Une empreinte positive

Acheter un produit issu du commerce équitable est un «acte de responsabilité sociale» qui laisse une trace positive dans les pays du Sud en contribuant à améliorer les conditions de travail et plus largement les conditions des producteurs locaux et de leurs familles, nous explique Jean-Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg.
Interview
 
 
Du 5 au 21 mai aura lieu la troisième édition de la campagne nationale “Lëtz’ Step to Fairtrade”. Quel est son objectif?
 
Comme toute action fédératrice, cette campagne permet de générer une dynamique qui intègre nos multiples partenaires. Qu’il s’agisse d’administrations communales, de ministères, d’écoles, d’acteurs du monde de la distribution ou de la gastronomie, d’associations et même de personnes individuelles, tous peuvent participer à cette campagne.
 
 
Le visuel qui promeut cette campagne représente des empreintes de pas. Que symbolisent-elles?
 
Ce visuel illustre la notion de “footprint” que nous connaissons surtout au niveau écologique et qui, souvent, prend une connotation négative. Or, nous pouvons aussi laisser une trace profondément positive dans les pays du Sud et c’est ce que nous faisons lorsque nous achetons un produit Fairtrade.
 
 
Comment participer à cette dynamique?
 
C’est de la créativité pure qui est demandée. Chaque acteur doit développer sa propre action sur le thème ou sur le produit de son choix. Cela peut, par exemple, consister en l’organisation d’un “Fair Breakfast”, d’une conférence sur le textile ou d’un rallye citoyen autour de la thématique du commerce équitable. Il y a mille et une histoires qui peuvent se raconter dans ce contexte pour faire bouger le commerce équitable et avoir un impact positif sur les conditions de vie et de travail des producteurs dans le Sud. Chacun a, entre ses mains, la possibilité de devenir un ambassadeur du commerce équitable.
 
 
Les “Best Practices” sont-elles valorisées?
 
Pour stimuler la créativité des acteurs et les encourager à se mobiliser davantage, nous avons lancé un concours intitulé “Vote for the Best Step”. Les huit meilleurs évènements sélectionnés par un jury seront soumis au vote des internautes. Les trois premiers seront récompensés par des prix attractifs qui leur seront remis lors d’une cérémonie officielle.
 
 
Dix-neuf communes luxembourgeoises sont déjà labellisées “Fairtrade Gemeng”, un concept qui existe dans 25 pays. Qu’est-ce qu’une “Fairtrade Gemeng”?
 
 
En une phrase, c’est une commune qui s’investit pour le commerce équitable et pour les producteurs désavantagés dans le Sud, en appliquant l’adage: “penser globalement, agir localement”. Localement, signifie aussi au niveau communal. Cette démarche s’insère dans une politique générale en faveur du développement durable. Les communes sont les plus petites entités politiques qui existent, ce sont aussi les plus proches des citoyens. Elles ont donc un rôle déterminant à jouer dans la sensibilisation de la population au développement durable.
 
 
Dans cette optique, quels critères doit respecter un produit pour être labellisé “Fairtrade”?
 
Il doit respecter des critères dans les trois piliers du développement durable: économique (prix minimum garanti, prime “Fairtrade”, préfinancement d’une récolte, par exemple, pour n’en citer que quelques-uns), social (interdiction absolue du travail d’enfants, du travail forcé, de toute discrimination, liberté de se réunir dans des syndicats, intégration des principes démocratiques pour le décrire brièvement) et écologique (obligation de gérer des déchets, interdiction des OGM).
 
 
Comment l’engagement d’une commune doit-il se traduire concrètement?
 
Pour devenir Fairtrade, une commune doit passer par trois étapes. La première consiste à prendre la décision politique de s’impliquer pour le commerce équitable. Deuxièmement, il faut qu’un groupe d’action se forme –ou qu’une commission existante prenne en charge le dossier-, dans le but d’agir comme un moteur pour déployer diverses initiatives en matière de sensibilisation et/ou d’achats publics. Elle est ainsi un multiplicateur auprès des autres acteurs de la commune. Enfin, la commune doit communiquer sur les actions qu’elle a mises en place. Elle s’engage également à raison d’une participation financière symbolique d’un euro par jour.
 
Sont-elles sujettes à un certain contrôle de votre part?
 
Elles n’ont pas de quotas d’achats à respecter, mais sont soumises à un certain reporting. Nous leur demandons d’organiser au moins une action d’envergure annuelle, de se doter d’un groupe d’action actif et d’enregistrer une évolution dans différents domaines. Nous comptons sur leur dynamisme, sur leur volonté d’aller plus loin. Certaines communes ont, par exemple, contacté les restaurants présents sur leur territoire pour qu’ils intègrent des produits du commerce équitable à leurs cartes, d’autres programment des marchés équitables. Les plus grandes envisagent cette implication plutôt au niveau de leurs services, et pas uniquement dans le domaine alimentaire d’ailleurs. C’est le cas de la Ville de Luxembourg qui a choisi d’équiper les employés de son service hygiène avec des vêtements de travail labellisés Fairtrade.
 
 
Pourriez-vous nous en dire plus sur l’action de sensibilisation autour du café que vous avez lancée récemment?
 
Nous y mettons en avant “un café de qualités”, et ce n’est pas une faute d’orthographe. Le côté gustatif est primordial, nous en sommes convaincus, mais d’autres critères de qualité sont déterminants: l’équitable, le social, l’environnemental. Boire un café est un geste simple mais choisir un café de “qualités” est un acte de responsabilité sociale. Nous voulons, via cette campagne, inviter les acteurs publics et les entreprises à s’activer pour un commerce équitable.
 
 
Quels sont les répercussions dans le Sud des actions qui sont menées ici?
 
Lors des voyages que nous faisons, nous voyons les bienfaits de ces actions, ce qui est motivant. Dernièrement, je suis allé au Kenya où j’ai rencontré Monica, qui travaille dans une plantation de roses certifiée Fairtrade. Je lui ai demandé si elle voyait la différence avec une autre plantation non certifiée où elle était auparavant employée. Elle m’a répondu: «C’est très simple: d’abord, j’ai un contrat à durée indéterminée (ce qui n’est le cas que de 20% des contrats dans les plantations non certifiées au Kenya contre 80% dans les plantations Fairtrade), et ensuite, si je suis enceinte, j’ai droit à un mois de congés maternité et à une heure par jour pour l’allaitement au retour de ce congé». Ce qui, ici, nous paraît être normal – avoir un congé maternité, par exemple- est une exception au Sud. Ceci démontre donc l’empreinte positive laissée par le commerce équitable dans ces pays.
 

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