Le nouveau joyau made in luxe

Le Luxembourg ne s’y trompe pas, le monde de l’art a explosé suite aux ravages de la crise financière, et créer une citadelle de l’entreposage était sans doute la meilleure façon de s’engouffrer dans la brèche. Cette citadelle, répondant au nom de Freeport Luxembourg, présente bien des atouts qui ont d’ores et déjà séduit de nombreux collectionneurs. Interview de David Arendt, directeur général.
 Le Freeport Luxembourg est un port franc qui bénéficie de la suspension des droits de douane et de la TVA. Qu’en est-il plus précisément?
Le droit douanier européen prévoit la possibilité de créer des zones franches qui bénéficient d’une suspension de droits de douane et de la TVA, lesquels sont acquittés à la sortie des biens du régime suspensif.
Aussi, cette zone franche dite de type 1 est opérée sous la supervision des autorités douanières du pays qui met en place la zone franche.
 
Comment est né ce projet?
L’investisseur à l’origine du projet est déjà présent à Genève et à Singapour où existent ce type de structure. Celui-ci désirait s’implanter dans un pays de l’Union européenne, d’autant plus que le port franc de Genève ne disposait plus d’espace libre.
Le grand intérêt du port franc au Luxembourg, tel qu’il a été conçu, est qu’il a un accès direct au tarmac de l’aéroport. Or les objets de valeur destinés à être entreposés dans un port franc ou un entrepôt spécialisé sont principalement acheminés par voie aérienne, tant pour des raisons de sécurité que de rapidité.
Les autorités luxembourgeoises, quant à elles, ont vu dans la création de cette zone franche un complément à la plateforme logistique luxembourgeoise de même qu’un enrichissement de la place financière.
Lorsque l’on considère que les biens ne font l’objet que d’une suspension des taxes douanières et de la TVA, on peut se demander quel est l’intérêt de ce port franc? A qui s’adresse-t-il?
Le moteur de ce projet est le monde de l’art, qui a explosé depuis la crise financière, les prix des œuvres d’artistes cotés ayant fortement augmenté, à l’instar des prix d’autres biens de valeur tels que des grands crus ou des voitures de collection.
Ces biens doivent être conservés quelque part, et bien souvent, tant le domicile que les éventuelles résidences secondaires de leurs propriétaires ne suffisent plus à l’entreposage de ceux-ci.
Une deuxième problématique réside dans les assurances de ces biens. Les assureurs rechignent à assurer trop de biens situés en un même endroit, compte tenu des risques de vol ou d’incendie encourus. En résumé, il y a de réels besoins d’entreposage auxquels une structure comme le Freeport répond parfaitement.
Précisons que ces biens précieux doivent être conservés dans des conditions bien spécifiques, une donne qui a été d’emblée prise en considération pour la réalisation de ce lieu d’entreposage qui se veut high-tech et ultra-sécurisé, unique en son genre.
 
Y a-t-il vraiment besoin d’ériger une zone franche pour ce faire?
 
Non, effectivement. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un atout supplémentaire, notamment au niveau de la trésorerie, puisque le paiement de la TVA est reporté dans le temps. Dans certains cas, la TVA peut même ne pas être appliquée. Lorsque l’on achète une œuvre d’art dans une galerie new-yorkaise, par exemple, et qu’on l’importe dans le port franc, la TVA fait l’objet d’une suspension. Si l’œuvre est revendue au sein du port franc, il y a exemption de TVA lors de la transaction.
 
Qu’est-ce qui a poussé l’investisseur à choisir Luxembourg, qui n’est pas une capitale de l’art, à la place de Londres ou Paris?
 
Certes, la Ville de Luxembourg n’est en effet pas une capitale de l’art, mais elle a la chance de se situer à la croisée des chemins en Europe, à deux heures de Paris en train, deux heures de voiture de Cologne et Bruxelles, et, enfin, une heure de Londres en avion. C’est donc l’emplacement géographique qui a conduit Yves Bouvier à mettre son dévolu sur le Luxembourg.
En outre, comme je le disais, le Freeport a un accès direct au tarmac de l’aéroport, ce qui n’est plus envisageable à Roissy ou Heathrow.
 
A quelle hauteur pourra-t-on chiffrer la contribution du Freeport à l’ensemble de l’activité économique luxembourgeoise?
 
Il est très difficile au stade actuel des choses de faire des prévisions. Ce que je puis en revanche vous dire, c’est que lorsque l’on se penche sur le cas londonien, les retombées pécuniaires du monde de l’art sur l’économie et les emplois générés dans cette ville sont gargantuesques.
Aussi, je pense que le Luxembourg saura largement tirer profit de cette réalisation tant sur le plan des revenus fiscaux que sur celui de l’emploi. Soulignons que 80 emplois directs vont être créés dans le cadre de cette initiative.
 
Quels seront les services à haute valeur ajoutée proposés?
Nous allons créer un microcosme d’activités qui gravite autour de l’art principalement, mais pas seulement. Le Freeport abritera dans un premier temps un atelier de restauration, un laboratoire d’analyses scientifiques, un courtier en assurances, un déclarant en douane, un conseiller en art, un expert en art, et, enfin, un opérateur télécom.
Il est à ce titre important de souligner que nous n’allons pas seulement entreposer des œuvres matérielles, mais également des œuvres immatérielles stockées sur des serveurs.
 
La presse internationale, dont le prestigieux hebdomadaire britannique The Economist, ont émis des doutes quant aux activités à venir au sein de cet entrepôt. Quelle est votre réaction face à ces prises de position?
Les ports francs ont une réputation sulfureuse. Pourtant, le régime fiscal n’a rien d’extraordinaire. Le régime luxembourgeois qui s’applique au port franc est d’ailleurs très rigoureux.
Tout a été mis en place pour éviter d’attirer des personnes peu recommandables, tels que les blanchisseurs d’argent ou les terroristes, et ce notamment par un système de traçabilité total combiné à un contrôle douanier.

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