Toujours plus de succès pour la formation continue
La possibilité d’apprendre tout au long de sa vie suscite encore des questions; est-ce vraiment utile? Est-ce nécessaire pour être attractif sur le marché de l’emploi? Est-ce accessible à tous? Antonio De Carolis et Karin Meyer, respectivement directeur et directrice adjointe du Service de la formation professionnelle au Ministère de l’Education nationale, nous éclairent sur le sujet. Ils nous confient également les grandes lignes des futures modifications du système de co-financement par l’Etat pour les formations au sein des entreprises.
La formation continue est-elle une forme de réponse à une formation initiale qui serait incomplète ou insuffisante?
KM: Cela dépend évidemment des professions, des métiers et des secteurs économiques. Dans certaines branches, la formation initiale ne dispose d’aucune offre. Prenez l’exemple du monde financier, pour lequel les formations initiales au Luxembourg sont presque inexistantes. En réalité, le besoin de se former au cours de sa vie est plutôt dû à l’évolution du monde du travail qu’à un manque de formation de base. Les changements sont tellement rapides que ce que l’on a appris à l’origine ne suffit plus au fil des années, et doit être complété par de nouveaux savoirs et compétences. Dans le domaine du bâtiment notamment, les innovations se succèdent et les différents corps de métiers doivent s’adapter ou se spécialiser en conséquence.
Quels sont les outils que le ministère a mis en place pour favoriser ce phénomène?
AC: Deux grands volets d’incitations financières sont instrumentés par l’Etat. D’une part, l’accès individuel à la formation continue, issu de la volonté propre de chacun, instaure le droit à un congé individuel de formation. De l’autre, les entreprises mettant en place un plan de formation reçoivent une aide.
Concernant l’accès collectif au sein même des compagnies, la prise en charge par l’Etat s’élève à hauteur de 20% du coût de formation, et ce chiffre monte à 35% lorsque l’individu à former est une personne non qualifiée, soit ayant moins de dix ans d’expérience professionnelle, soit âgée de plus de 45 ans. En 2012, les entreprises ont soumis 1.500 dossiers à l’INFPC, Institut National pour le développement de la Formation Professionnelle Continue. En 2013, ce chiffre s’élevait déjà à presque 1.800. Ce nombre augmente chaque année et illustre le succès croissant du phénomène.
KM: Pour les formations sous impulsion individuelle, la participation financière de l’Etat équivaut au coût d’un tiers du congé qu’une personne pose en ce but. Par exemple, si vous voulez participer à un module qui dure six jours, deux jours de congé vous seront accordés grâce à ce système. Le congé individuel de formation est un droit et un employeur ne peut pas le refuser mais seulement le reporter.
Pouvez-vous me faire un panorama de la situation aujourd’hui?
AC: En ce qui concerne le genre, hommes et femmes sont à peu près égaux face à cette réalité. Les demandes de congé individuel de formation sont introduites à 47% par des femmes, et à 53% par des hommes, plus présents en moyenne sur le marché du travail.
Au niveau de l’âge, il n’y a pas de tendance nette. Cependant, certains domaines influencent parfois l’âge moyen. Dans le secteur financier notamment, les jeunes diplômés sont très touchés. De plus, si vous êtes habitués à vous former, vous aurez plus de facilité à continuer. On constate que les personnes déjà qualifiées sont plus demandeuses de formations que celles qui n’ont pas, ou peu, de qualification.
Les formations qui remportent le plus de succès en accès collectif ont pour thème les techniques professionnelles de métier et les adaptations au poste de travail. Concernant l’accès individuel, les brevets de maîtrise, les formations sociales, ainsi que celles liées au secteur financier comme les formations en fiscalité, et également les cours de langues sont les formations les plus sollicitées.
KM: Par rapport à nos voisins européens, notre situation est excellente: le Grand-Duché est l’un des pays à proposer le plus d’offres. Nos concitoyens aiment également se former à l’étranger. La Belgique et la France, mais surtout la Grande-Bretagne attirent une foule de salariés luxembourgeois en quête de connaissances.
Comment cela va-t-il évoluer dans le futur?
KM: La tendance est à l’augmentation constante, une conséquence des besoins toujours plus spécifiques demandés par le marché de l’emploi. Seule la formation continue peut répondre en rythme à ces changements rapides, et permettre aux travailleurs de rester compétitifs. Un autre constat: de plus en plus de petites et moyennes entreprises profitent de ces offres et proposent des formations à leurs salariés, alors que les micro-entreprises restent marginales face à ce phénomène.
AC: L’accès collectif aux aides de formation n’est pas toujours équitable, notamment pour ces micro-entreprises. Il doit donc être modifié. Nos allons déposer un projet de loi en septembre à ce propos.
D’abord, nous devons alléger la charge administrative qui pèse sur les entreprises. Cette lourdeur dans les démarches est un frein pour les sociétés. Les dossiers à soumettre sont complexes et la paperasse trop abondante.
Ensuite, nous désirons un meilleur conseil et une guidance plus efficace pour les entreprises qui le désirent. Ce point précis est déjà mis en route. L’INFPC a conçu des outils, sur Internet notamment, pour aider les compagnies à constituer leur dossier de demande de co-financement. Par exemple, des spots montrent comment remplir un tel formulaire.
Enfin, nous voulons voir offrir un co-financement plus généreux aux micro-entreprises. Les compagnies de cinq salariés ou moins sont trop peu représentées aujourd’hui en formation continue car elles ne peuvent souvent pas se permettre de mobiliser une personne ailleurs vu leur taille. La participation de l’Etat sera donc dans le futur adaptée en fonction de la taille de l’entreprise.
Nous espérons le voir appliquer toutes ces mesures en janvier. De cette façon, les micro-entreprises, lésées du système actuel, prendront enfin une plus grande part du gâteau de la formation continue.