Apprivoiser les évolutions FinTech

Le rapport entre startups FinTech et banques évolue. De la crainte d’un raz-de-marée qui emporteraient des acteurs traditionnels, il n’y a presque plus de traces. Les banques poursuivent leur digitalisation nécessaire, collaborant ou rachetant ces petites cellules d’innovations. Interview de Jean Hilger, Senior Vice President and Head of Information Technology de la BCEE (Banque et Caisse d’Epargne de l’État, Luxembourg) qui nous trace un panorama de la relation complexe entre deux modèles distincts qui tendent à se croiser davantage.
Pourquoi les startups FinTech s’installent-t-elles à Luxembourg?

Il y a plusieurs raisons évidentes qui font porter le regard des startups du domaine des FinTech vers le Grand-Duché. Le pays est la deuxième place financière en Europe, le premier centre européen de fonds d’investissement, un centre international pour les assurances transfrontalières et il bénéficie d’une forte présence d’acteurs en commerce électronique et systèmes de paiement. Voilà quelques éléments indiscutables d’attractivité pour une startup qui veut se faire une place dans le monde des services financiers.
Du côté des moyens et des compétences techniques, les prémisses sont également remplies. Les investissements conséquents dans les réseaux de communication et les data center ont été un complément utile pour une économie luxembourgeoise qui présente aujourd’hui la plus forte densité de métiers liés à l’informatique en Europe. Les startups ont cependant besoin d’un écosystème particulier pour leur financement et leur gestion opérationnelle. Ici, le tableau s’est complété ces dernières années avec la structuration d’initiatives privées et publiques de financement, ainsi que de multiples initiatives d’incubateurs.
 
Quelles sont les grandes tendances technologiques des FinTech?
Les objets les plus typiques des FinTech sont le Big Data et la technologie Blockchain. Les deux visent à révolutionner les services financiers, soit en améliorant des services de base existants, soit en changeant complètement le modèle des échanges. En parallèle, la sécurité informatique regagne en importance dans ce contexte car ces nouveaux services demandent un haut niveau de sécurité pour mériter la confiance du client.

Comment rassembler les startups et les banques autour de cette thématique?

Les startups sont souvent vues comme les ennemies des banques traditionnelles. Cependant, un point de vue différent émerge. Les startups présentent souvent des concepts révolutionnaires mais elles peuvent en même temps avoir une stratégie de collaboration avec les acteurs traditionnels, voire une stratégie de rachat par ces acteurs désirant une forte valorisation. Toujours est-il qu’elles sont capables de créer des solutions innovantes, d’un haut degré de technicité avec une rapidité parfois déconcertante: une caractéristique qui motive les institutions de la Place à évoluer plus rapidement.


Qu’en est-il, en pratique, au niveau des banques?
Les banques sont depuis longtemps dans un processus de digitalisation: une évolution longue puisqu’il convient de respecter une réglementation de plus en plus lourde. Leur expérience des technologies FinTech est encore timide, sauf pour les techniques d’analyse de données qui ont connu leurs débuts dans le Credit Scoring ou encore dans la lutte contre le blanchiment d’argent. L’utilisation du Big Data par les banques pour améliorer le service client ne fait que débuter, tout autant que les réflexions sur l’utilisation des technologies Blockchain.
Quelle est la stratégie digitale de la BCEE?
Notre stratégie digitale comprend deux volets.
D’un côté, le monde bancaire est en train de se déplacer vers la poche du client. En conséquence, toutes les banques luxembourgeoises de détail offrent une solution électronique sur téléphone mobile. En 2014, nous avons décidé de réécrire complètement notre application mobile en tenant compte des changements de comportement des clients. Le mot d’ordre était « customer experience », mettant l’ergonomie, la rapidité, la facilité d’utilisation et la sécurité en avant. Depuis, nous avons constaté une vraie ruée vers le Mobile Banking. La très grande majorité des clients utilisent aussi bien le téléphone mobile que l’ordinateur pour effectuer leurs opérations bancaires courantes. Les deux sont donc complémentaires; néanmoins, la part du téléphone mobile a fortement augmenté depuis une année pour atteindre 50% du nombre total de connexions aujourd’hui.
De l’autre côté, l’informatique a pour vocation d’aider les employés de la banque dans la prestation de services bancaires. Cet outil automatise les processus, analyse les données et aide les employés dans leur prise de décision. En effet, les agences se spécialisent désormais dans les opérations bancaires plus complexes telles que les prêts, les produits d’épargne ou de placement et en général toute activité de conseils. D’ailleurs, on constate une tendance à l’intégration de l’agence dans les canaux électroniques. La Spuerkeess a lancé en 2014 son agence online qui marie communication digitale et contact humain.
 
A quelle vitesse les FinTech vont-t-elles changer les banques?
La révolution des FinTech s’est annoncée il y a quelques années comme une urgence, un raz-de-marée qui pourrait emporter des acteurs traditionnels. Les FinTech ont ce potentiel dans certains domaines et il est vital pour les banques de comprendre les opportunités et risques liés. Cette prise de conscience est en route et les échanges avec les acteurs des FinTech vont s’accélérer dans l’avenir.
On peut être plus nuancé sur la vitesse des changements à venir. Les banques traditionnelles mettront du temps à adapter leurs processus et systèmes. Les clients demandent et continueront à demander des services financiers conviviaux, adaptés à un nouveau style de vie. Par contre on pourra juger qu’ils ne forceront pas la rupture avec les acteurs traditionnels; les enseignements de la crise financière de 2009 restent dans tous les esprits et les amènent à maintenir des liens avec les acteurs financiers traditionnels et responsables.

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