Les transports en commun, fantas-TICE

Acteur incontournable des transports en commun grand-ducaux, TICE emploie plus de 400 personnes pour faire rouler ses bus à travers neuf municipalités du sud du pays. Henri Hinterscheid échevin de la Ville d’Esch-sur-Alzette et président du syndicat nous raconte l’évolution et les projets d’avenir de cet organisme innovant qui repose sur un passé solide.
Racontez-nous la naissance de cette structure…
 
Le syndicat pour le Transport Intercommunal de personnes dans le Canton d’Esch-sur-Alzette, ou TICE, est plus que centenaire. A l’époque, les Terres Rouges voyaient l’industrie métallurgique se développer à grande vitesse. La main d’œuvre avait besoin de se déplacer autour des grands pôles d’activités de la région, dans un chapelet d’usines situé le long des frontières. C’est de ce besoin qu’est née l’idée de mettre en place un genre de transport public à travers ces localités. Créé en 1914 puis mis en veille durant la Grande Guerre, le projet fut véritablement lancé en 1923. Les tramways ont donc roulé dans le bassin sidérurgique pendant plusieurs années.
Dudelange, Differdange, Esch-sur-Alzette, Bascharage (Käerjeng après la fusion des communes de Bascharage et Clemency en 2011), Kayl, Pétange, Rumelange, Schifflange et Sanem: l’amplitude de l’époque est restée semblable au fil des années. D’ailleurs, si vous observez les arrêts de bus actuels, bon nombre d’entre eux portent encore les traces du passage du tramway. A Bascharage, l’un des arrêts se nomme Biff pour l’ancienne la bifurcation; et à Esch-sur-Alzette, le Kayler Poteau marque l’ancien emplacement d’un poteau de caténaires. Le tramway a laissé son empreinte sur la région.
Et ensuite?
Le moteur à explosion a changé le visage des transports. Petit à petit, TICE a évolué vers le modèle des bus, jusqu’à une transition complète en 1957, faisant tomber le tram en désuétude. La solution semblait idéale car le réseau routier n’était pas aussi congestionné qu’aujourd’hui et les voitures personnelles peu courantes.
Durant les décennies suivantes, TICE a connu des hauts et des bas. L’essor de la voiture individuelle notamment a fait grandir le désintérêt de la population envers les bus. Malgré les moments difficiles qui ont jalonné son histoire, notre syndicat est aujourd’hui reconnu comme un acteur dynamique du secteur des transports, indispensable dans le paysage grand-ducal. Pour preuve, notre structure a été choisie en 2014 pour tester le projet pilote de télématique nationale, faisant d’Esch-sur-Alzette et de ses alentours la première région où le système mLive était opérationnel!
De nos jours, sur les grandes lignes, un flux presque continu dessert les arrêts tous les quarts d’heure ce qui permet une utilisation presque intuitive. A ce stade d’efficience et de fréquence, l’utilisation des transports en commun se vulgarise. Prendre le bus à la place de la voiture équivaut parfois à un choix stratégique: gain de temps vu les bouchons, gain de confort au niveau du parking, gain d’efficacité car il est possible de préparer une réunion ou un rapport dans les transports… Et au moins, pas de risque de recevoir une amende (rires). Même les individus de ma génération qui ont grandi avec la volonté de posséder leur propre voiture se tournent vers la multi-modalité.
 
Et l’évolution continue! Vu la situation d’asphyxie routière grand-ducale, nous sommes en train de repenser nos modes de transport. Regardez Luxembourg-Ville: dans quelques années, nous reverrons les trams y circuler. Ceux-ci comportent de grands avantages, en termes de capacité tout d’abord mais aussi au niveau de leur extensibilité: un seul chauffeur peut conduire un engin comportant jusqu’à cinq voitures. De plus, ils prennent peu d’espace car leur trajectoire est fixe et ils se croisent à un centimètre d’écart.
Le tram refera-t-il bientôt son apparition dans la région?
 
C’est possible, mais peut-être pas tout à fait sous cette forme. Un projet Sud Tram existe. Il relierait Belval, la gare d’Esch-sur-Alzette et celle de Belvaux-Mairie. Nous sommes actuellement en phase de discussion avec le ministère compétent à propos de la technologie à adopter: sur rails ou sur roues? Quel que soit le mode de transport choisi, l’enjeu réel est celui du site propre, ou en tout cas prioritaire. Ce transport à haut niveau de services – tram ou bus – devrait disposer d’un corridor particulier qui lui permettrait de ne pas se perdre dans les congestions actuelles. Un peu comme l’exemple du tram sur pneumatique mis en place à Metz. Bien entendu, il faudrait réinventer le design de nos municipalités pour permettre ces corridors dédiés et obtenir la vitesse de croisière recherchée. Ce projet pourrait démarrer avec des bus, puis dans le futur nous pourrions aisément passer à des trams vu que les lignes dédiées seraient déjà en place.
A quand une flotte neutre en CO2?
Notre volonté écologique est très prononcée et l’émission zéro est notre objectif. C’est ambitieux car les technologies actuelles ne le permettent pas encore, mais nous tendons vers un mieux. Aujourd’hui, une grande part de notre flotte roule au biogaz, une énergie produite localement à partir de la biomasse, donc déjà à émission zéro: sur les 6,5 millions de kilomètres que nous desservons, 4 millions répondent à cet objectif grâce au biogaz. Un autre million est couvert grâce à du diesel Euro 6 qui produit le plus bas niveau d’émission en la matière.
Combien de personnes transportez-vous par an?
Nous véhiculons 9 millions de personnes par an, grâce à notre flotte de 129 bus dont les derniers viennent tout juste de nous être livrés. Plus de la moitié de nos clients sont des abonnés. Je signale également que, jusqu’ici, tous les moins de douze ans étaient transportés gratuitement à travers le pays. Dès octobre, les lycéens seront traités au même régime et pourront utiliser gratuitement trains et bus à travers le pays, sans limite. La politique actuelle du ministère du Développement durable et des Infrastructures et du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse est en effet de favoriser l’utilisation des transports en commun chez les jeunes.
En outre, nous assurerons bientôt des transports nocturnes. Dès le 5 décembre, les trains rouleront les vendredis et samedis jusqu’à 4h du matin. Nous accompagnerons cette offre et prolongeront de la même façon les horaires de nos lignes jusqu’aux petites heures. Il sera donc possible pour tous de rentrer en bus après avoir fait la fête dans le sud, en toute sécurité. La vie nocturne de cette région est dynamique et nous espérons ainsi la soutenir car elle gagne à être connue.

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