Expérience et humilité

Un dernier regard dans le miroir, une mèche de cheveux remise en place et Lydie Polfer est enfin prête à nous recevoir. Elle incarne l’expression «avoir un emploi du temps de ministre», son téléphone ne cesse de sonner et elle n’a qu’une heure à nous consacrer, pourtant, c’est avec le sourire et un ton très doux et presque maternel qu’elle prend le temps de répondre à nos questions. Portrait d’un des visages les plus connus de la capitale.
 
La vie est faite de choix qui jalonnent notre parcours et façonnent le chemin que nous empruntons.  Plongée dans la lecture de «L’insoutenable légèreté de l’être» de Milan Kundera, Lydie Polfer est face à une prise de conscience: son parcours ne pourra jamais être parfait. «Ne pas reconnaître une erreur, c’est en commettre une deuxième», nous dit-elle en souriant. Tout au long de sa carrière, la femme politique a pris des décisions en tentant de se rapprocher au maximum des souhaits de la population, ce qui s’est avéré être une tâche parfois compliquée. «Au plus vite on admet une erreur, au mieux on peut tenter de la rattraper. C’est comme cela qu’on construit une relation de confiance…»
 
«Que veux-tu faire quand tu seras grande?»
Sur les bancs de l’école primaire, on incite déjà les plus petits à se projeter dans le futur. Pour l’enfant qu’elle était alors, l’objectif était très clair, elle voulait devenir avocate pour défendre les bons. A la maison, les règles du jeu étaient limpides: elle était libre de faire ce que bon lui semblait pour peu qu’elle prenne ses responsabilités. Marquée par cette éducation qu’elle a toujours trouvée juste et équitable, c’est également dans cet esprit qu’elle a voulu élever sa fille et, également, construire sa carrière.
 
Un sentiment mitigé
En 1981, Camille Polfer a remporté sans grande surprise les élections communales, juste devant sa fille, arrivée en deuxième position. Elle ne s’était d’ailleurs présentée que sous l’impulsion générale du parti, clamant qu’elle représentait un électorat tout autre puisqu’elle était jeune, et surtout, qu’elle était femme.
«La vie nous écrit parfois des scénarios assez dramatiques», nous dit-elle alors sur un ton résigné et encore plein d’émotions. Et pour cause: à peine une semaine après les élections, son père était victime d’une attaque vasculaire et Lydie Polfer dût prendre la place de son propre père, à la tête de la Ville. Jeune femme au destin presque royal, elle a dû endosser ce rôle qu’elle n’aurait jamais pensé devoir assumer du vivant de son père. C’est ainsi que le 1er janvier 1982, la famille Polfer connaissait un drôle de retournement de situation: quand Camille sortait de l’hôpital, Lydie entrait à l’hôtel-de-ville à à peine 30 ans.
 
21 ans à la tête de la Ville
La bourgmestre se souvient de ses débuts avec nostalgie: «J’ai tout de suite dû travailler avec des hommes d’un certain âge et j’ai essayé d’instaurer une relation de confiance dès le départ avec eux, ce qui nous a demandé à tous une certaine ouverture d’esprit et de la sincérité, mais je dois dire que tout s’est très vite bien passé».
Le Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, le Cercle Cité, la Résidence Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, les débuts du stade de football,… sont autant de projets que Lydie Polfer est fière d’avoir mis sur rails. «Mais la réalisation dont je suis la plus fière dans ma vie reste ma fille».
 
Une carrière à l’international
Tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001. Lydie Polfer, elle, fêtait les 18 ans de sa fille unique. Une nouvelle fois, un mélange d’émotions contraires sont entrées en collision: la joie a peu à peu laissé place à la consternation et à l’impuissance face à cet événement qui allait complètement changer la face du monde politique. Assumant depuis deux ans à peine les fonctions de Vice-Premier ministre et de ministre des Affaires étrangères, cet événement est resté le plus marquant de sa carrière politique.
Poursuivre son engagement auprès de l’électorat, mais à un niveau international cette fois, était un défi qu’elle avait hâte de relever. Ces années ont notamment été animées par l’élargissement de l’Europe dans le cadre du traité de Nice qui serait finalisé par la suite en tant que traité de Lisbonne; celui-ci promettait de lier les pays européens de manière très forte. Aujourd’hui, le Brexit entre en contradiction avec ces traités que la Grande-Bretagne avait ratifiés à l’époque. L’ayant longtemps côtoyé, la bourgmestre a une confiance absolue en la force et la sagesse de Michel Barnier, le négociateur en chef de la Commission chargé de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni, pour parvenir à un accord poussant les britanniques à respecter les engagements qu’ils avaient pris par le passé.
 
Un futur Luxembourgmestre?
14 femmes et 13 hommes composent actuellement la liste du DP en vue des élections communales et le parti n’a rencontré aucune difficulté pour atteindre cette parité. «Essayer de faire quelque chose de nouveau demande un certain courage. Ces femmes sont compétentes et évoluent dans leur travail, gèrent leur vie de famille et s’engagent également en politique, cela est aujourd’hui possible notamment grâce au changement de la structure familiale traditionnelle».
Forte de 21 ans d’expérience à son poste, Lydie Polfer est actuellement repartie en campagne. «Les enfants seront au cœur des préoccupations du Parti démocratique. Nous devons leur donner la chance d’avoir une bonne éducation et permettre à leurs parents d’avoir une vie professionnelle et familiale qu’ils peuvent concilier».
Dans une ville connaissant une augmentation de 30% de sa population par année, le logement et la mobilité connaîtront également de grands changements. Portant un regard novateur et ambitieux sur la capitale, elle espère voir aboutir des projets d’envergure comme le parc de Gapserich et le tram, qui changeront positivement le visage de «sa Ville».
Par Martina Cappuccio