Les anges gardiens

Luxembourg Air Rescue

Huit missions vitales par jour voilà le bilan de Luxembourg Air Rescue. L’organe luxembourgeois de transport aérien d’urgence, de rapatriement de personnes et de transfert d’organes vient tout juste de souffler sa 30e bougie. L’occasion pour son président et fondateur, René Closter de revenir sur cette incroyable aventure au service des autres.

Comme une évidence
Juillet 1986, commune de Steinsel, une benne à ordure renverse un garçon et lui arrache le pied. René Closter, alors pompier professionnel sait que le seul espoir de greffe est d’emmener de toute urgence, ce petit gars à Nancy. Aucun hélicoptère n’est disponible dans la région et avec les départs en vacances, il faut quatre heures aux pompiers pour relier l’hôpital, anéantissant ainsi tout espoir. «Le petit avait six ans, le même âge que mon fils à l’époque», se souvient-il. La suite sonne comme une évidence…
René Closter s’entoure de quelques amis pompiers et décide de créer un service de secours par les airs. Mais l’Etat craignait qu’un service héliporté d’urgence ne soit un gouffre financier. D’autant plus que le Grand-Duché n’avait jamais disposé d’hélicoptère sur son territoire. «Tout le monde était contre le projet», se souvient-il. Alors sans aucun soutien, ni financier, ni même politique, il prend une hypothèque sur sa maison et loue un hélicoptère et son pilote venus d’Allemagne. Le 18 avril 1988, l’asbl Luxembourg Air Rescue est née.

Turbulences des débuts
Durant les premières années, la location de l’hélicoptère et de son pilote engloutissent la majorité du budget et le siège social est installé dans une vieille tente de l’armée installée sur tarmac de l’aéroport. En 1996, René Closter est sollicité par le conseil d’administration pour diriger L.A.R., après une semaine de réflexion, il accepte. Le directeur explique la croissance phénoménale, par la grande popularité de L.A.R. auprès de la population grand-ducale qui avec 185.000 membres est la plus importante association du Luxembourg. Plus de 60% de la population luxembourgeoise cotise annuellement, ce qui lui assure un rapatriement depuis le monde entier en cas de maladie ou d’accident.
Les seules cotisations de ses membres ne suffiraient néanmoins pas à subvenir à l’association qui débourse quelques six millions d’euros pour l’achat d’un nouvel hélicoptère. Il fallait donc d’autres activités pour d’autres revenus et c’est pourquoi l’asbl possède une entreprise. Luxembourg Air Ambulance rapatrie des patients pour des assureurs à travers le monde, transporte des organes pour le territoire français, donne des formations, réalise la surveillance et le sauvetage des migrants en Méditerranée pour l’agence Frontex et fait de la maintenance d’appareils. Ces activités apportent les rendements nécessaires à la vie de la structure qui dispose actuellement de six hélicoptères de sauvetage et de cinq avions-ambulances.
Au total, L.A.R. effectue environ 3.000 missions par année. Ses engins sortent sur le terrain jusqu’à 15 fois par jour. Les sauvetages au Grand-Duché forment la plus grande part de ses activités mais les frontières du pays n’en sont pas pour ses oiseaux de fer. Rien qu’en 2017, les appareils se sont rendus dans 83 Etats et ont parcourus l’équivalent de 63 tours du monde. Devenu l’un des acteurs principaux dans le milieu du rapatriement au niveau mondial, L.A.R. est également l’unique structure au monde transportant des nouveaux nés sur des longues distances et l’un des rares à accepter celui de maladies infectieuses comme l’Ebola.
L’association est en Iran en 2003, pour secourir les victimes d’un tremblement de terre. En 2005, une équipe médicale se rend en Indonésie suite au tsunami. Plus tard la même année, une équipe passe trois mois dans la région du Cachemire, au Pakistan, au cours desquels 2.112 patients et 20 tonnes de biens sont transportés.

La base
Situé à l’aéroport du Findel, le lieu est aujourd’hui composé de trois hangars ainsi que de 3.500 m2 de bureaux. Au cœur du bâtiment, la centrale d’alerte ultra-moderne fourmille d’activités et gère l’organisation des missions et de la logistique. Le site contient également les salles de formation les plus modernes d’Europe dont une pièce qui simule les bruits, lumières, tremblements et autres conditions d’intervention. L’équipement, la formation du personnel, les simulateurs d’hélicoptères et le mannequin qui peut simuler les cris, les pleurs, la fièvre, les saignements, la crise cardiaque ou l’apoplexie coûtent 800.000 euros. Ce n’est pas pour rien que le personnel médical et paramédical des armées belges et néerlandaises sont formés chez LAR. «Nous disposons aussi de notre propre salle de réanimation. Et en cas de catastrophe, l’un de nos hangars peut se transformer en un hôpital de fortune d’une centaine de brancards très rapidement», ajoute-t-il.
Nuée

Selon le directeur, le capital le plus précieux de L.A.R.: ce sont ses 180 collaborateurs, qu’ils soient ingénieur, technicien, pilote, médecin, infirmier ou logisticien. Une équipe d’intervention est constamment sur le qui-vive, capable de décoller en deux minutes. L’homme de terrain qui comptabilise 14.000 interventions de sauvetage à son actif sait que ne pas savoir si l’on se rendra le jour-même en Algérie, au Soudan ou en Russie, c’est parfois beaucoup de pression à gérer», explique-t-il. C’est pourquoi les pilotes sont presque tous d’anciens militaires.
La vision née il y a 30 ans est devenue une réalité grâce à l’obstination de quelques-uns. «Un politicien m’avait alors dit que j’avais la tête plus dure que les chênes qui poussent chez moi, dans le Nord. Il avait certainement raison».

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