Carbon: «notre priorité, c’est vous»
C’est dans les locaux vintages de la société Carbon où sont accrochées aux murs d’anciennes publicités automobiles, de vielles pompes à huile et des photographies de bus anciens que nous reçoit Georges Carbon. Ce passionné qui se qualifie volontiers d’«épicurien», vous propose d’anciens autocars et fourgons pour vos activités évènementielles mais la société s’est également spécialisée dans le transport de personnes à mobilité réduite. Cet homme qui cite le mythe de la Caverne de Platon pour expliquer sa vision du bonheur revient sur la responsabilité sociétale de l’entreprise.
D’où vous-est venue l’idée d’une société spécialisée dans le transport des personnes à mobilité réduite?
C’est tout d’abord par héritage familial. Mon arrière-grand-père a commencé dans les autocars dans les années 20. Repris par mon grand-père, je passais toutes mes vacances dans l’entrepôt qui est le lieu de mes plus anciens souvenirs d’enfant. On peut donc dire que je suis quasiment né dans les autocars. La société familiale n’existe plus mais en 2007, j’avais lancé un concept basé sur une directive européenne, qui n’était alors pas encore appliquée au Luxembourg, à propos du droit à la mobilité pour tous. La mobilité des personnes réduites implique intrinsèquement celle de l’autonomie. Une année durant, le ministère de l’égalité des chances m’a soutenu et en mai 2008, ce projet a été adopté par le Ministre des transports. Cette activité m’a beaucoup apporté tant sur le plan individuel que dans la gestion de mon personnel; j’ai vite compris que la dimension humaine était indissociable de la rentabilité de mon entreprise.
Pouvez-vous nous l’expliquer?
La structure organisationnelle de l’entreprise ne répond pas à la hiérarchie ancienne où le patron, du haut de l’organigramme se place dans une relation verticale avec ses employés. Ici, c’est une structure horizontale où chacun de mes collaborateurs est une force pour l’entreprise. Nous formons ensemble un tout qui tend vers l’harmonie.
Les salariés s’identifient au projet de l’entreprise. La société évolue, la vie des salariés aussi, un patron doit donc suivre ces mouvements et l’unique outil est le dialogue.
Une étude allemande montre qu’en ne travaillant que 75 % du temps de travail actuel, la perte en terme de temps est largement compensée par l’efficacité qui augmente. Bien au-delà du débat des 35 heures à la française, cela montre que la qualité de vie des employés a une réelle répercussion sur la bonne marche de l’entreprise.
C’est une autre définition de la rentabilité: épuiser ses salariés avec des horaires coupés pour un petit salaire se répercute sur la qualité. Au contraire, un planning qui respecte la vie familiale, un environnement de travail agréable et une énergie positive au sein de l’équipe vont augmenter la rentabilité.
Comment faites-vous pour trouver du personnel qualifié?
Depuis que je suis patron, j’ai engagé à 95% des gens qui sortaient du chômage. Je fais d’abord recours à l’ADEM et au forum pour l’emploi car ces structures, si souvent malmenées par nombre de commentateurs, sont avant tout des parachutes sociaux qui bénéficient aux malchanceux.
Avec un peu d’énergie j’ai trouvé du personnel motivé et mon équipe de 30 personnes s’est ainsi constituée. Si cette approche qui est la mienne était partagée avec d’autres entrepreneurs, on arriverait à baisser considérablement le taux de chômage dans notre pays.
Est-ce que la formation de votre personnel est alors un élément crucial?
C’est même une condition fondamentale. En situation de crise, ce sont toujours les plus faibles qui sont touchés en premiers. Les personnes approchant de la cinquantaine ont donc besoin d’être formés aux nouvelles techniques ou technologies pour s’adapter au marché. Il y a également ceux qui suite à un accident du travail ne peuvent plus travailler dans leur spécialité d’origine et ont besoin d’être formés en vue d’une reconversion. Enfin, les plus jeunes et plus particulièrement ceux qui ont quitté l’école trop tôt et sans qualifications, sont à la fois l’avenir de notre société à condition de leur donner une (autre) chance.
Par conséquent, je sers aussi de porte de secours à ceux qui sont en marge de la société et qui n’arrivent plus à se réinsérer dans le marché du travail, un simple permis de conduire peut être un diplôme précieux.
Il existe des avantages financiers avec le CIE ou le CIA ou encore avec les stages de réinsertion. Le patron doit alors se sentir impliqué dans ces processus de formation. Nous avons la chance de vivre dans un pays où l’Etat met des moyens à disposition afin de trouver du personnel ce qui profite autant au patron qu’au chômeur mais aussi à la société en général.
Comment cela se traduit-il concrètement dans votre domaine?
Tout simplement dans la qualité du service client. Dans notre profession, le stress, la responsabilité écologique, la sécurité et le rapport à l’autre sont autant de domaines avec lesquels nous faisons face au quotidien. Nous devons alors former notre personnel afin qu’ils soient à même d’assimiler ces notions pour que cela devienne un savoir-faire.
Je prends pour exemple le rapport client. Nous avons à faire quotidiennement à des personnes handicapées qui sont en foyer. Le minibus est donc souvent un lieu de communication, outre le fait qu’il faut rester concentré sur la route, le chauffeur se dédouble souvent en une oreille thérapeutique, un sourire bienveillant ou en une voix amicale. Un filtre professionnel lui est donc indispensable une fois rentré chez lui.