Un changement de mentalité au cœur de la digitalisation

«Le défi fondamental de la transformation digitale n’est pas technologique mais humain». Suite à l’Innovation Day du 17 avril dernier et en vue des FinTech Awards du 20 juin prochain, Pascal Denis, Head of Advisory Services chez KPMG, revient avec nous sur les changements de culture, de direction et de gestion que les secteurs public et privé doivent amorcer face à la digitalisation. Interview.
 
Quelles sont les particularités de cette nouvelle édition des FinTech Awards? 
Nous avons réuni une centaine de candidatures de sociétés déjà établies au Luxembourg, mais également en provenance du reste monde et principalement d’Europe. Le 20 juin prochain, les prix seront décernés et parmi ceux-ci une nouveauté: le «Financial inclusion Award». Au même titre que le «Women FinTech of the year» de l’année dernière, ce dernier promeut la diversité dans un écosystème assez large et complexe. Il récompensera ainsi une FinTech donnant accès au secteur financier à des personnes ou des secteurs dont l’accès est rendu difficile et facilitant ainsi l’inclusion financière.
Chaque année, les startups s’intéressent au Luxembourg et voient dans les FinTech Awards l’opportunité d’avoir un contact plus proche avec le marché luxembourgeois, de s’y faire connaître, mais aussi de tester la réceptivité de son écosystème. La RegTech reste la catégorie de participants la plus populaire car le Luxembourg est un pays où les activités impliquent qu’il y ait beaucoup de conformité à mettre en place à travers plusieurs pays. En effet, les fonds d’investissements et banques ont des relais dans plusieurs pays, ce qui implique une complexité réglementaire assez élevée. D’autres segments comme l’intelligence artificielle et la blockchain semblent également se distinguer parmi les FinTechs inscrites.
Nous notons également une participation plus grande de sociétés provenant de pays limitrophes (Belgique et France), ce qui démontre que notre travail quotidien de promotion du Luxembourg a une résonnance proche de nos frontières.

Quels sont les défis que créée la digitalisation?
Lors de l’Innovation Day que nous avons coorganisé, nous nous sommes rendu compte de l’évolution rapide que connait continuellement la technologie, pourtant nous estimons que le défi principal se situe au niveau des mentalités. Si les entreprises doivent opérer un changement au niveau des profils recrutés et des processus décisionnels, les administrations et le pays tout entier doivent également opérer un changement de culture.
Les démarches administratives, mais aussi les processus de décision dans les entreprises, sont encore trop lourds à l’heure actuelle. La collaboration avec des Fintechs souffre de cette lenteur qui entrave leur développement. Nous avons encore besoin de changer les cultures, de rapprocher les écosystèmes et de recruter des profils à la fibre digitale qui pourront secouer les habitudes d’une entreprise et la gestion en place.

Comment opérer ce changement de mentalités?
Le système d’éducation doit être repensé de manière à ne plus enseigner un savoir figé, mais plutôt d’apprendre aux élèves à apprendre par eux-mêmes. Il est en effet nécessaire d’apprendre aux plus jeunes à se familiariser avec les logiques technologiques de manière générale et à structurer leur raisonnement en fonction de la technologie. Les entreprises devront par ailleurs se tourner vers l’outil de formation continue pour mettre régulièrement à jour les compétences de leurs collaborateurs.
Il est aussi nécessaire de se familiariser avec un écosystème dans lequel les acteurs ne sont plus cantonnés à leur domaine. En effet, toute entreprise doit maintenant se connecter avec d’autres entreprises et secteurs, il faut donc apprendre à sortir de sa zone de confort pour créer ces connexions.

Comment améliorer l’attractivité du Luxembourg pour les Fintechs?
Le Brexit offre actuellement aux sociétés une raison supplémentaire de s’intéresser au Luxembourg. Si les grandes entreprises comme les banques et assurances ont déjà fait leur choix par rapport au Brexit, de nombreuses FinTechs et autres sociétés plus flexibles et agiles attendent encore et s’intéressent dans ce cadre au Luxembourg.
Les FinTechs sont attirées par des écosystèmes fournissant un accès direct à des clients, ayant des circuits décisionnels rapides et offrant des possibilités de financements. Nous avons développé cette flexibilité décisionnelle, mais cela n’est pas encore suffisant. Les secteurs privé et public doivent continuer à se réinventer et à accélérer certains processus, comme par exemple les décisions liées à l’octroi d’un financement bancaire aux FinTechs. Il faudrait injecter dans leur ADN, des éléments de celui des startups, notamment au niveau de la flexibilité, de la prise de risques, de l’entreprenariat, de la rapidité, du type de profils engagés,… Une façon de changer ces modes de fonctionnement est par exemple le recrutement de profils différents. Chez KPMG nous avons notamment recruté des personnes avec une expérience au sein de startups et cela nous a apporté un regard nouveau et nous oblige à progresser.
La technologie ne cesse d’évoluer et pour pouvoir accompagner ces changements, nous devons nous munir d’une culture, d’un leadership, d’un processus décisionnel et d’une formation de qualité. Nous devons travailler sur ces éléments à l’échelle du pays et des entreprises afin d’améliorer l’attractivité du Luxembourg.

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