Au Royaume désuni?

PwC Luxembourg

Le 23 juin 2016, l’associé responsable secteur public chez PwC Luxembourg et responsable global Institutions Européennes, Philippe Pierre était au milieu d’une réunion à Bruxelles lorsqu’il a appris la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Il se souvient encore des expressions d’étonnement et peut-être aussi de déception qui se dessinaient alors sur les visages. Une année après le vote, cet expert des rouages européens mais aussi du secteur public, revient sur les enjeux du Brexit. Interview.

Quel est le rôle de la montée des populismes dans les débats préalables au vote?
Force est de constater que la campagne pour le Brexit a été entretenue par des europhobes et dans laquelle les europhiles ont peiné à faire entendre leurs voix. La responsabilité des médias dans l’information et celle de l’Europe dans sa communication, ont fait défaut à faire entendre les voix de la raison. Les institutions européennes devraient mieux mettre en valeur ce qu’elles apportent aux citoyens et aux entreprises car les européens ne mesurent pas assez les bénéfices qui en découlent.
Le Brexit puis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis auraient pu laisser présager l’écroulement de l’Union européenne si la France en était aussi sortie. L’élection présidentielle française a permis de remettre en lumière l’enthousiasme européen et de rebattre les cartes des principes fondamentaux de l’UE un peu mis à mal ces derniers temps.
Les acteurs publics, les entreprises et les citoyens ont été surpris par le résultat du vote outre-Manche mais cet électrochoc peut permettre à l’Europe de définir une nouvelle trajectoire et de nombreux responsables européens en sont déjà conscients. L’Europe à 27, avancera par exemple certainement mieux sur des sujets comme la défense européenne.
 
Theresa May était pour un Brexit dur mais suite aux élections législatives et à la majorité absolue qui lui fera défaut au Parlement, la Grande Bretagne ne se dirige-t-elle pas vers un «soft Brexit»?
«Too early to say». Tout dépendra des trois conditions de sortie que sont l’accès au marché du travail pour les citoyens européens, le coût du divorce actuellement estimé entre 60 et 100 milliards d’euros pour la Grande-Bretagne et l’avenir de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord qui restent pro-européens. Theresa May a récemment voulu rassurer les 3 millions de citoyens européens qui vivent en Grande-Bretagne mais il lui reste encore à préserver l’unité du Royaume. Par ailleurs, la multitude de responsabilités et de tâches qui sont aujourd’hui assumées par les organes européens reviendront demain dans les mains des instances britanniques. Il sera intéressant d’observer comment la Grande Bretagne aura la capacité d’exécuter ces nouvelles responsabilités. C’est un chantier colossal qui prendra bien des années dans sa mise en œuvre.
 
Peut-on y voir des opportunités pour la Place luxembourgeoise?
Tout dépend des secteurs d’activités mais il est vrai que la Place a des atouts à faire valoir. Le Luxembourg est un pays stable tant sur le plan financier que politique, c’est un lieu de haute compétitivité, avec des ressources importantes et des talents reconnus. De par son multiculturalisme, sa mobilité, son éducation, ses lieux culturels et son multilinguisme, c’est un pays où il fait bon vivre, ce qui n’est pas négligeable pour gagner en attractivité.
La Place pourrait ainsi attirer des sociétés britanniques qui souhaitent garder un ancrage dans le marché unique mais aussi, et peut-être surtout, les entreprises du monde entier qui veulent s’implanter en Europe.
 
Peut-on aussi espérer attirer plus de talents? 
Grâce à l’arrivée de nouvelles entités annoncées au Grand-Duché, la stabilité du pays, les nombreux investissements en cours dans des secteurs stratégiques, le Luxembourg est déjà en passe de devenir un centre d’attractivité pour les jeunes talents européens, et bien au-delà…

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