Le modèle circulaire, à votre portée

L’économie circulaire, cette tendance d’aujourd’hui devient le mode de production et de consommation de demain: voilà ce qu’affirment Frank Wiseler et Marko Koerner, Senior Advisor et Senior Manager en Management Consulting, au sein de KPMG Luxembourg. Ils nous font part de leurs conseils pour ne pas rater son départ dans cette course de longue haleine vers un business model plus durable. Interview.
Selon la Commission européenne, l’économie circulaire est synonyme de «zéro déchet». Comment traduisez-vous cela?

MK: L’économie circulaire est une nouvelle façon de penser. Actuellement, le modèle entrepreneurial est basé sur le principe d’extraire, fabriquer, utiliser puis jeter; de façon linéaire. A l’avenir, les sociétés s’encreront dans une logique d’utiliser, réparer, rénover et recycler; formant ainsi une boucle. Les matériaux seront consommés dans toute leur potentialité et les déchets seront ainsi considérablement réduits.
FW: Une entreprise qui souhaite évoluer vers un tel modèle doit s’interroger sur son fonctionnement complet. En effet, l’économie circulaire se construit sur quatre piliers principaux.
Quels sont ces quatre piliers et comment agir sur ceux-ci?
FW: Ces sujets sont la chaîne d’approvisionnement, la production, les services et la logistique. Une réflexion sur tous ces domaines est indispensable pour construire un business model circulaire.
Le premier concerne la notion de “supply chain” et la révolutionne totalement. Jusqu’ici la chaîne d’approvisionnement a été largement optimisée pour la rendre plus efficace et moins couteuse. Désormais, l’objectif est de veiller à ce qu’aucun matériau ne soit gaspillé, pour la simple raison que les ressources se raréfient! En pratique et avant toute chose, le partenaire doit être vu, non plus comme un simple fournisseur, mais comme un collaborateur au sein d’un écosystème. Autre notion d’importance: les matériaux utilisés doivent être recyclables car il faut pouvoir les réintégrer par après. Notez bien que cela implique une transparence dans la composition des biens.
MK: Le deuxième pilier de l’économie circulaire touche à la production de la marchandise. Lors de l’étape précédente, l’entreprise a choisi des matériaux adéquats; elle va maintenant les assembler dans une logique circulaire. L’attention est à porter dès sa conception sur le design, et particulièrement en pensant à la fin de vie de l’objet: son processus de démontage, de réparation ou de remise à neuf. L’impact devient ainsi financièrement positif et profitable pour l’environnement. Soulignons que le design circulaire facilite également la fabrication et la réparation du produit pour autant que l’énergie utilisée dans ce processus provienne de sources propres et renouvelables et le gaspillage pendant la production soit éliminé autant que possible.
FW: La transformation suivante consiste à s’efforcer de placer le consommateur au centre de son business et donc de la logique de vente. L’entreprise perd sa vocation de vente pour devenir loueur. Dans un modèle circulaire, il n’y a en réalité plus d’acheteur: les clients sont des utilisateurs. Pour une compagnie, les avantages sont multiples. Elle garde le contrôle de ses produits et les récupère pour les réparer ou les recycler lorsqu’ils sont obsolètes. Elle crée une relation de long terme avec ses clients. Cette interaction suivie lui garantit par ailleurs une rentrée d’argent constante, à la place de recevoir un paiement unique. Le consommateur quant à lui bénéficie d’un coût d’investissement moins élevé que s’il en était propriétaire.
MK: Le quatrième et dernier pilier de ce nouveau paradigme économique recouvre les trois précédents: c’est la logistique, et plus particulièrement la notion de “reverse logistics”. Ainsi, il faut finalement prévoir le retour des produits en fin de vie vers leur producteur qui pourra les faire revivre. C’est un total bouleversement de notre société car il faut concevoir des systèmes de retour pour chaque produit. Il n’existe malheureusement pas de solution idéale. Pour le moment, chaque entreprise est amenée à imaginer un schéma logistique efficace en fonction de ses produits, de son fonctionnement et de son écosystème.
 

Comment se lancer sur cette voie?

FW: Atteindre un business model circulaire n’est pas si différent des transformations entrepreneuriales du passé. La première étape est l’analyse. Vous devez réfléchir à votre fonctionnement linéaire actuel et vous interroger: que faites-vous aujourd’hui? De quel potentiel de changement disposez-vous? Quel en seraient les bénéfices?
MK: La clé dans cette réflexion est d’identifier vos risques linéaires, c’est-à-dire les inconvénients liés à votre modèle économique actuel. Considérez ces menaces vous permet en réalité d’estimer vos opportunités circulaires: être plus efficace, réduire vos coûts, être plus durable,…
FW: Une fois ce diagnostic posé, vous pouvez alors dresser une stratégie pour développer votre propre modèle circulaire. Mon conseil pour ce faire est de s’inspirer de la biomimétique. Le principe est simple: la nature a plus de 3.8 milliards d’années d’expérience en création de systèmes circulaires qui fonctionnent. Pourquoi ne pas l’imiter? Les exemples récents sont multiples. Observez la nature et elle vous en apprendra beaucoup!
MK: Une fois votre stratégie conçue, il faut la mettre en œuvre, puis suivre son exécution jour après jour pour l’optimiser au besoin. Puisque l’économie circulaire révolutionne la façon de penser l’entreprise, il est inconcevable de l’imposer en mode «top – down». Faites donc attention à la participation de vos employés: ils doivent en comprendre les enjeux aussi bien que vous.
Que conseillez-vous à vos partenaires?
 
FW: Si vous refusez de penser à la transformation circulaire, il est probable que vous ne surviviez pas sur le marché car vos concurrents, eux, s’y seront attelés plus tôt. Il ne faut pas se voiler la face: cette tendance d’aujourd’hui devient, avec les jeunes générations, le mode de consommation de demain. Au plus tôt une industrie y réfléchit, meilleure sera sa position dans le futur: c’est cela que nous essayons de préparer avec nos partenaires. Nous imaginons ensemble ce qu’ils pourraient instaurer dans leur structure. Ce changement ne s’effectue pas du jour au lendemain, c’est un voyage qui débute par beaucoup de sensibilisation.
MK: A cet égard, nous organisons quatre événements au cours de 2017 sous le nom de Creating Sustainable Business Models. Chacun concernera l’un des piliers de l’économie circulaire: la chaîne d’approvisionnement, la production, les services au consommateur et la logistique. Lors de chaque conférence, vous retrouverez plusieurs présentations d’experts ainsi qu’un business case lié au sujet abordé. Le premier, Circular Supply Chain, aura lieu le 28 février. Nous accueillons toute personne intéressée, du monde entrepreneurial ou du secteur public.

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