La réforme fiscale vue par l’opposition

Le gouvernement a présenté les grandes lignes de la réforme. Rencontre avec le chef de file des députés CSV à la Chambre, Claude Wiseler qui attend avec impatience que Xavier Bettel ne présente la version finale du texte, le mardi 26 avril lors de son discours sur l’état de la Nation. En attendant, il nous livre ses premières impressions. Interview.
 
Quels sont selon vous les points forts et les points faibles de la réforme?
Les points forts de la réforme se trouvaient déjà dans notre programme électoral de 2013. Nous pouvons donc être d’accord sur le principe avec l’introduction optionnelle de l’imposition individuelle par exemple ou sur le crédit d’impôt. Il est cependant très difficile de se positionner dans son exécution étant donné que nous n’avons pas le texte, que nous ne connaissons pas les détails et que nous nous interrogeons sur le chiffre avancé de 450 millions d’euros de dépenses.
Le gouvernement demande aux syndicats et au patronat de faire des propositions sans annoncer les coûts de chaque mesure, c’est hasardeux! Alors, soit le gouvernement ne le sait pas et dans ce cas je me demande comment on arrive à ce montant, soit le gouvernement refuse de donner les détails à la Chambre et aux partenaires sociaux, ce qui est scandaleux. Il est inacceptable qu’on nous refuse l’accès aux détails; imaginez seulement que nous avions fait cela sous l’ancienne magistrature (Ndrl : Junker/Frieden)…
Ce qui manque à cette réforme fiscale, c’est une réflexion sur un certain nombre de points qui sont loin de l’équité fiscale. Je prends pour exemple les “stock-options“ qui sont taxés à 17% alors que les hauts salaires le sont à 40%.
 
Est-ce que les caisses de l’Etat peuvent se passer de 500 millions d’euros par an?
On ne peut juger d’une réforme fiscale que dans son évolution pluriannuelle uniquement. Elle doit permettre de maîtriser l’évolution du déficit budgétaire sur trois ou quatre ans. Et il est impossible pour l’heure de connaître les perspectives économiques pour espérer plus de recettes. Les réformes fiscales doivent avoir une finalité économique et force est de constater que celle-ci n’apporte rien à la compétitivité étant donné que l’abaissement du taux de la fiscalité des entreprises est largement insuffisant comparé à l’Irlande qui est à 12% ou à l’Angleterre qui va passer à 18%.
 
Le pouvoir d’achat des classes moyennes sera-t-il augmenté?
La réponse est simple: on redonne un pouvoir d’achat confisqué il y a deux ans. La taxe de 0,5% et l’augmentation de la TVA représentent respectivement 120 et 360 millions d’euros pour 2017. Additionnés, c’est le montant des dépenses avancé par le gouvernement. De plus, les familles nombreuses sont les oubliées de la réforme.
 
Vous dites à propos de l’impôt d’équilibrage temporaire de 0,5% (Spuerpack) que c’est un “bouquet d’austérité“ lorsque le gouvernement parle de “bouquet d’avenir“. N’est-ce pas là le jeu traditionnel de l’opposition et de la majorité?
Peut-être mais le gouvernement avait néanmoins promis d’assainir les finances publiques en mettant en place un programme d’épargne. Sans avoir mis en pratique la moitié des propositions, il fait volte-face deux ans après en mettant cette politique aux oubliettes.
Le PIB augmente de 4% et le gouvernement ajoute une réforme qui coûte 500 à 600 millions d’euros par an, c’est incompréhensible! Et espérer une croissance de 4% sur les vingt prochaines années pour garder nos finances en équilibre, c’est aventureux et hasardeux!
 
Vous avez critiqué l’abaissement fiscal pour l’achat d’une voiture écologique et regretté la suppression des subsides que vous aviez instaurés…
Les subsides bénéficiaient à tous ceux qui achetaient une voiture électrique, quels que soient leurs revenus, là où les abaissements fiscaux ne bénéficient qu’à ceux qui paient des taxes. Ce n’est pas de la justice sociale que de faire bénéficier les hauts salaires uniquement. C’est une politique contradictoire! Le gouvernement a supprimé les subsides il y a deux ans et entre temps, le marché des voitures électriques s’est effondré. Pour y réintroduire un élément qu’il qualifie d’“écologique“ en disant que c’est une politique durable. Et en applaudissant des deux mains, les Verts du gouvernement perdent toute crédibilité en la matière.
 
Quel regard portez-vous sur le gouvernement Bettel?
Je pense que la réalité a rattrapé ses ambitions. Nous sommes arrivés à un stade où le gouvernement va multiplier les cadeaux pour essayer de remonter dans l’opinion publique. Cependant avec une croissance à 3%, nous devrions en profiter pour faire un certain nombre de réformes sociales pour l’avenir.
 
Les sondages vous sont plutôt favorables; pensez-vous – en vous rasant tous les matins – au poste de Premier ministre?
Je ne suis pas Nicolas Sarkozy (rires). Les sondages me sont favorables pour l’instant mais les élections ne sont que dans deux ans. Cela va tellement vite en politique qu’il serait une erreur d’y penser maintenant.
 
La loi sur la nationalité va bientôt prendre de plus en plus de place dans le débat public, est-ce que la langue luxembourgeoise est l’unique vecteur d’intégration et peut-on être intégré à la société luxembourgeoise sans pour autant la maîtriser?
Non, c’est l’un des vecteurs. L’intégration passe aussi par la culture, le sport et d’autres éléments de notre mode de vie. Cependant la langue luxembourgeoise prend de plus en plus d’importance au regard de la diversité des communautés étrangères au Luxembourg.
Tout dépend ce qu’on entend par “être intégré“. Bien évidemment, on peut être accepté et se sentir luxembourgeois sans parler la langue mais pour avoir la nationalité, il faut la maitriser. C’est d’ailleurs à l’Etat de faire les efforts nécessaires pour répondre à la demande et proposer une offre adaptée. La langue luxembourgeoise doit nous unir et non instaurer des barrières; elle doit être un critère d’union et non de séparation. Après le referendum qui a mis à mal la cohésion sociale, il aurait été facile à l’opposition de surfer dessus mais je me réjouis que les discussions avec le gouvernement aient permis de trouver une position commune.    JuB
 
 
 
 
 
 

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