« C’est là que je me sens à ma place »
Françoise Folmer nous reçoit à Pintsch, dans la maison que ses parents ont achetée 45 ans auparavant. «J’ai habité très longtemps à Luxembourg-Ville. Avec mon mari et mes filles, nous venions ici le weekend et nous y étions tellement heureux». Jamais pressée de rentrer à la capitale le dimanche soir, la famille a finalement fait ses bagages pour s’y installer durablement, «le jour-même où ma cadette a eu son bac», nous raconte-t-elle, un léger rire dans la voix. La baie vitrée de cette remarquable maison (nous sommes chez une architecte, tout de même) laisse voir les sapins d’un bois en contre-bas: une proximité avec la nature qui convient bien à Françoise Folmer, présidente du parti Déi Gréng.
Serial entrepreneur? Non, organisatrice
Architecte de profession, elle se voit plutôt comme une planificatrice que comme une artiste: «C’est l’organisation qui me plaît, les facettes techniques, de terrain et de rencontre».
Après avoir travaillé pour d’autres, Françoise Folmer a lancé son propre cabinet en 1995, «et j’ai engagé mes premiers collaborateurs en 1997», dit-elle. Le bureau Team 31 grandit jusqu’à atteindre les 26 collaborateurs. «En 2008, sentant qu’une crise se profilait à l’horizon, nous avons lancé avec mes associés de l’époque une seconde compagnie: Alto, société de project management». Une diversification qui s’est effectivement avérée être une bonne idée face à la crise. Elle ajoute: «La troisième société que j’ai fondée était celle dans laquelle je pouvais être seule, sans associé, pour travailler comme je l’entendais». Expression(s), société de consultance est née de cette volonté.
Avec trois entreprises à son compteur, la «Woman Business Manager» de l’année 2011 (prix de la BIL) ne se voit pourtant pas vraiment comme un serial entrepreneur. «Je suis une multirécidiviste», s’amuse-t-elle, «mais en réalité tout cela était très naturel. De nouveau c’était une question d’organisation, une réponse à mon besoin de structure. Comme dans une maison où chaque pièce a son affectation, ces entreprises avaient chacune leur rôle dans ma vie professionnelle», explique-t-elle. Aujourd’hui, elle a réduit son engagement professionnel à Alto, qu’elle gère avec l’aide de son mari. «J’ai écouté mon envie de m’engager. Peu à peu, j’ai diminué mon implication professionnelle pour arriver à la situation actuelle: un mi-temps d’architecte et un mi-temps politique».
Sauter la barrière
La vie politique, elle y est arrivée par le biais d’associations qui lui tiennent à cœur, comme l’ATE (Association Thérapie Equestre) et la FFCEL (Fédération des femmes cheffes d’entreprise du Luxembourg). «A travers ces organisations, on se mobilise, on est utile», commente-t-elle, «mais quand on désire réellement mener à bien des projets importants, très souvent on manque de fonds. C’est frustrant car notre motivation est ainsi souvent bridée». Prenant conscience de cette barrière, elle se dirige en 2011 vers le lieu des prises de décisions: le milieu politique.
Elle s’inscrit chez les Verts, groupe qui reflète au mieux les valeurs qui l’animent. Après avoir co-présidé la section de Luxembourg-Ville pendant deux années, elle déménage à la campagne et quitte donc cette responsabilité. Mais les responsabilités ne la laissent pas s’éloigner très longtemps: «Peu après, Sam Tanson a eu la possibilité de siéger au Conseil d’Etat. Il fallait donc choisir quelqu’un pour la remplacer à la co-présidence du parti». Elle ajoute: «Je n’y étais pas du tout préparée. Mais je me suis jurée de toujours dire oui aux possibilités qui me sont offertes, car il est important d’avoir des femmes aux plus hauts échelons de la vie politique et professionnelle». Elle s’explique: «Trop souvent, les femmes n’osent pas. Elles doutent de leurs possibilités, ne se pensent pas toujours capables d’entreprendre, et finalement refusent parfois de se donner les chances qu’elles méritent professionnellement».
Une année est passée depuis son arrivé à la tête des Verts, qu’elle qualifié d’année d’apprentissage: «J’ai vu, depuis les coulisses, comment fonctionne la politique. J’ai été propulsée assez vite et il me reste encore beaucoup à apprendre. J’essaie de tracer ma voie entre les usages politiques et mon envie d’efficacité pragmatique. Je me suis rendu compte que le langage des politiciens est très important pour atteindre ses objectifs. Exprimer ses envies sans y mettre les formes n’est pas les servir au mieux (rires). Je cherche encore mon équilibre afin de rester honnête et intègre avec moi-même, en me dirigeant vers mes buts de façon plus subtile».
Des associations diverses pour le lien à l’humain
«Le réel déclencheur de mon envie d’entamer une carrière politique était mon investissement en faveur des femmes. J’ai ainsi concrétisé mon engagement envers l’égalité des chances», dit-elle. Françoise Folmer soutient la FFCEL, la Fédération des Femmes Cheffes d’Entreprise. «J’en ai d’abord été Secrétaire Générale, et ensuite j’en fus la présidente durant deux ans». Par ailleurs, elle siège au conseil d’administration des Jonk Entrepreneuren, une asbl qui promeut l’esprit d’entreprise chez les jeunes. «L’un des problèmes prégnants du Luxembourg est le manque d’attraction des jeunes pour l’univers entrepreneurial. Ils rêvent du secteur public et ne développent pas d’esprit d’entreprise», relate-t-elle. Cet organisme a comme objectif de leur donner le goût ce cette aventure. «Régulièrement, je suis membre du jury des mini-entreprises dans les lycées et cela me plaît beaucoup».
Mais l’association à laquelle elle est le plus fidèle est l’ATE, l’Association Thérapie Equestre, dont elle est actuellement la présidente. Elle raconte: «Cela fait 33 ans que je m’y investis. J’ai découvert ce projet alors que j’étais étudiante. Je suis cavalière depuis très longtemps, et on m’avait demandé à l’époque de donner un coup de main pendant les sessions de thérapie équestre. J’ai participé de cette façon pendant des années et finalement je suis entrée au conseil d’administration. J’en suis présidente depuis l’an dernier». L’ATE propose des thérapies grâce aux chevaux: d’une part l’hippothérapie, un traitementavant tout kinésithérapeutique pour des personnes malades ou handicapées; et de l’autre l’équitation ou voltige pédagogique curative, plutôt destinée à des enfants qui ont des difficultés d’apprentissage, des problèmes d’agressivité ou de concentration. «Depuis deux ans, nous accueillons aussi un groupe de personnes âgées d’une maison de retraite. Ils apprécient le contact avec les animaux. Ils soignent les chevaux, les pansent et les nourrissent», dit-elle.
Elle nous avoue que son dévouement auprès de l’ATE, elle le doit en grande partie au fait que l’association lui apporte beaucoup sur le plan humain. «Dans le milieu professionnel, nous sommes parfois confrontés à des réalités assez dures, au pragmatisme et à une obligation de rentabilité. L’hippothérapie me ramène à l’humain et me décroche de ces considérations pratiques. Cela m’a toujours fait beaucoup de bien après une grosse réunion, de rencontrer des jeunes qui vivent intensément ce moment sur le cheval. Bien entendu, nous ne guérissons pas les handicaps, mais ce traitement kinésithérapeutique est efficace et apporte une plus-value de bien-être et bonheur au patient, à travers un loisir valorisant. Le contact avec l’animal et son mouvement lui donne une certaine liberté et des sensations jamais ressenties dans un cabinet de kinésithérapie», déclare-t-elle.
«Je crois que c’est cette dimension humaine, que j’affectionne particulièrement, qui m’a amenée chez Déi Gréng. J’ai toujours été très « verte », même si je me suis engagée tard en politique. Je suis persuadée que l’on pourrait vivre de façon plus heureuse si on abandonnait ces idées de « toujours plus » et de consommation effrénée. Ce sont les associations qui m’ont enseignées ces valeurs, et je suis convaincue que mon parti est le lieu idéal pour essayer de concrétiser mes rêves d’humanité et d’égalité. C’est là que je me sens à ma place. SoM