Innovation et PME: transformation tous azimuts

2018 sera-t-elle l’année de la transformation digitale des entreprises? Philippe Pierre, associé en charge du secteur public à Luxembourg et responsable mondial Institutions européennes chez PwC et Laurent Probst, associé et responsable du développement économique et de l’innovation chez PwC, en sont convaincus. Les entreprises luxembourgeoises, et plus particulièrement les PME, auront tout intérêt à faire de l’innovation leur credo si elles veulent tirer leur épingle du jeu dans en environnement en transformation accélérée. Et de rester à l’écoute du secteur public, qui multiplie les initiatives pour les épauler dans leur transformation digitale.
 
Aujourd’hui, la transformation digitale devient de plus en tangible, et touche tous les secteurs de l’économie, sans distinction. Un phénomène qui pousse les entreprises, et notamment les PME, à innover si elles veulent rester compétitives. Sont-elles dotées des moyens nécessaires pour opérer cette transformation?
P.P.: La digitalisation est en train de bousculer le marché du travail. En Europe continentale par exemple, on assiste peu à peu à une redéfinition du travail où le système salarial, majoritairement représenté depuis quelques décennies, va peu à peu laisser la place à une répartition plus équilibrée entre travailleurs salariés et entrepreneurs. On voit également que la part des travailleurs freelance augmente d’années en années dans le monde: elle représenterait 30% des employés aux Etats-Unis et deux millions au Royaume-Uni, selon une étude d’Adecco. Les nouvelles technologies ont clairement accéléré cette tendance à la flexibilité du travail ces dernières années, et nous rentrons maintenant dans une phase beaucoup plus tangible où les entreprises devront innover à travers des actions concrètes si elles veulent rester dans la course.
L.P.: Lorsqu’elles sont amenées à se transformer, les PME font face à deux défis principaux: celui des moyens et celui des compétences. Il est clairement moins évident pour un dirigeant d’une petite entreprise d’opérer sa transformation digitale comparé à un grand groupe qui trouvera les ressources nécessaires beaucoup plus facilement pour se transformer. Aujourd’hui selon le Digital Transformation Scoreboard de la Commission européenne, une large majorité des PME voit principalement les technologies digitales – réseaux sociaux, CRM, Big Data… – comme un moyen de développer leur chiffre d’affaires et de mieux répondre aux nouveaux besoins de leurs clients.
 
Le Luxembourg est-il prêt pour accompagner les entreprises dans cette profonde mutation de leur modèle?
L.P.: Selon les derniers classements européens, les PME bénéficient d’un des meilleurs écosystèmes européens pour leur transformation digitale renforcé par de nouvelles initiatives pour leur fournir de l’assistance technique et financière. La politique d’innovation continue depuis plus de 10 ans a fait naître des initiatives porteuses: on voit notamment de plus en plus d’incubateurs se créer, comme le 6zero1 à Differdange ou encore l’Innovation Hub de Dudelange. On note également l’apparition de fonds d’investissement dédiés aux startups et d’incubateurs reliés à des multinationales, comme Paul Wurth InCub. Toutes ces initiatives créent un environnement propice au développement des petites entreprises sur la scène locale et internationale.
P.P.: Nous sommes également témoins de nombreuses avancées technologiques qui renforcent l’attractivité du Luxembourg auprès des entreprises. Je fais notamment référence au fait que notre pays sera prochainement doté d’un HPC (High Performance Computing), ce qui constitue une opportunité pour créer de la valeur à partir des données. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un projet mené par la Commission européenne qui vise à implémenter un réseau européen de HPC connectés entre eux d’ici 2023. D’autres projets ont également vu le jour, comme la création de la première ambassade digitale, hébergée sur le sol luxembourgeois.
L.P.: L’accompagnement des entreprises sur le volet des compétences est également une priorité. Avec le développement de plus en plus rapide des nouvelles technologies, beaucoup d’entre elles sont confrontées à un problème de requalification et de sélection de bons programmes de formation pour leurs employés. Le problème du recrutement est de plus en plus vif compte tenu de la croissance de l’économie et de la pénurie de talents sur la place. Plus de 6.000 emplois sont actuellement disponibles et non pourvus et ce chiffre est en croissance. Le projet Skills Bridge initié par le ministère du Travail peut apporter une assistance technique et financière aux entreprises dont l’activité stratégique et l’organisation du travail sera impactée par de nouvelles technologies afin de développer les compétences de leurs salariés.
 
Quels domaines phares voyez-vous émerger et sur lesquels le Luxembourg aurait intérêt à se positionner s’il veut rester attractif auprès des entreprises?
L.P.: Je pense que le Luxembourg doit plus que jamais se concentrer sur la création d’un cadre responsable et de confiance pour le développement d’activités d’intelligence artificielle et mettre en place un plan d’action pour pouvoir le développer. La qualité et la confiance dans l’utilisation des données et des algorithmes vont jouer un rôle de plus en plus important dans le futur, et pouvoir fournir aux entreprises, aux citoyens et acteurs publics un cadre de confiance nous donnera un avantage concurrentiel certain. La situation actuelle dans laquelle nous n’avons aucune idée sur la qualité des données ni celles des algorithmes n’est pas envisageable dès que l’on entrera dans le cadre d’utilisations mettant en jeu la vie des personnes comme la voiture autonome ou les diagnostics médicaux.
P.P.: L’intelligence artificielle va impacter tous les secteurs de l’économie, financiers comme non financiers. Elle va transformer de nombreux métiers mais aussi en créer de nouveaux. Il est donc primordial que le Luxembourg se positionne sur ce terrain, qui constituera à terme une formidable opportunité d’attirer de nouveaux acteurs économiques et de permettre aux entreprises luxembourgeoises de développer de nouveaux services.
 

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