Les startups digitales à l’assaut de la finance
L’émergence d’une pléthore de startups spécialisées dans les services financiers et l’évolution rapide des préférences des consommateurs vont profondément modifier le paysage financier dans les années à venir. Les modèles d’affaires classiques risquent d’être mis en question.
Il y a quelques années encore, les transactions bancaires en ligne étaient considérées comme une véritable révolution – aujourd’hui, l’Internet Banking apparaît presque comme une technologie d’hier, voire d’avant-hier. Payer via smartphone est déjà pratique courante à nombre de caisses de supermarchés, de même que placer de l’argent ou gérer ses finances personnelles à partir de dispositifs mobiles.
Ce sont notamment une foule de petites sociétés spécialisées dans les technologies financières – les sociétés FinTech – qui attaquent les institutions financières classiques en offrant des outils qui simplifient les transactions bancaires, en mettant en place des technologies susceptibles de se substituer aux conseillers bancaires traditionnels, ou en proposant des sources alternatives de financement aux entreprises. Avec des outils permettant le prêt social entre particuliers (peer-to-peer lending) ou le financement communautaire (crowdfunding), ces FinTech entrent en concurrence directe avec les banques traditionnelles.
Les développements des FinTech sont animés notamment par un nouveau type de clientèle: les millennials, la «génération du millénaire» (les personnes nées entre 1980 et 2000), plus importante encore que celle des baby-boomers nés entre 1946 et 1964. Ces millennials entrent maintenant dans la phase de leur vie où ils dépensent de l’argent – et leur manière de le faire est bien différente de celle de leurs parents. Dotés d’une grande affinité pour les outils modernes de communication, cette «génération digitale» est habituée à être connectée en permanence, à avoir accès en temps réel à des informations produit, à des évaluations par des pairs ou à des comparaisons de prix, elle consomme ce qui lui offre un maximum de confort au meilleur prix.
Beaucoup de sociétés FinTech ne réinventent pas la roue, mais misent sur des technologies existantes, bien établies et populaires auprès de cette clientèle, notamment les réseaux sociaux et les services de messagerie mobile. C’est le cas par exemple pour certaines applications de crowdfunding ou de transfert d’argent via simples messages de texte.
Mais les nouvelles technologies financières sont loin d’impacter uniquement les services de paiement classiques. Un secteur qui ne devrait pas tarder d’être affecté à pratiquement tous les niveaux de sa chaîne de valeur est celui de la gestion d’actifs.
En effet, la génération digitale utilise des plateformes en ligne et des outils mobiles non seulement pour effectuer de simples transferts d’argent, mais également pour investir. Cette nouvelle génération d’investisseurs veut avoir une interaction beaucoup plus forte avec les gestionnaires, disposer de plateformes d’exécution en ligne rapides, efficaces, faciles à utiliser et bon marché, recevoir régulièrement des rapports sur leur situation financière, échanger avec des pairs sur des questions financières…
L’investissement en ligne est favorisé par les initiatives de certains régulateurs de limiter, voire de carrément interdire les commissions et rétrocessions en faveur des conseillers en investissement et des vendeurs de produits financiers dans le but de renforcer la transparence de ces produits financiers. Ces réglementations amènent un nombre croissant d’épargnants à court-circuiter les conseillers et intermédiaires et à investir de manière directe. Ainsi, une étude menée par la société Fundscape pour le compte de l’ALFI a montré qu’après l’entrée en vigueur de l’interdiction de commissions au Royaume-Uni, beaucoup de petits épargnants ne sont plus prêts à payer des honoraires jugés disproportionnés pour bénéficier de conseils financiers.
Déjà, certains établissements financiers ont réagi en proposant un conseil financier automatisé en ligne. L’investisseur n’a plus qu’à remplir un questionnaire sur sa situation financière, ses objectifs financiers et son attitude vis-à-vis du risque, et un « robot advisor » élabore une proposition de portefeuille d’actifs qui convient le mieux à son profil – et que l’investisseur peut acquérir avec quelques clics seulement.
Cette désintermédiation progressive réduit les produits et services financiers à de simples produits de consommation. Etant donné que la décision finale d’investir dans tel ou tel produit financier appartient toujours à l’investisseur, il est de plus en plus indispensable que celui-ci dispose des connaissances requises pour savoir évaluer de manière adéquate les risques qui vont de pair avec tout investissement.
Si le changement rapide de la manière suivant laquelle les investisseurs communiquent avec leurs gestionnaires constitue un véritable défi, il présente en même temps des opportunités considérables pour ceux qui savent intégrer de nouvelles technologies dans leurs modèles d’affaires.
En effet, grâce à la digitalisation rapide des processus d’investissement, les instituts financiers reçoivent une quantité gigantesque d’informations sur leurs clients, sur leur situation financière, leurs préférences et habitudes, les transactions qu’ils font, leurs attitudes vis-à-vis du risque, leurs horizons de placement…
A l’instar d’autres secteurs économiques, le secteur financier ne fait que découvrir les possibilités des Big Data. L’exploitation efficace des millions d’informations client dont elles disposent – leur plus grand trésor – devrait permettre aux institutions financières non seulement d’améliorer la gestion de portefeuilles, mais aussi de concevoir de nouveaux produits et services personnalisés à l’attention de clientèles très ciblées.
Par Jean-Jacques Picard
Communiqué par l’ALFI