La place financière à l’heure des défis
Dans une période de mutation, la remise en cause et l’innovation sont les conditions sine qua non de la pérennisation de l’activité du secteur. Les acteurs de la place financière luxembourgeoise sont au cœur de nouveaux phénomènes régulatoires et doivent adapter leur stratégie. Le principal mot d’ordre selon Sébastien Pineau, Programme Manager au CRP Henri Tudor, renforcer la confiance dans les services financiers luxembourgeois. Interview.
Le CRP Tudor a lancé un programme d’innovation baptisé INNOFINANCE. De quelle volonté est né ce programme ? En quoi consiste-t-il ?
Le programme émane d’une forte volonté initiale consistant à vouloir assister les acteurs du secteur financier au Luxembourg dans l’innovation de services de même que dans la gestion des risques et le compliance management, en vertu des évolutions légales et réglementaires qui s’appliquent au secteur au niveau européen.
Petit à petit, l’objectif et la portée du programme ont évolué. Aujourd’hui, les équipes se concentrent en particulier sur la fiabilisation des services financiers luxembourgeois, à savoir notamment sur l’ensemble de l’écosystème des services IT qui concourent au soutien du secteur financier.
Comment ce programme s’articule-t-il dans la pratique ? Quelles sont les thématiques abordées ?
Différentes thématiques ont été abordées. Je citerais en premier lieu le «management des risques». En effet, de plus en plus d’initiatives de la part des régulateurs – qu’il s’agisse de la CSSF, de la CNPD, de l’ILR – exigent ou exigeront des PSF de support qu’ils identifient et gèrent les risques inhérents à leur activité et impactant leurs clients financiers. Nous avons ainsi un rôle essentiel à jouer dans la traduction et la modélisation des exigences nationales et internationales pour en faciliter l’appropriation et l’application par les entreprises. C’est ce que nous avons fait par exemple auprès des opérateurs de communication électronique, en partenariat avec l’ILR et en proche collaboration avec les opérateurs.
La deuxième thématique consiste dans la mesure et l’amélioration du lien client/fournisseur dans l’écosystème. Il s’agit notamment des problématiques de la «gestion des risques partagée», de «service-level-agreement» (ndlr : document qui définit la qualité de service requise entre un prestataire et un client), sur lesquelles nous œuvrons, avec pour finalités l’amélioration du lien client/fournisseur et de la qualité des services de part et d’autre.
Par ailleurs, nous sommes également en passe de travailler sur l’interopérabilité des services avec l’étranger. Dans ce contexte, il faut savoir que les formats des données, les caractéristiques des services IT made in Luxembourg doivent continuer d’être valorisés, entre autres dans le secteur public.
Pour finir, citons la gestion de l’externalisation.
L’ensemble de ces défis doivent être adressés de deux manières, d’une part de manière collaborative – c’est-à-dire en associant des acteurs du marché, d’autre part, de manière systémique, soit sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’écosystème.
Sur quelles bases avez-vous appuyé votre travail de recherche ? Quels ont été les axes de travail ?
Le CRP Tudor s’appuie en premier lieu sur les réglementations et normes nationales et internationales, pour lesquelles il existe aujourd’hui des référentiels, des cadres organisationnels ou des guides techniques. Nous participons notamment aux travaux de nombreux comités d’étude nationaux qui contribuent à l’élaboration des normes ISO.
Ensuite, nous concentrons également nos efforts sur des activités de recherche, afin d’anticiper les besoins, les critères, les bonnes pratiques en termes d’innovations de service, de gestion des risques, de qualité de service.
Pour cela, nous nouons des collaborations avec les acteurs du secteur IT, notamment EBRC, POST Luxembourg ou encore des acteurs publics comme Smile et Cases.
La place financière luxembourgeoise est en pleine mutation, tant au niveau de la réglementation qu’avec la levée du secret bancaire. Quel rôle l’innovation joue-t-elle dans la «transformation» de l’activité ?
L’innovation est encore plus importante dans une période de mutation. Soulignons d’ailleurs qu’il y a une double mutation, celle du secteur financier et de sa régulation dans son ensemble, et celle de la place financière luxembourgeoise.
Par conséquent, il convient de trouver des débouchés complémentaires, que l’économie numérique peut justement apporter. Aussi, la qualité mais plus encore la fiabilité des services bancaires doit pouvoir s’appuyer sur un écosystème IT performant, lequel se doit de trouver des débouchés à l’international.
Quelles furent les synergies entre les différents acteurs de la finance impliqués dans le processus et le centre de recherche ?
Nous réalisons des missions d’expérimentation et des collaborations sur projet tant avec des acteurs du monde bancaire et de l’assurance qu’avec l’ABBL ou la CSSF, laquelle a participé à un certain nombre de projets et continue à suivre nos activités dans le domaine de la gestion des risques. Citons dernièrement le projet « PROGRESS », qui a permis l’élaboration d’un catalogue de risques opérationnels et dont les résultats sont d’actualité.
La forte participation d’acteurs privés et publics à nos travaux est essentielle afin d’assurer la validation des résultats de nos projets, l’applicabilité de nos livrables et l’impact de nos innovations sur le marché.