Le festival automobile respectueux de notre planète
Le 52ème “Autofestival“ de Luxembourg s’est tenu du 23 janvier au 1er février chez tous les garagistes et concessionnaires du pays. Cette grande messe automobile a été l’occasion de faire de bonnes affaires, tant pour les clients que pour les vendeurs. Interview croisée d’Ernest Pirsch et de Ed Goedert, présidents respectifs de Fegarlux et de l’Adal.
Comment se porte le marché de l’Automobile au Luxembourg?
EP: On peut dire que le marché ne se porte pas trop mal; contrairement à d’autres pays où les courbes annuelles chutent pour reprendre légèrement à la hausse, la nôtre reste linéaire. L’année passée, les ventes aux particuliers ont chuté de 6,75% suite à l’augmentation de la TVA mais le parc de voitures de sociétés a quant à lui augmenté et sauvé le marché.
EG: La bonne nouvelle de 2016, c’est que les résultats sont positifs et qu’il y a beaucoup d’intérêts, de fréquentation et donc de contrats déjà signés. Il existe une règle dans notre métier: ce qui ne se vend pas avant le festival, ne se rattrapera pas à la fin de l’année. Et on peut d’ores et déjà annoncer que nous avons bien commencé 2016.
Quelles ont été vos attentes pour cet “Autofestival“?
EG: C’est la 52ème édition que nous organisons et nous savons qu’un intérêt avant le festival est toujours le signe d’un bon cru. C’est positif pour les concessionnaires qui y réalisent un tiers de leurs ventes annuelles mais aussi pour l’économie nationale en général. Les citadines, break, monospaces et SUV ont été les grosses attractions de cette année.
Un mot à propos du projet gouvernemental sur l’imposition des véhicules de sociétés…
EP: Les voitures de société sont une stabilité pour le marché car elles sont renouvelées tous les 18 mois. Un particulier garde en moyenne son véhicule durant 7,5 ans contre 3,5 ans pour les voitures de sociétés. Une imposition serait un désavantage et l’employé préfèrerait récupérer la différence sur son salaire. Dans ce cas, ce sont tous les frontaliers qui bénéficient de voitures de sociétés qui achèteront leurs véhicules dans leurs pays de résidence. Ventes, entretiens, pneumatiques ne seront plus réalisés au Luxembourg et ce serait une perte pour les concessionnaires, pour les emplois, pour l’Etat mais aussi pour l’écologie car plus un véhicule vieillit, plus il pollue.
Néanmoins, après l’annonce de la ministre de l’Ecologie, à laquelle vous faites allusion, François Bausch et Pierre Gramegna nous ont affirmé que la «composante écologique» serait introduite «sans casser le marché». Les ventes de véhicules neufs représentent 1,8 milliards d’euros et c’est sans compter les services connexes tels que les assurances et les financements. Nous parlons d’un chiffre d’affaire de 400 millions d’euros et de 1.200 à 1.300 emplois en jeu. Il ne s’agit pas seulement de faire peur car les études réalisées prouvent ces chiffres!
EG: Je pense que nos politiques sont bien conscients qu’ils ne peuvent pas mettre en jeu ce volume énorme de services, d’emplois, de chiffre d’affaires et donc de recettes pour l’Etat. Les concessionnaires ont beaucoup à perdre et pourtant nous n’avons aucune influence sur la propreté des véhicules. Nous vendons ce que les constructeurs nous donnent et c’est aux politiques de poser les conditions adéquates à Bruxelles, à un niveau européen.
Derrière ce bruit de couloir, n’y va-t-il selon vous d’une opposition de nature entre votre activité principale qui est la vente de véhicules et la politique de transport en commun du gouvernement?
EG: Non car il faut rester réaliste, nous représentons 85% de la mobilité du pays. À terme un ratio de 70-25% est réaliste mais on représente et continuera à représenter la mobilité. On voit des changements s’opérer mais ce n’est pas forcément contre l’automobile. Conduire une voiture dans les bouchons n’est pas intéressant.
Fut un temps où il fallait cinq heures en train pour aller à Paris mais depuis les deux heures en TGV, il n’est plus intéressant de prendre sa voiture. Les voyageurs n’ont pas vendu leur voiture pour autant; ils adaptent leur mode de transport en fonction de leur destination. Ce n’est pas au détriment de la voiture mais au profit de la mobilité générale.
Il faudra bientôt compter avec des évolutions technologiques comme la voiture autonome qui est à l’heure actuelle en test chez presque tous les constructeurs et nous vivrons une autre ère de la mobilité. Et puisque les gens voudront garder la liberté et l’autonomie de la mobilité, il faudra aussi compter avec la location qui permettra de choisir une citadine électrique pour se déplacer au Luxembourg, une berline pour les vacances et un cabriolet pour se faire plaisir.
EP: Les constructeurs s’adaptent à leur époque et tendent vers l’émission zéro mais sans le plaisir de rouler, cela n’a plus de sens. Il faut une cohabitation entre les différents modes de transports.
Le gouvernement campe sur 10% de véhicules électriques, d’ici 2020 est-ce réaliste quand on connait les prix élevés du marché?
EP: L’idée que les luxembourgeois ne roulent pas beaucoup est liée à notre petit territoire mais c’est faux. Les résidents roulent énormément, notamment les weekends et la voiture électrique offre une autonomie kilométrique limitée. Ce chiffre est d’autant plus utopique quand on sait que les professionnels pensent à 2,5% d’ici 2020 et ce, uniquement si l’Etat s’en donne les moyens. Car au nord de l’Europe, les incitatifs étatiques sont importants, ils subventionnent l’achat des véhicules électriques, ce que nous ne faisons plus et ils donnent la possibilité aux conducteurs d’emprunter les voies de bus et de se garer gratuitement en ville.
Les recherches qui ont été très chères et la production limitée font monter les prix de vente et l’électrique ne représente aujourd’hui que 0,2% du parc automobile luxembourgeois.
EG: Nous aurons les 800 bornes mais pas les 10%. À terme la voiture électrique trouvera sa place dans les transports. Je prends pour exemple, la Chine qui offre un observatoire intéressant sur l’impressionnante augmentation de l’électrique sur le marché. Les technologies évoluent et rendent les batteries plus performantes mais il faut de la patience.
Concernant les moteurs traditionnels, il y a des évolutions fulgurantes! Il y a quinze ans, il fallait à un moteur V8, 25 litres d’essence pour parcourir les cent kilomètres. Il y a quatre ans, c’était 14L/100, aujourd’hui, un moteur V8 consomme 8L/100.
L’automobile comme beaucoup d’autres métiers manuels, connait des problèmes de recrutement au Luxembourg…
EP: Je pense que ce problème de recrutement repose sur un problème d’image. «Si tu n’améliores pas tes notes, tu iras au technique», disent encore trop souvent les parents mais c’est sans connaître les métiers de l’artisanat.
Si les mécaniciens doivent être agréés par les marques qui les engagent et suivent de nombreuses formations, leur apprentissage reste d’une importance capitale. Le métier de mécanicien n’est plus le même qu’il y a 20 ans et il existe une possibilité d’évolution de carrière qui peut aller jusqu’à la reprise de l’entreprise. Il faut pousser les jeunes à découvrir et essayer nos métiers.
EG: Les concessionnaires et les différentes chambres ont également une responsabilité quant à la revalorisation du métier. En France, il existe des marques telles que “Meilleur Ouvrier de France“, cela offre une tribune que nous pouvons faire chez nous afin de vendre différemment notre métier en insistant sur la possibilité d’évolution et la fierté du travail accompli. JuB