Des fonds d’investissements responsables
Le 4 juin dernier, une conférence s’est tenue à l’Abbaye de Neumünster sur les fonds d’investissements de l’économie sociale, organisée par la Supermanco SELECTRA Management Company . Autrement appelée le Tiers secteur en analogie au Tiers état ou au Tiers monde, cette économie est une alternative au privé lucratif ainsi qu’au secteur public. Elle repose sur une logique qui «n’est pas capitalistique mais à valeur sociale», nous explique Nicolas Schmit, Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire qui nous a accordé une interview juste avant de prononcer son discours.
Quelle est la raison de votre présence aujourd’hui?
En tant que ministre en charge de l’économie sociale et solidaire, je soutiens toutes les initiatives qui en font sa promotion et qui visent à développer de nouvelles formules afin de lui donner un nouvel essor. Tout le monde sait que l’économie solidaire a un potentiel considérable au Luxembourg et plus largement en Europe. J’espère que les débats d’aujourd’hui apporteront des pistes sur les manières avec lesquelles on pourra exploiter ce potentiel et plus précisément sur les modes de financement d’une telle économie.
En tant que ministre de l’Economie sociale et solidaire, quelle est votre action concrète?
Elle se place à plusieurs niveaux. Demain je vais soumettre au Conseil de gouvernement le projet de loi qui va organiser l’économie solidaire au Luxembourg. Mon prédécesseur avait déjà beaucoup travaillé sur le projet et nous allons maintenant le finaliser afin de pouvoir rentrer dans une procédure législative pour qu’ici la fin de l’année, le projet soit adopté. Cette loi créera un cadre légal dans lequel un certain nombre de caractéristiques définiront ce qu’est l’entreprise sociale.
Le deuxième volet concerne le financement d’une telle économie. Il y’a beaucoup d’approches sur lesquelles nous sommes en train de travailler et notamment sur les fonds d’investissements sociaux au Luxembourg.
La troisième démarche concerne la micro finance qu’on a l’habitude d’assimiler aux pays en voie de développement. Cependant, elle peut également permettre l’émergence de PME et c’est pourquoi nous devons trouver des moyens de l’optimiser au Luxembourg.
Ensuite, il s’agit de favoriser l’éclosion de nouvelles entreprises responsables en leur offrant un écosystème qui leur servira de cadre économique et social. Nous préparons à cet effet, une sorte d’incubateur, où de jeunes entrepreneurs qui veulent se lancer dans la création d’entreprises sociales pourront le faire tout en étant accompagnés. Un tel environnement devrait être créé d’ici l’année prochaine.
Enfin, mon action se place au niveau européen. Dans quelques semaines maintenant, le Luxembourg présidera le Conseil de l’Union Européenne et nous voulons que l’économie sociale en soit un sujet majeur et notamment pour les pays les plus affectés par la crise. Relancer l’économie de ces pays passe notamment par l’économie sociale qui est une solution politique à la crise. C’est un sujet que nous allons porter dès le 3 juillet prochain à Bruxelles lors d’un séminaire qui se prolongera le 3 et 4 décembre lors d’une grande conférence qui, je l’espère, débouchera sur une chartre de l’économie sociale. Je veux montrer qu’elle peut être un facteur de développement économique, de création d’emploi et devenir aussi un élément du modèle social et économique européen.
Comment canaliser les investissements vers le Luxembourg?
Il reste encore un certain nombre d’aspects techniques qu’il faut régler. Par exemple, il ne faudrait pas que le coût de placement de ces fonds soit dissuasif en comparaison à d’autres fonds d’investissements.
Il y a un intérêt croissant du monde financier pour le Luxembourg qui est une place importante pour les fonds. Certains regardent l’intérêt porté vers l’économie sociale avec méfiance et y voient le grand capitalisme qui tente de se l’approprier. Je comprends cette inquiétude et c’est pourquoi il faut régir cette économie par des règles. Notre loi présente un certain nombre de garanties et assure que la logique de base de l’économie sociale ne soit pas altérée. Il faut trouver une synthèse entre le besoin de capitaux et les investissements indispensables à l’éclosion de l’économie sociale mais sans jamais perdre les valeurs sur lesquelles cette économie repose. Cette valeur n’est pas capitalistique mais à valeur sociale.
Quel message fort allez-vous faire passer?
Je vais aller dans ce sens; mon discours soulignera l’importance d’ouvrir l’économie sociale sans que cette ouverture n’altère ses valeurs. En sommes, il s’agit de créer une nouvelle synthèse entre d’un coté les valeurs et les principes de l’économie sociale et de l’autre les possibilités financières qu’offre le développement de fonds dont il est question aujourd’hui. Nous devons maintenant promouvoir une économie alternative et en faire une composante du centre financier luxembourgeois. Je pense que nous aurons dans les années à venir au Luxembourg, un fort développement de la finance sociale et je l’espère en Europe.
En trouvant de nouvelles manières de nous financer, nous pourrons faire en sorte que le monde financier, devenu artificiel dans sa course effrénée aux gains, retrouve la composante d’une économie réelle en assimilant l’aspect social. JuB