vie, une union doit être harmonieuse et si les projets architecturaux tendent à la modernité et à la durabilité, ils remplissent également certaines fonctions afin de répondre aux besoins de leurs usagers. Toute notre mission consiste à trouver des solutions pour que les techniques soient efficaces et simples d’utilisation.
L’architecture résolument moderne de la gare de Belval-Université en est un bon exemple: elle ressemble à un mille-pattes en mouvement mais son enveloppe a été conçue afin d’éviter la surchauffe, de protéger du soleil, tout en restant lumineuse.
Au Luxembourg, les niveaux de conception des bâtiments sont relativement élevés, ce qui assure un bon équipement. Mais dans la mesure où il faut deux ans pour paramétrer un bâtiment, cela laisse tout le temps à l’exploitant de perdre sa motivation si la technique est trop complexe.
La technique ne devrait jamais imposer des comportements à l’utilisateur mais c’est à l’utilisateur d’imposer son comportement à la technique.
Ceci est peut-être encore plus important pour les personnes à mobilité réduite…
Certainement et là plus qu’ailleurs, la technique doit servir les usagers. Je pense tout particulièrement à l’extension du Tricentenaire à Heisdorf qui héberge des personnes en situation d’handicap ainsi que des enfants dans le cadre d’un foyer de jour. Regarder un fauteuil roulant passer du couloir à la chambre puis à la salle de bain, met en évidence l’importance de la motorisation des portes, par exemple.
Notre métier est sublime dès lors que nous pouvons rendre la vie des gens plus simple et nous sommes conscients que c’est aussi une grande responsabilité.

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