L’axe médian

Claudia Monti

«Ombudsfra» depuis le 21 mars 2017, la proche du Premier ministre a été élue avec une large majorité au parlement (35/54) et beaucoup avancent son parcours pour justifier cette désignation. Rencontre, une semaine seulement après la prise de fonction du nouveau médiateur, Claudia Monti.

À l’origine des combats
Claudia Monti a le souci des sans voix et peut-être faut-il moins y voir une cause choisie que la conséquence naturelle d’une ontologie. «Il y a quarante ans on faisait encore souvent l’amalgame entre les handicaps physique et moteur», dit-elle en se rappelant que ses parents se sont battus pour qu’elle suive une scolarité normale. Elle a fait ses primaires à Esch-sur-Alzette où à force d’échecs et de réussites semblables à ceux de ses camarades, son handicap s’est révélé une différence de degré et non pas de nature. Il ne sera donc jamais l’excuse pour ne pas faire, ni même l’argument pour ne pas entreprendre. Claudia Monti refuse le statut de victime et l’infantilisation de son handicap qui la déresponsabiliserait.
Jeune fille, elle intègre le Fieldgen puis l’Athénée où elle suit une section littéraire et se laisse séduire par Baudelaire, Verlaine et Rimbaud. S’en suivent les passions du théâtre classique avec Molière et de la grande Histoire de la Révolution française et la Guerre de Sécession. Fruit de sa curiosité, la lecture constitue en elle une pyramide de souvenirs où la défense des plus faibles, des oubliés, des opprimés captive son humanisme.
Puisque sensibilisée au monde et outrée de ses injustices, l’adolescente se met naturellement en quête de solutions absolues et se met à lire des penseurs idéalistes et anarchistes. Elle comprend très vite qu’il n’existe pas de solutions simples aux problèmes éminemment complexes.
En terminale et pour la première fois, ses aspirations se heurtent à la réalité de son handicap. Elle qui rêvait de parcourir l’Amérique du Sud en quête des traces archéologiques des Mayas et des Aztèques, comprend qu’elle ne peut pas devenir Indiana Jones. Même ses envies de journalisme en zone de guerre sont refoulées aux portes de la réalité. On lui conseille de faire du droit car, c’est bien connu, le droit mène à tout.

Des domaines réjouissants
Sur les bancs universitaires de Strasbourg, elle bûche sur des questions philosophiques, théoriques et pratiques qui ravissent ses réflexions intellectuelles. La question de subdivision du droit pour savoir si les animaux peuvent sortir du statut d’objet et devenir un sujet de droit, amène inéluctablement à l’âme et au mécanisme chez Descartes mais aussi aux travaux de Darwin et à l’anthropocentrisme. Elle s’intéresse au bien-être animalier en se rappelant la compagnie des chiens, des chats et des chevaux de son enfance. Loin des bibliothèques qui racontent la vie, l’expérience vécue nourrit encore plus l’idée qu’entre la fourmi et l’homme, il n’existe qu’une différence de degré et non pas de nature.
Claudia Monti se spécialise dans les droits de l’Homme et le droit communautaire, elle participe à des formations en droit international humanitaire de la Croix-Rouge et au concours de plaidoirie René Cassin. Elle revient au Luxembourg en 2000 et fait une année de stage. Roland Michel lui confie alors une affaire criminelle et elle s’éprend de passion pour le droit pénal.
Pourquoi cette amie de Xavier Bettel qui le connait depuis le lycée et au parcours semblable, n’a-t-elle pas épousé une carrière politique? Elle aurait pu en effet espérer un portefeuille ministériel. Elle se souvient qu’au détour d’une de leurs discussions dans lesquelles ils refaisaient le monde, il lui dit d’arrêter de se plaindre et de s’engager à faire bouger les choses par elle-même.
Pensant que les libéraux étaient plus à même de défendre ses valeurs humanistes, connaissant le libéralisme des Lumières, elle prend sa carte au DP. Les élections européennes la font connaître des électeurs et elle décide d’être candidate au poste de médiateur.

Une fonction
Lorsque Claudia Monti portait encore le prédicat de Maître, elle se voulait toujours proche de ses clients. Elle quitte le barreau, le cœur lourd, sachant déjà que la plaidoirie va énormément lui manquer mais elle sait aussi que la dimension humaine restera sensiblement la même. Prendre le temps de répondre aux préoccupations et expliquer les dossiers sont des qualités que l’«ombudsfra» compte bien faire perdurer. Elle connait les problèmes des citoyens et sait qu’il faut les écouter sans tomber dans l’empathie. «Un courrier de l’administration peut souvent être perçu comme une agression simplement de par la froideur du texte», nous dit-elle. Et d’ajouter qu’«il faut parfois faire prendre conscience, que la décision administrative est justifiée».
Le médiateur est à défaut de résultats, tenu à des obligations de moyens et n’a donc qu’un pouvoir de consultation; c’est le citoyen qui vient le voir en cas de litige. Les futurs chantiers de Claudia Monti sont nombreux, contributions, centre socio-éducatif, éducation, loi sur la nationalité, réfugiés, fonds national de solidarité, assurance dépendance, etc. Durant ses huit années de mandat, elle souhaite montrer que le droit n’est pas abstrait et réservé à une élite, elle espère pouvoir le vulgariser et l’humaniser afin de démontrer qu’il sert la société.
Claudia Monti n’exclut pas de revêtir un jour la robe d’avocat ni même peut-être de se lancer dans une carrière politique mais elle assure ne pas y songer pour l’heure. «Il serait malsain d’y penser maintenant, ce serait considérer ce poste comme un tremplin».   JuB

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