La mobilité cycliste prend de l’allure

La stratégie de mobilité durable du gouvernement vise les 25% de déplacements à pied ou à vélo. Pour soutenir cet objectif, le ministère du Développement durable et des Infrastructures a mis en place une cellule de la Mobilité douce, chapeautée par Christophe Reuter. L’approche de la Semaine européenne de la mobilité, du 16 au 22 septembre, était l’occasion idéale pour rencontre cet ingénieur qui porte, depuis la création de la structure en février 2014, les cyclistes et piétons à la lumière dans les débats sur la mobilité.
 
Quel est l’objectif de la cellule de la Mobilité douce?
Mobilité douce est une expression qui comprend deux volets distincts: d’une part les piétons, de l’autre les cyclistes. Elle reflète la mobilité des usagers qui sont physiquement actifs dans leurs déplacements.
Le but final de cette cellule est que chacun puisse disposer du choix de son mode de transport, chaque jour et pour chaque trajet. Actuellement, les usagers qui n’ont pas d’autre possibilité que de prendre leur voiture personnelle pour se déplacer sont trop nombreux. Au quotidien, les autres solutions de mobilité pour les habitants du Grand-Duché sont souvent inattractives ou inexistantes. Vu la situation, il n’est pas surprenant que nous ayons des problèmes de trafic automobile…
Quelles mesures prônez-vous pour faire grimper le nombre de cyclistes et piétons dans nos rues?
La stratégie que nous appuyons est la création d’infrastructures de qualité, en plus grand nombre et aux endroits adéquats. Interrogez-vous: disposez-vous d’une infrastructure cyclable depuis votre maison? Votre société a-t-elle un local de stockage de vélos? L’arrêt de bus est-il situé bien plus loin que le parking de votre entreprise? Toute une chaîne d’infrastructures est à mettre en place, depuis votre domicile, longeant la voie publique et vous amenant à la gare ou au lieu de travail.
Des aménagements dédiés sont nécessaires à chacune des étapes du parcours des usagers pour les inciter à utiliser d’autres modes de transport. Nous espérons établir des chaînes multimodales attractives depuis n’importe quel lieu du pays. Ce travail ne peut pas être réalisé sans le soutien des communes.

Pourquoi les communes en particulier?

La distance à effectuer juste après le pas de sa porte est souvent décisive. Si cette voie – piste cyclable, trottoir, ligne de bus – est attractive, le quidam la prendra avec plus de plaisir. La coopération entre la cellule Mobilité douce et les communes est donc absolument essentielle. Bien entendu, nous respectons l’autonomie communale. Nous n’imposons rien mais proposons nos conseils. Lorsqu’une municipalité décide de mettre en place un projet, nous leur offrons notre Know-How en soutien, de manière à ce que sa réalisation soit faite dans l’intérêt de tous les usagers.
Bien souvent, les communes voient peu de vélos circuler sur leur territoire et les responsables ne sentent pas l’intérêt de renforcer leur voirie en ce sens. Je leur montre alors une photo de leur rue principale datant de 1930. On y trouve toujours des vélos. Pourtant, les routes étaient souvent moins bonnes et les pentes étaient les mêmes! Mais les voitures étaient plus rares et les cyclistes avaient plus de place sur la chaussée… Ainsi, je leur explique que l’infrastructure adéquate fera apparaître les cyclistes, ce n’est pas une hypothèse mais c’est démontré par la trentaine de compteurs vélos dont nous disposons à travers le pays. Nous leur conseillons d’ailleurs systématiquement de créer d’abord des itinéraires cyclables avant toute autre infrastructure dédiée aux vélos. Parkings pour vélo ou systèmes de location ne seront utilisés que s’il y a lieu de se déplacer en bicyclette.

On trouve aujourd’hui environ 613 kilomètres de pistes cyclables à travers le pays. Quel est l’objectif en la matière?
Les pistes cyclables du Grand-Duché sont encadrées par une loi de 2015 qui prévoit de doubler leur longueur actuelle: l’objectif est établi à 1.300 km. En incluant les chantiers en phase de projet, on devrait déjà avoir augmenté la longueur du réseau actuel de 25% en cinq ans, pour arriver à 838 km en 2021. Attention: il y a deux entités responsables en la matière. D’un côté, l’Etat prend en charge l’aménagement du réseau cyclable national. De l’autre, les communes sont chargées du développement de leurs infrastructures propres. Elles affinent l’épine dorsale qu’est le réseau cyclable national avec des réseaux communaux et des raccordements, qui sont d’ailleurs subsidiables.
Les pistes cyclables dont nous parlons ici sont de larges chemins de grande qualité, qui servent aussi bien pour un usage touristique en milieu rural que pour la pratique quotidienne, notamment dans les trois pôles principaux de développement du pays: Luxembourg-Ville, les six communes de la Nordstad, et la région du Sud. L’importante différence entre le réseau actuel et l’objectif futur est qu’aujourd’hui, la carte des pistes cyclables est très fragmentée. Il existe des bouts de piste un peu partout mais qui ne sont pas reliés. Entre autres, le réseau cyclable national permettra de passer de Troisvierges à Mondorf ou de Martelange à Schengen.
A qui sont destinées ces pistes cyclables?
A tous! Un sondage a montré que 60% de la population grand-ducale, toute nationalité confondue, a utilisé un vélo au cours de l’année 2013. C’est donc bien la majorité des habitants du pays qui pratiquent le cyclisme de temps en temps, par choix… Alors que les infrastructures laissent pourtant à désirer! Cela prouve le potentiel existant à cet égard. En parallèle, le vélo est le mode de transport préféré des enfants. Il y a donc une motivation énorme chez les jeunes à se rendre à l’école de cette manière. De plus, si l’on se penche sur les chiffres, tous les compteurs de vélos du pays sont en hausse d’années en années; avec 325.000 vélos qui ont circulé au Grand-Duché en 2014. Nous constatons une réelle demande de la population d’utiliser ce moyen de transport.
Investir dans le vélo, est-ce rentable pour le pays?
Il a été calculé qu’à Copenhague au Danemark, ville où la bicyclette est reine, l’Etat gagne quelques 80 centimes pour chaque personne qui se déplace en heure de pointe, à vélo plutôt qu’en voiture, sur une distance de 1 km. Cela revient vite à des sommes très importantes, au vu du nombre d’individus en ville et des kilomètres parcourus.
Aucune étude nationale n’existe encore sur le sujet au Grand-Duché, mais toutes les observations internationales prouvent que les infrastructures pour vélos sont celles qui rapportent le plus haut retour sur investissement. D’abord, presque chaque vélo est une voiture de moins sur la route ou une place de plus dans un bus, or les structures routières sont les plus chères. Ensuite, les économies les plus importantes – environ 80% – se font dans le domaine de la santé: réduction des maladies liées au manque d’activité physique comme le diabète d’âge mûr; environ une journée de maladie payée de moins par ans; six mois d’espérance de vie en plus pour ceux qui pratiquent le cyclisme quotidiennement… L’économie du vélo est donc vraiment intéressante. Il faut maintenant définir et publier ces chiffres pour le Luxembourg, ainsi nous pourrions ensuite sensibiliser davantage l’opinion publique à ces sujets.     SoM

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