La richesse de nos vergers

Le Grand-Duché est un pays de pommiers et de poiriers. Bien trop souvent cependant, les fruits ne sont pas récoltés par manque de temps ou d’intérêt. Ramborn Cider Co. apporte une solution idéale en achetant la cueillette pour en faire un cidre délicieux et authentique, véritable produit du terroir. Rencontre avec Carlo Hein, CEO et fondateur de la jeune compagnie; Adie Kaye, responsable marketing et communication, et Chantal Hellers, responsable des vergers et de la récolte.
Patrimoine régional
Entre les vastes forêts et les étendues de champs, les paysages luxembourgeois sont marqués par de nombreux vergers. L’est du pays – de la Moselle jusqu’en Haute-Sûre – est particulièrement riche de ces arbres fruitiers, ce qui a mené à une longue tradition de production de cidre artisanal. En effet, auparavant chaque ferme possédait en ses caves un tonneau de cette boisson, pour rafraichir la famille, le long de l’année.
Bien que les productions personnelles se soient éteintes, les vergers ont perdurés. Les communes ont d’ailleurs joué un rôle important de préservation de ces espaces. Durant les dernières années, bon nombre d’entre elles ont investi dans ce secteur, d’une part en plantant de nouveaux vergers, et de l’autre en accordant des aides aux propriétaires afin qu’ils préservent leur vieux verger. L’objectif de cette stratégie était de sauvegarder les anciennes variétés de fruits qui se faisaient rares et de protéger cette source de biodiversité exceptionnelle.
Coopérer avec les communes, fermiers et associations
Un défi émerge cependant suite à cette politique: que faire avec toutes les pommes et poires ainsi obtenues? «Nous savons que les communes se posent cette question», explique Carlo Hein, CEO et fondateur l’entreprise. La société Ramborn, basée à Mompach, produit le premier véritable cidre 100% luxembourgeois, labélisé « Made in Luxembourg » et fabriqué avec des fruits provenant de 80 vergers à travers le pays. «Mais vu notre succès, nous souhaitons élargir notre base de partenariats avec d’autres propriétaires de vergers, dont les communes», ajoute-t-il. Ramborn est à la recherche de vergers produisant d’anciennes variétés de fruits, «car ce sont elles qui donnent un goût unique à notre cidre et à notre poiré». Outre les sortes traditionnelles, Ramborn recherche des fruits frais et mûrs. Il faut donc les récolter au bon moment. Pour cela, la société propose un large éventail de collaborations aux propriétaires, fermiers, associations et communes du pays.
«Aux autorités communales qui possèdent des vergers», dit-il: «nous offrons d’acheter leurs fruits. Soit nous nous chargeons nous-même de la collecte dans les lieux indiqués, ce qui nécessite une quantité minimum de quelques milliers de kilos, soit nous recevons directement les pommes et poires que la commune nous apporte». En outre, les communes peuvent aussi prendre la fonction d’intermédiaire pour Ramborn: «Elles nous mettent en contact avec les fermiers et propriétaires de leur région qui seraient potentiellement intéressés par nos activités», développe-t-il.
Les fermiers peuvent également contacter le cidrier, «et de nouveau, nous venons récolter pommes et poires pour eux si les quantités sont suffisantes; ou alors ils font la collecte eux-mêmes et nous apportent les fruits», précise-t-il. Par ailleurs, Ramborn offre un support plus large aux fermiers, notamment en matière de maintenance des vergers.
Les derniers interlocuteurs de Ramborn au niveau de la récolte sont les clubs locaux. «Nous accueillons des organismes de toutes tailles et formes qui veulent aider à la cueillette. Cela peut être un club de jeunes, une association sportive ou un groupement culturel. Ils nous aident, participent à une tâche dans la nature, et parallèlement récoltent des fonds pour leur projet. Quelques milliers de pommes ramassées, cela fait vite quelques centaines d’euros pour leur association», s’enthousiasme le CEO.
Incitations avantageuses et services sur-mesure
En échange de leur collaboration, les partenaires de Ramborn se voient octroyer plusieurs avantages. «Tout d’abord, nous garantissons un prix juste pour les pommes et poires que nous récoltons auprès d’eux», explique Chantal Hellers, responsable des vergers et de la récolte. «De plus, nous offrons un prix encore supérieur en cas de contrat à long terme: 18 euros pour 100 kilos de fruits». Elle précise ensuite que, pour certaines variétés de petites pommes au goût très spécifiques – comme des Holzapel, Bohnapel, Trierischer ou Weinapfel – l’entreprise paie un supplément. «Ces fruits sont plus compliqués à récolter vu leur taille réduite, mais ce sont d’anciennes variétés qui apportent un atout de goût à nos boissons». Finalement, la société productrice de cidre mettra en place des points de collecte à des lieux stratégiques au sein des frontières du pays: «chacun pourra, à l’automne, nous apporter ses fruits à Wasserbillig, Greiveldange, Bettembourg, Bollendorf et Redange».
D’une idée à un produit de terroir
La jeune société de moins d’un an emploie déjà six personnes et projette d’augmenter bientôt ses effectifs. Carlo Hein raconte l’origine du projet: «Nous étions trois amis à profiter d’une terrasse… et nous buvions un très mauvais cidre (rires). Nous avons alors décidé de créer un cidre local et de qualité avec les excellentes pommes que nous avons au Luxembourg». Deux ans plus tard, l’idée est devenue une entreprise dont les produits couvrent l’ensemble des magasins de la grande distribution ainsi que légion de restaurants et bars du pays.
Adie Kaye, responsable marketing et communication précise: «L’année prochaine, la société investira une ancienne ferme située à Born: un bâtiment datant de 1850 qui a historiquement toujours abrité une distillerie de cidre. Elle pourra accueillir une partie de la production ainsi qu’un magasin et un centre pour visiteurs». Il cite ensuite les différents produits de l’entreprise Ramborn. «Tout d’abord, le Ramborn CM Blend est notre cidre phare au goût sec et fruité. Ensuite, la récente Somerset Blend est une boisson fabriquée à partir de 50% de pommes traditionnelles locales et de 50% de pommes anglaises, riches en tannin. Notre troisième produit est le Farmhouse: véritable hommage au cidre tel qu’il était bu auparavant au Luxembourg». Ce dernier vient d’ailleurs de recevoir la prestigieuse reconnaissance « Highly Recommended » au concours « Royal Three Counties International Cider & Perry Championship », dans la catégorie « Dry Cider ». «Cet événement récompense des cidres authentiques et artisanaux. Nous sommes fiers que notre Farmhouse s’y soit distingué. C’est une belle reconnaissance pour notre première compétition», sourit-il.
Chantal Hellers conclut: «Un arbre tel qu’un pommier de cinq à six mètres de haut de nos vergers luxembourgeois, est un vrai trésor. Les pommiers et poiriers mettent 50 à 60 ans pour atteindre une belle maturité de production. Abattre ces arbres est un très mauvais choix d’investissement vu le temps exigé à leur épanouissement, surtout dans le cas d’espèces plus rares et anciennes. Les couper sous prétexte qu’on n’en récolte pas les fruits est un petit drame pour nous», s’amuse-t-elle. «Nous sommes là pour éviter ce gâchis».

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