Fonds immobilier national, succès mondial
Les taux d’intérêt fondant comme neige au soleil, les investisseurs de long terme ont été poussés à rechercher d’autres classes d’actifs. Depuis quelques années, les fonds immobiliers et d’infrastructure ont vu leur popularité grimper en flèche, jusqu’à devenir un outil d’investissement incontournable pour lequel la Place luxembourgeoise peut se targuer d’être le lieu idéal de mise en œuvre et de développement. Les explications de Pierre Kreemer, Partner Alternative Investments, Head of Real Estate & Infrastructure chez KPMG.
Un succès sans appel
Pierre Kreemer est le responsable des services liés à l’immobilier et aux projets d’infrastructure chez KPMG au Luxembourg. «Des activités en forte croissance actuellement», commente-t-il. «De plus en plus d’acteurs internationaux souhaitent soit investir dans des fonds luxembourgeois de ce type, soit en lancer de nouveaux».
Il explique l’intérêt grandissant pour ces fonds pour différentes raisons: «L’environnement global sur le plan économique est porteur depuis la chute vertigineuse des taux d’intérêt. Beaucoup d’investisseurs à long terme souhaitent se diversifier et cherchent d’autres classes d’actif afin de générer des revenus stables et réguliers. L’immobilier et son attractivité se retrouvent dès lors rapidement dans leur viseur». Il ajoute que le facteur déterminant pour justifier le succès du pays en matière de fonds d’investissement est son cadre réglementaire et juridique: «Nous sommes une Place de premier plan car les investisseurs trouvent au Grand-Duché une industrie bien établie, crédible, avec beaucoup de compétences ainsi qu’un cadre réglementaire intéressant, stable, prévisible et souple. Beaucoup d’acteurs du marché renforcent actuellement leur substance au Luxembourg en recrutant de nouveaux talents, notamment en provenance de l’étranger».
Le département Real Estate & Infrastructure de KPMG qu’il dirige au Luxembourg emploie environ 130 personnes, actives sur une palette de services très élargie (audit, conseil fiscal, conseil, évaluation, comptabilité, reporting, transaction & restructuring, assistance règlementaire etc.). Ce groupe fait partie de la division « Alternative Investments ». Il explique: «Nous guidons nos clients – par exemple des fonds de pension, de private equity, des fonds souverains ou des sociétés d’assurance etc. – à travers la mise en place de ces investissements immobiliers/infrastructure transfrontaliers ainsi que dans leur structuration. Nous les accompagnons également tout au long des diverses phases de leur existence (mise en place, investissement, financement – refinancement, opération et exit), et pouvons aussi les assister dans la recherche d’actifs qui leur conviennent». Pour pouvoir fournir des conseils avisés à la clientèle, le département se tient au fait des développements réglementaires et fiscaux luxembourgeois mais aussi internationaux: «nos équipes sont intégrées, pour apporter davantage de valeur ajoutée et fournir une assistance globale qui intègre nécessairement des volets réglementaires et fiscaux».
Immobilier, infrastructure et dette
Le premier pan de l’activité concerne les fonds immobiliers, investissements à long terme donc puisque la durée d’investissement est généralement comprise entre sept et dix ans. Les immeubles de bureau et les centres commerciaux, par exemple, sont très populaires sur ce segment. Vu l’engouement actuel pour le marché de bureaux dans les grands centres-villes, les prix montent en flèche, ce qui amène de plus en plus d’acteurs à rechercher d’autres classes d’actifs immobiliers plus spécifiques, et éventuellement moins sujets aux fluctuations économiques et porteur d’un rendement attendu plus important. Je pense notamment aux maisons de repos, aux résidences services, aux chambres d’étudiants, à certains projets hôteliers.
Les fonds d’infrastructure, aujourd’hui très en vogue, constituent le deuxième volet de l’activité. La recherche de rendement stable à très long terme – on parle ici de périodes de 20, voire même 30 ans – pousse les investisseurs à se tourner vers ce type bien particulier de projets. «Il en existe de différentes catégories», décrit Pierre Kreemer, «certains sont liés au transport tels des concessions d’exploitation d’autoroutes, ports, aéroports ou installations ferroviaires etc. D’autres concernent le milieu de l’énergie comme des infrastructures de transport d’électricité ou de gaz, le renouvelable (éoliennes on- et offshore, fermes solaires ou encore des barrages hydroélectriques, etc.». Bien que souvent initiés par les pouvoirs publics, ces projets ne peuvent généralement pas être financés uniquement par ces derniers et nécessitent alors souvent une combinaison avec le privé, sous forme de PPP (Public Private Partnership).
«Les Real Estate Funds et Infrastructure Funds ont clairement pour objectif d’acheter des actifs dans leur secteur respectif. En parallèle, de plus en plus de fonds se concentrent également sur l’investissement dans des créances», explique-t-il. De plus en plus courant, ces fonds qui ont comme politique d’investir dans de la dette composent le troisième volet de l’activité du département.
«Leur objet est un portefeuille de créances dont le but est de financer par exemple de l’immobilier ou de des projets d’infrastructure». Le Luxembourg offre un éventail très large et flexible de produits compétitifs lorsqu’il s’agit de mettre en place des fonds de dettes. La stratégie est soit d’acquérir des créances existantes, soit l’octroi de nouveaux prêts (Loan Origination), soit une combinaison des deux. «Ces fonds de dettes répondent à un vrai besoin car les banques ne peuvent plus financer tous les projets à elles seules; nécessairement, un complément doit venir du secteur privé. A nouveau le Grand-Duché est extrêmement bien positionné à cet égard. L’idée n’est évidemment pas que les fonds se substituent aux banques mais qu’ils exercent cette activité en complément, et dans certaines limites», commente le Head of Department.
Une infinité de combinaisons internationales
Quoique présents sur le marché mondial, les investissements des fonds immobiliers et d’infrastructure luxembourgeois se concentrent principalement sur le continent européen. «Certes, certains de nos clients investissent aussi dans des actifs luxembourgeois mais les marchés principaux sont ceux de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la France, des pays scandinaves ou de l’Espagne. Le Luxembourg est la plateforme d’accès et de coordination idéale pour investir à travers l’Europe», explique Pierre Kreemer. Généralement, les investisseurs sont eux-aussi étrangers, «européens, mais aussi des investisseurs canadiens, américains, asiatiques ou du Moyen-Orient».
Par nature, les fonds immobiliers sont « Cross Border »; les marchés et investisseurs sont donc internationaux. «Pour cette raison, notre travail s’intègre fortement dans le réseau mondial de KPMG, et nous travaillons quotidiennement en collaboration avec nos collègues étrangers. Vu les innombrables possibilités de combinaisons investissements/investisseurs, c’est un travail complexe qui requiert une expertise adéquate. Notre organisation interne efficace répond très bien à ce défi grâce à notre arborescence mondiale. Nos contacts avec les bureaux à l’étranger sont intenses et nous pouvons nous appuyer sur leur expertise. Un programme de « secondment » à l’étranger très actif est également en place (nous venons d’accueillir un manager de KPMG US pour 3 mois, et avons envoyé un de nos managers à New York pour une période plus longue par exemple, d’autres pays sont également prévus ). En outre, nous sommes présents et actifs lors des foires immobilières principales au niveau international, et lors de nos événements au Luxembourg, nous invitons nos clients à venir rencontrer des représentants de divers pays».
Les défis: l’attractivité et les talents
Le Luxembourg n’est malheureusement pas seul pays actif sur ce secteur. «Le milieu international pour ce type de fonds est très concurrentiel. L’enjeu pour le Grand-Duché est de maintenir son attractivité et la compétitivité qu’il a su instaurer».
Rester attractif pour le Luxembourg, c’est aussi être capable d’offrir des produits d’investissement qui tiennent compte des développements internationaux. Les exemples de cette stratégie luxembourgeoise sont légion. Le nouveau limited partnership luxembourgeois est un vrai succès, et concurrence ses homologues anglo-saxons. «Récemment, nous avons pu constater l’émergence du nouveau produit d’investissement FIAR (Fonds d’Investissement Alternatif Réservé) qui devrait bientôt être adopté (peut-être le sera-t-il d’ailleurs lors de la publication de cet article). Souple et rapide car il ne nécessite pas, en tant que tel, l’autorisation de la CSSF mais il est néanmoins régulé par le truchement de son Fund Manager qui lui-même doit être régulé en tant qu’AIFM (Alternative Investment Manager). Résultat: un renforcement de l’attractivité du Luxembourg puisqu’il permettra bientôt de mettre en place des fonds alternatifs dont des fonds immobiliers, encore plus rapidement». Il ajoute ensuite l’exemple d’un régime REIT (Real Estate Investment Trust) Cross Border, en cours de discussion actuellement, qui pourrait offrir une solution supplémentaire, en phase avec ce qui existe déjà dans nombre d’autres pays.
La position concurrentielle et le dynamisme du Luxembourg doivent également passer par les talents que le pays doit être à même d’accueillir. Pour ce faire, le meilleur moyen est d’attirer ici des talents dont le profil est celui d’un expert de l’industrie-même. «Dans le futur, nous aurons besoin d’accueillir encore davantage de talents dont l’ADN est celui d’un Fund Manager ou d’un Asset Manager. La tendance est déjà – mais devrait également continuer – de renforcer les équipes présentes avec des personnes véritablement dédiées à leur domaine d’expertise. Chez nous, cela se traduit, par exemple, par la volonté d’inclure des architectes dans notre équipe d’évaluation! Ainsi, non seulement nous pouvons comprendre les problématiques rencontrées par nos clients, mais nous pouvons surtout essayer de les anticiper et ainsi donner une valeur ajoutée additionnelle à nos clients».Malgré ces enjeux d’attractivité à maintenir et de recherche de talents, Pierre Kreemer reste très positif au regard de son secteur d’activité. «La croissance que nous connaissons au niveau des fonds alternatifs ne va pas s’interrompre. Bien entendu, nous verrons si les fondamentaux – tels que les taux intérêt très bas – qui soutiennent en partie ce développement vont perdurer. Mais je reste très confiant en l’avenir de ce domaine».