Aux paradis des satisfactions?

Chambre des Salariés

Si au Luxembourg les conditions matérielles sont plutôt bonnes, il n’en est pas de même pour le bien-être au travail. C’est un paradoxe qui ressort d’une étude réalisée conjointement par l’Université du Luxembourg et la Chambre des Salariés. David Büchel, psychologue du travail pour la CSL, nous en expose les grandes lignes.

Parlez-nous des conditions de travail au Luxembourg.
Nous réalisons chaque année une enquête nationale en collaboration avec l’Uni.lu, dans laquelle nous interrogeons un panel de 1.500 salariés, représentatifs des employés du pays. Le «Quality of work Index» s’intéresse aux conditions de travail durant les heures prestées mais également à leurs influences sur la vie privée.
Je prends pour exemple le nombre d’heures de travail réel qui est élevé comparé à nos voisins européens. Prenant compte des emplois à temps partiel, la moyenne prestée à Luxembourg est de 40 heures de travail par semaine: 31% des salariés font en moyenne hebdomadaire jusqu’à 5 heures de travail supplémentaires, 13% en font même jusqu’à 10 heures et 4,5% au-delà de 10 heures.
Si la rémunération et la sécurité de l’emploi sont plutôt bonnes, l’étude montre que le surmenage, les directives contradictoires de la hiérarchie, les conflits entre collègues sont en augmentation. Je dirai donc que la situation est moyenne.

Et pour ce qui est du risque psycho-social?
Nous entendons par ce terme, les risques professionnels qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés. Le surmenage empiète par exemple sur la vie personnelle et favorise de facto, l’épuisement professionnel puisque 23% des salariés sont concernés et les «burnouts» sont en augmentation sur les quatre dernières années.
Si nous savons depuis longtemps que le bien-être au travail est un outil de la productivité, le mal-être impacte conséquemment le bon fonctionnement des entreprises.

L’organigramme traditionnel à la structure pyramidale n’est donc pas encore enterré…
Le sentiment d’utilité de l’employé dans son entreprise comme son autonomie d’organisation sont en effet, en nette diminution. Ces sentiments de participation aux décisions et d’autogestion en fonction du résultat attendu et de sa propre manière de travailler ont un effet modérateur sur le stress, surtout lorsque la charge de travail est aussi importante qu’elle ne l’est à Luxembourg.
La définition de la flexibilité n’est pas la même selon l’employeur ou le salarié. Il revient donc aux syndicats et aux délégations d’entreprises de trouver ensemble avec les dirigeants des entreprises une convergence, un point d’équilibre afin de réaliser les objectifs demandés par l’employeur tout en permettant à l’employé de gérer son temps comme il l’entend. Dans ce contexte, un règlement pour protéger les travailleurs des risques psychosociaux peut fournir le cadre légal afin de définir les ressources de recours à l’analyse, l’évaluation et la prévention de ce type de risques.
Un mauvais climat social dans une entreprise peut être favorable aux conflits entre collègues mais aussi au harcèlement moral (lui aussi en augmentation). L’importance de réguler ces tensions psychosociales est primordiale.

Le numérique peut-il être une source de surmenage?
Les courriels toujours plus nombreux dans nos boîtes aux lettres électroniques sont autant de sources d’informations qu’il faut gérer. Les métiers intellectuels qui requièrent des capacités de concentration y sont plus propices. D’autant plus qu’avec l’évolution des supports technologiques, le travail peut vite s’inviter cher soi.
Certaines entreprises en sont conscientes et en Allemagne, le constructeur d’automobiles Volkswagen a mis en place un système (pour 3.000 salariés) qui ne leur permet plus de recevoir des mails professionnels sur leur smartphone en dehors des heures de bureau. C’est ce qu’on appelle le droit à la déconnexion.

Un mot sur la santé…
25,5% des répondants disent avoir souvent ou très souvent des problèmes de dos, et 17% ont souvent ou très souvent des problèmes articulatoires. Sont concernés en premiers lieux les professions non qualifiées, les métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat, mais aussi des services directs aux particuliers comme dans le commerce, la restauration, les coiffeurs et esthéticiens ou dans le secteur de la santé. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont la principale maladie professionnelle et constitue la première source d’absence suivie de près par le stress et la dépression. D’où notre guide pratique pour que les ressources humaines des entreprises puissent prévenir et agir.

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