Un tournant stratégique
«Au stade actuel des choses, le secteur de l’IT soutient le développement économique du pays en tant que ‘facilitateur’ ; il n’est pas encore le moteur de l’économie», affirme Herbert Muck, Head of Sales and Account Management chez Clearstream Services, qui voit néanmoins dans la stratégie gouvernementale Digital Lëtzebuerg un tournant pour notre pays. Interview.
Créée pour piloter le volet informatique de Clearstream International, Clearstream Services fournit également des services IT à des institutions financières externes depuis maintenant plus de dix ans. Face à la mutation que connaît le secteur IT depuis quelque temps, quelles sont les grandes tendances qui se dessinent ?
Une des grandes tendances est la volonté de plus en plus de sociétés d’externaliser leurs services informatiques. Tandis que les sociétés spécialisées dans les data centres se voient dans ce cadre confier le volet technique, des sociétés telles que Clearstream Services, elles, traitent le volet dit «logique», c’est-à-dire la gestion de systèmes. Fort de notre expertise poussée en matière financière, de par notre appartenance au réseau Deutsche Börse Group, nous proposons à ces clients des solutions métiers très performantes.
Pouvez-vous préciser ?
Les acteurs de la finance doivent faire face à une multitude de problématiques, notamment en matière de reporting légal, de lutte anti-blanchiment, ou encore au niveau de la connectivité sur les plateformes de trading, pour ne citer qu’elles. Ce sont autant de problématiques que Clearstream Services peut adresser grâce à son catalogue de solutions en mode Saas et ses services de gestion d’applications.
Soulignons que notre «force de frappe» et nos grandes capacités en termes d’hébergement nous ont permis de fidéliser une centaine de clients importants au-delà des «frontières» de la Grande Région, et ce n’est là qu’un début.
Le gouvernement luxembourgeois s’est doté d’une véritable stratégie dans le domaine de l’IT, baptisée «Digital Lëtzebuerg», laquelle a pour vocation de consolider la position du Luxembourg dans le domaine de l’IT. Qu’est-ce qui change concrètement ?
Il faut à mon sens considérer le discours du Premier ministre sur le sujet fin octobre 2014 comme un tournant. Xavier Bettel a en effet donné une lisibilité à une réalité déjà existante, à savoir l’excellence de l’infrastructure IT luxembourgeoise à quoi il convient d’ajouter une offre de services attrayante, un cadre légal optimal et un emplacement géographique idéal.
Une telle stratégie ne peut qu’encourager les bonnes pratiques et ne peut que servir les entreprises actives dans le secteur IT. Nous n’hésitons d’ailleurs pas chez Clearstream Services à la mettre en avant auprès de nos clients internationaux.
J’aimerais à ce propos ajouter que le business et les enjeux sont devenus résolument internationaux, de sorte que la notion de «pays» tend à disparaître. C’est d’autant plus vrai dans l’IT et dans les applications métiers.
La notion de «pays» ne revêt-elle pas pour autant une importance capitale pour les investisseurs, compte tenu des fortes disparités économiques et politiques existant entre les pays développés ?
Effectivement, la notion de «pays» redevient importante lorsque l’on s’intéresse au cadre légal et réglementaire et aux informations d’ordre macro-économiques et sociales. Comme dit, le Luxembourg tire véritablement son épingle du jeu dans ce domaine, se plaçant dans le top 10 en termes d’infrastructure et des pays où il fait le mieux vivre dans le monde.
Force est de constater que le Luxembourg affiche néanmoins des faiblesses de taille, à en croire certains acteurs dans les TIC, notamment en ce qui concerne son système scolaire, le manque de profils hautement spécialisés ou encore de réactivité des politiques à certains égards…
Je partage tout à fait votre point de vue sur la question de l’éducation, de la formation et de l’attractivité des talents, où, indéniablement, des efforts doivent être consentis.
Ceci étant, d’un point de vue micro-économique, l’on note que les entreprises ont déjà fait le choix depuis longtemps de s’internationaliser. Les grands groupes tels que le nôtre, par exemple, emploient des collaborateurs issus de toutes les régions du monde, qu’ils vont chercher parfois très loin.
En ce qui concerne la réactivité des politiques, assurément, l’on peut constater un certain paradoxe, à savoir que si ces derniers s’avèrent plus accessibles que nulle part ailleurs, certains dossiers traînent en longueur, à l’instar de la loi sur l’archivage électronique, par exemple. Or avec tous les atouts que possède le Luxembourg, il serait vraiment dommage de manquer le momentum.
Par ailleurs, le Grand-Duché doit encore progresser sur la question de l’attractivité pour les investissements locaux, ce qui exige un esprit plus imaginatif, plus créatif. Je pense là par exemple à l’importance de proposer aux entreprises étrangères des incubateurs qui leur permette de s’intégrer plus facilement et plus rapidement dans le tissu économique du pays. Bref, Le Luxembourg doit aller plus loin et s’ériger en passerelle sur le continent pour les nouveaux arrivants.
Le Luxembourg peut-il se poser comme réel prétendant dans la course à l’excellence IT au niveau mondial ? N’est-ce pas un peu ambitieux ?
En premier lieu, je dirais qu’au stade actuel des choses, le secteur de l’IT soutient le développement économique du pays en tant que «facilitateur», il n’est pas encore le moteur de l’économie.
Si l’on veut se différencier de nos concurrents, il est essentiel de « tacler » l’innovation et de se positionner sur des niches où la compétition ne fait pas rage, ce qui s’avère de plus en plus difficile compte tenu du fait que le secteur de l’IT est incontestablement arrivé à maturité.
On revient ici à la problématique de la recherche des talents, qui est le nerf de la guerre dans ce contexte.
Comment Clearstream Services s’inscrit-elle dans cette stratégie gouvernementale ?
Clearstream possède un programme très centré sur les besoins de ses clients, avec une couverture internationale. Aussi, notre société est en contact étroit avec les nouvelles demandes qui émergent sur le marché. Il en va de même au niveau de la régulation, dans la mesure où nous affichons une grande proximité avec les instances régulatrices. Nous pouvons dès lors prendre rapidement des décisions et nous renouveler en permanence, ceci afin de nous démarquer de nos concurrents.
Pour finir, étant donné notre renommée internationale et notre implantation un peu partout à travers le monde, nous parvenons relativement facilement à attirer de nouveaux talents.