L’équilibre selon Clearstream Services

Pour réussir sa stratégie digitale, le Luxembourg doit devenir une plateforme d’investissements, et pas uniquement de solutions: voilà ce qu’affirme Herbert Muck, Head of Sales & Account Management chez Clearstream Services. Dans cette interview, il nous explique comment la compagnie a ouvert ses perspectives d’avenir en proposant des solutions SaaS, mais également pourquoi le Luxembourg se doit d’attirer de nouveaux investisseurs.
 
 
Clearstream Services pilote le volet informatique de Clearstream International. Quels sont les services que vous proposez aux banques et aux acteurs du milieu financier ?
 
Nous proposons des SaaS, “Software as a Service”: nous délivrons des services tels que des outils de gestion, d’administration, de support ou de facturation par exemple. Ces services ont été conçus à l’origine pour soutenir l’infrastructure de Clearstream Banking, notre maison mère. Au vu des investissements réalisés, et de tout ce que nous avons réussi à développer, nous désirions partager ces outils inédits. Cette ouverture a reçu un écho très favorable au sein du monde des banques et assurances.
Notre offre de services prend la forme d’une pyramide à trois couches. La première est une base physique: elle concerne l’hébergement, la connectivité et les infrastructures, c’est-à-dire la capacité réelle à pouvoir héberger nos clients. La couche intermédiaire est composée d’activités d’infogérance. C’est l’aspect opérationnel qui permet aux infrastructures de la première couche de fonctionner. La troisième couche, essentielle dans un mode Saas, propose des solutions à valeur ajoutée. Cette couche différenciatrice reprend un ensemble de solutions métiers, du pre-trade au post-trade, dans un modèle “Pay-as-you-go”, donc où l’on paie ce que l’on consomme. Ces solutions couvrent tous les aspects du secteur financier.
N’est-ce pas contradictoire d’avoir créé des outils pour servir votre banque, et de les proposer à d’autres banques ?
 
Cela peut sembler inadéquat, mais non ce n’est pas contradictoire. Nous avons su trouver un équilibre en créant un modèle d’outils très ouvert grâce à notre troisième couche de solutions. Etendre notre portefeuille de possibilités d’offres et grimper sur l’échelle de la valeur ajoutée nous ont permis de résoudre la contradiction potentielle entre les intérêts du marché et nos intérêts. Ainsi, nous ne sommes pas contentés de partager des infrastructures existantes: nous avons enrichi notre gamme de produits et services pour répondre à tous les besoins spécifiques de clients éventuels. Si nous avions créé des solutions uniquement pour notre groupe, Clearstream Services n’aurait pas eu de perspective d’avenir. Nous avions fait le pari dès le départ d’être à l’écoute du monde financier. En outre, nous possédions un avantage face aux autres fournisseurs de solutions SaaS: nous avions déjà un client qui nous apportait une connaissance extrême du milieu bancaire.
Qui sont les principaux bénéficiaires de vos services?
Nous servons presque 150 clients aujourd’hui. Sans surprise, ce sont généralement des banques, des sociétés d’assurance ou des institutions financières. Plutôt de taille moyenne, ils recherchent la flexibilité. Nous avons également des discussions récurrentes avec des “corporates”, c’est-à-dire des industriels. En effet, ils deviennent de plus en plus intéressés par nos offres car ils se centralisent doucement et se comportent d’avantage comme des instances financières.
 
Nous sommes actifs principalement sur la zone européenne. Lorsque nous avons créé le modèle, notre clientèle était majoritairement luxembourgeoise. Aujourd’hui, nous atteignons un équilibre entre clients intérieurs et extérieurs au pays, ce qui montre que nous sommes attractifs à l’étranger.
Par ailleurs, être Professionnel du Secteur Financier (PSF) contribue à l’image de qualité ainsi que de sécurité de Clearstram Services. En effet, expliquer que nous sommes contrôlés et audités par un régulateur local, et que nous devons nous conformer à un niveau d’exigences élevé est un gage de qualité pour cette clientèle européenne. Cela fait maintenant dix ans que ce statut existe et nous étions l’un des premiers à y correspondre. Il est passé dans les gènes du tissu économique luxembourgeois. C’est au tour du marché international d’appréhender ce concept, qui le toujours plus.
 
Depuis la mise en place par le gouvernement de la stratégie Digital Lëtzebuerg, avez-vous ressenti un impact sur votre façon de faire votre métier?
 
Au niveau financier, cela ne change pas tellement car notre milieu est toujours à l’écoute du secteur des technologies. Cependant, lorsqu’un tel message est donné par un gouvernement, cela nous force à nous interroger: correspond-on bien à ces initiatives? Comment pouvons-nous contribuer à cet élan?
Comment notre pays peut-il s’améliorer dans ce domaine?
 
Bien sûr, nous devons continuer à vouloir innover. Ensuite, une fois novateurs, il nous faut créer notre crédibilité. Nous devons pousser en avant les atouts que le Luxembourg possède et mettre en exergue nos capacités créatrices. Mais l’un des grands points sur lequel nous devons nous améliorer dans le futur est celui des investissements. Aujourd’hui, nous proposons des solutions en infrastructures et en IT, mais nous avons intérêt faire du Luxembourg une plate-forme d’investissements, et pas uniquement de solutions.
Placez-vous du point de vue d’un entrepreneur: de quoi a-t-il besoin pour créer une société? Avant même les solutions technologiques, les fonds lui sont nécessaires. C’est la base première. Nous devons continuer à être un lieu propice à la création d’entreprises, mais ce n’est pas suffisant: il faut également donner l’envie aux investisseurs de mettre leur argent dans ces activités. Si les solutions de financement pour ces compagnies existent, elles se développeront et le pays pourra alors y raccrocher les solutions technologiques qu’il veut développer.
Le potentiel pour faire du Grand-Duché un aimant à financement est là: un terrain fiscal intéressant, un gouvernement relativement stable, une proximité et une simplicité générale, la disponibilité et l’accessibilité des infrastructures; le Luxembourg est presque prêt à devenir très attractif pour les investisseurs. On pourrait imaginer que le gouvernement crée une sorte de “grand fond novateur de soutien au démarrage d’entreprises” par exemple.
En résumé, le créateur de valeur a besoin d’argent pour se financer, de talent pour que cela fonctionne et de solutions pour gérer le tout. Le Luxembourg possède déjà les solutions; concernant le talent il y travaille; les investissements sont donc l’élément suivant qui doit le préoccuper.

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