La téléphonie, victime elle aussi d’uberisation?
Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo mettait dans la bouche de l’archidiacre Claude Frollo les célèbres paroles: «ceci tuera cela». Il parlait alors du livre qui allait accélérer le déclin de l’architecture: l’imprimerie rendrait obsolètes les édifices tels que sa cathédrale chérie. Alors, est-ce une règle générale? Une révolution tue-t-elle l’innovation précédente? Depuis quelques mois, le terme « uberisation » est sur toutes les lèvres. Provenant du nom de la célèbre et polémique société de transport californienne, le terme décrit un nouveau modèle entrepreneurial qui consiste à offrir un service à disposition de clients depuis leurs appareils mobiles. Une disruption destructrice donc, dont peuvent être victimes a priori tout secteur économique: les banques avec KissKissBank-Bank, le tourisme avec Airbnb, la restauration avec VizEat, le transport avec Blablacar,…
La téléphonie mobile: prochaine cible de cette révolution due au digital? Probable dans un pays comme le nôtre, qui se positionne comme une place forte de la connectivité et de l’ICT, alors que le marché de la téléphonie est victime d’un manque de concurrence et de prix élevés. Depuis 2003 déjà, Skype vous permet d’appeler vos proches gratuitement depuis un ordinateur, un mobile ou une tablette. La popularité de l’application de messagerie WhatsApp est également indiscutable. Transiteraient par ce réseau – racheté par Facebook pour l’affolante somme de 16 milliards de dollars – environ 500 millions de photos par jour. Remportent également toujours plus de succès, le géant Viber aux 200 millions d’utilisateurs, répartis dans 193 pays; l’application Hangouts de Google; WeChat, venu de Chine; ou encore ChatOn par Samsung.
La téléphonie via Internet va-t-elle abroger le règne de la téléphonie mobile classique? Le risque est réel pour les opérateurs de se retrouver cantonnés au rôle de fournisseurs d’Internet mobile et de gestionnaires de réseaux. Leur situation est délicate: d’une part, ils continuent à investir pour améliorer leurs réseaux, dont la 4G; de l’autre, ils verront sans doute ainsi leur profit diminuer. Leur défi aujourd’hui est de réfléchir à d’autres approches commerciales, pour pouvoir rebondir face à cette « smart concurrence ». D’autant plus rapidement d’ailleurs que Google a révélé en avril dernier travailler sur un service d’opérateur mobile virtuel, se servant à la fois du réseau et du WiFi: le Project Fi. À l’heure actuelle, ce n’est qu’une expérience fonctionnant aux Etats-Unis. Mais au vu de la puissance du colosse de la Silicon Valley, cette nouvelle concurrence risque de séduire fortement, si elle arrive un jour sur notre continent. SoM