L’avènement des mutations rifkiniennes

Cela fait maintenant un an que le Luxembourg identifie les opportunités, les défis ainsi que les aspects opérationnels d’une transition vers une économie plus durable et plus interconnectée. Près de 300 personnes ont collaboré à des groupes de travail qui se sont articulés autour des défis futurs concernant l’énergie, la mobilité, la construction, l’alimentation, l’industrie, la finance, l’économie intelligente et circulaire et le modèle social. Les mesures phare de l’étude stratégique ont été présentées au grand public le 14 novembre à Luxexpo au «2016 Luxembourg Sustainability Forum».
 
La troisième révolution industrielle
Cette théorie est présentée comme un moyen de répondre efficacement à la crise économique mondiale, à la sécurité énergétique ainsi qu’au changement climatique. Elle fait référence à la première révolution industrielle caractérisée par la locomotive à vapeur de 1840 et à la deuxième qui est celle du pétrole, du moteur à combustion et de la généralisation de la maîtrise de l’électricité. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la fin du 20e siècle serait ainsi l’avènement d’une troisième révolution industrielle. Si certains la considèrent comme un fait historique déjà en cours, d’autres comme Jeremy Rifkin la pensent comme une vision et un projet encore à réaliser.
Officiellement approuvée par le Parlement européen en 2007, cette théorie a retenu l’attention du Luxembourg. Le 24 septembre 2015, le ministère de l’Economie en collaboration avec la Chambre de Commerce et IMS Luxembourg initie l’étude stratégique réalisée selon une approche participative. Plus de 300 acteurs socio-économiques issus du gouvernement, des entreprises, du milieu universitaire et de la société civile ont participé activement aux discussions, et ce, en collaboration avec Jeremy Rifkin et son équipe d’experts. Cette étude a vocation de rendre le modèle économique existant plus durable et interconnecté en s’appuyant sur la convergence des technologies de l’information et de la communication, de l’énergie et des transports au sein d’un réseau intelligent.
Un résumé de 120 pages ainsi que l’étude complète sont disponibles en ligne sur www.troisiemerevolutionindustrielle.lu

Christian Scharff, président de l’IMS

Dans une salle bondée de dirigeants d’entreprises, de représentants d’institutions publiques, de membres du gouvernement et sur une large estrade ornée d’un écran géant, le président de l’IMS Luxembourg est venu ouvrir le bal. Christian Scharff a insisté sur le rôle de l’IMS qui est d’inciter les citoyens et les entreprises à aller vers le développement durable.
Il se souvient du scepticisme ambiant qui a entouré le lancement de l’étude il y a un an mais se réjouit que «l’approche holistique de l’économie» ait su convaincre. Quelques 300 esprits se sont penchés sur les six piliers sectoriels que sont l’énergie, la mobilité, les bâtiments, l’alimentation, les industries et la finance; l’économie intelligente, l’économie circulaire et les consommateurs étant trois sujets transversaux.
Christian Scharff a qualifié cette journée de «tournant historique» et d’ajouter que la réussite du projet repose sur la capacité du pays à mettre en place les recommandations que comptent les 475 pages de l’étude.

Jeremy Rifkin

Le prospectiviste américain avait fait le déplacement pour rappeler les contextes économiques, sociaux et environnementaux et pour y apporter des alternatives. Les signes de disfonctionnements de l’économie sont là, sous nos yeux et s’obstiner à ne pas les prendre en considération relève désormais de l’absurde. Les PIB ralentissent à travers le monde, la productivité est en baisse et le chômage en hausse. Les 62 plus hautes fortunes sont plus riches que la moitié de l’humanité qui vit avec deux euros par jour. Enfin, l’espèce humaine se trouve au pied d’une montagne de problèmes écologiques qu’elle a elle-même créée et regarde béate, les avalanches de conséquences s’abattre sur elle (inondations, sècheresses, feux de forêts, migrations des populations, famines, etc.). L’homo sapiens existe depuis 200.000 ans et d’ici 80 ans, il sera responsable de l’extinction de la moitié des espèces de la planète.
C’est pourquoi Rifkin plaide pour une autre vision de l’économie qui porte l’ambition de «nous éviter d’atteindre les abîmes». De même que le charbon a entraîné la locomotive à vapeur, comme le pétrole a permis la création du moteur à combustion et par la même logique que la maîtrise de l’électricité a facilité l’émergence des technologies de communication et d’information (comme le télégraphe): «il est urgent que nous nous dotions de technologies de communication plus efficaces, de nouvelles sources d’énergies plus respectueuses de l’environnement et de nouveaux modes de mobilité».
Après l’Ile-de-France, le Luxembourg est la deuxième région européenne à préparer ce virage du numérique qui offre une nouvelle voie à l’Europe. C’est donc le premier Etat membre à se doter d’un plan du numérique qui s’étend jusqu’à 2050. Jeremy Rifkin a notamment salué le travail du gouvernement qui tel un «facilitateur», a su réunir les capitaux publics et privés mais aussi et peut-être surtout, les acteurs qualifiés autour des tables de réflexion.
«Ce fut un travail passionné et acharné» nous assure Rifkin et il est temps de passer de la théorie à la pratique. Le Luxembourg pourrait bien être l’élan qui manque encore au changement de paradigme. De par sa taille, son processus d’ouverture, d’engagement et en préparant un cadre réglementaire européen, le Grand-Duché deviendrait alors une nation phare qui éclairera et guidera le Vieux Continent vers une société numérique intelligente.   JuB

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