Modèle à suivre

Le bureau d’ingénieurs-conseils PROgroup propose une approche durable et intégrée de l’urbanisme et de la construction. Etabli dans le premier bâtiment nearly zero energy au Luxembourg, au cœur de l’écoparc Windhof, il applique ses propres principes pour pouvoir dupliquer son modèle auprès des communes ou de clients privés en toute connaissance de cause.
Interview de Romain Poulles, ingénieur civil, administrateur délégué et fondateur de PROgroup, et président de l’Ecoinnovation Cluster.

Monsieur Poulles, pourriez-vous nous rappeler quelles sont les missions de PROgroup et avec quelle approche le bureau d’ingénieurs-conseils que vous avez fondé en 1996 se démarque?

Nos activités s’articulent autour de quatre piliers: la gestion de projets urbanistiques, de construction et d’aménagement, la construction durable et le conseil en énergie, la sécurité, l’accessibilité et l’ergonomie, et enfin, les technologies de l’information et de la communication.  Nous travaillons beaucoup pour les communes, notamment dans le domaine urbanistique et dans la gestion de projets. Nous nous distinguons en proposant une approche intégrée et intégrale, qui implique tous les intervenants dès les prémices du projet.

Quelle serait votre définition du Smart Design, philosophie dont vous êtes l’origine?

Le Smart Design combine quatre dimensions: la viabilité –notamment économique-, la désidérabilité qui va au-delà de l’aspect esthétique, la fonctionnalité qui va au-delà de la faisabilité technologique, et les aspects environnementaux qui passent, par exemple, par l’intégration d’une logique d’économie circulaire ou du ‘zéro déchet’. On y parvient en adoptant l’approche holistique, intégrale dont je viens de parler. Il faut, bien sûr, que dès le départ, le maître d’ouvrage soit convaincu de l’approche et abonde résolument dans ce sens.

Lors d’un précédent entretien, vous encouragiez les communes à construire des bâtiments autonomes en énergie, compte tenu des charges qui sont moindres, et affirmiez que cela était possible avec des moyens raisonnables et en tenant compte de leur cycle de vie…

Oui, nous avons développé pour la commune un immeuble de six appartements à loyer modéré qui pourrait voir le jour à Wiltz. Il coûte 40% de moins qu’un bâtiment classique, tout en étant passif, énergétiquement autonome et entièrement démontable et récupérable. Pour parvenir à ce résultat, nous avons inclus la majorité des acteurs concernés et nous nous sommes inspirés de réflexions issues du secteur industriel en optimisant le processus de construction à tous les niveaux. Pour la commune, le prix du terrain doit être considéré comme un placement financier. L’investisseur peut ainsi proposer un logement de deux chambres et de 90 m2 à moins de 650 euros par mois, charges et parking  compris. Loyer auquel la commune ajoute sa quote-part terrain qui se situe, selon nos calculs, entre 50 et 100 euros.
Nous proposons aujourd’hui à d’autres communes de dupliquer ce projet pour répondre à leur besoin de mettre à disposition des logements à coût modéré à la location. Ce modèle se prête plutôt à des petits immeubles se réduisant à une dizaine d’appartements au maximum afin de rester énergétiquement autonomes, notamment pour ce qui est de l’électricité où nous sommes limités par les surfaces de toiture disponibles pour l’installation de panneaux photovoltaïques.
PROgroup dispose de spécialistes en mesure d’encadrer toutes les procédures administratives, souvent longues, difficiles et impliquant de nombreuses administrations communales et étatiques, liées au développement de quartiers entiers. C’est d’ailleurs devenu une de nos spécialités.

Les communes sont aujourd’hui tenues de réduire leur consommation énergétique. Quelle solution avez-vous à leur proposer qui pourrait être mise en oeuvre dans leur parc immobilier existant?

Avant de pouvoir réduire sa consommation d’énergie, il faut d’abord la mesurer. Nous avons conclu en décembre un partenariat exclusif avec une société française qui a développé un outil unique de mesure de la consommation énergétique, outil qui offre le double avantage d’être moins onéreux que les méthodes existantes et d’être non invasif. Ce système peut être implémenté dans n’importe quel bâtiment et donne des résultats spectaculaires. Il s’agit d’un appareil de mesure qui se place en quelques minutes autour du câble principal d’alimentation, sans toucher au tableau électrique, et qui utilise la fréquence émise par chaque type d’appareils pour distinguer leur consommation respective et l’indiquer, en instantané ou en cumulé sur une semaine, un mois ou un an, pour une salle, un étage, un bâtiment ou un parc immobilier entier. Ce type d’outil ne s’applique pas seulement aux mesures électriques, mais aussi aux consommations de gaz, d’eau et de mazout.

Une fois que le client dispose de ces informations, comment peut-il réagir?

Il y a trois niveaux d’intervention. Le premier est le niveau comportemental qui coûte peu et peut avoir une incidence de 10 à 30% sur la consommation en fonction du type de bâtiment et de son degré d’excellence ou de non-excellence. Nous pouvons sensibiliser, informer et former les utilisateurs pour qu’ils prennent l’habitude d’éteindre leurs lampes ou leurs ordinateurs, par exemple. Vient ensuite le réglage des appareils, puis le réinvestissement: changer toutes les ampoules ou isoler le bâtiment, par exemple. Les deux premiers peuvent être mis en place sous quelques semaines, le troisième s’inscrit dans une politique budgétaire à plus long terme. L’outil de Smart Impulse que nous proposons permet aux utilisateurs d’avoir la sensation que leurs actions ont des effets réels.

La démarche de l’écoparc Windhof, que vous présidez, serait-elle applicable à d’autres zones d’activités ou quartiers au Luxembourg?

Cette expérience, dans le cadre de laquelle des propriétaires se sont rassemblés pour développer une trentaine de projets axés sur des sujets comme le transport et la mobilité, la mutualisation des achats et des services, la biodiversité, la communication, la mesure et la réduction de la consommation énergétique ou encore la gestion des déchets, est un véritable succès. Une telle approche offre des avantages à différents niveaux. En permettant aux adhérents de réduire leurs coûts et d’apprendre à se connaître et à s’entraider à travers un travail commun, la dynamique de l’écoparc présente un réel intérêt économique et social pour eux, en plus des bénéfices environnementaux qu’elle apporte. Cette logique de collaboration est tout aussi profitable pour la commune puisque l’écoparc a le mérite de proposer un vis-à-vis, un partenaire de dialogue, aux autorités communales de Koerich dans le cadre de réflexions sur l’évolution de la zone d’activités de Windhof. Il confère également un certain poids à ses membres dans les discussions. Nous venons, par exemple, de publier les résultats d’une enquête sur la mobilité dans le cadre de laquelle nous avons pu recueillir les réponses de près de 400 participants. Cette étude a révélé des besoins auxquels nous essayons aujourd’hui de répondre en mettant en place un service de car sharing ou des navettes supplémentaires vers les gares alentour, mais elle est aussi un outil moins formel qu’une pétition pour inciter les autorités à créer une deuxième sortie sur la zone de Windhof, preuve qu’il existe une forte demande en la matière à l’appui.

L’expérience acquise depuis la création de l’écoparc Windhof, il y a un peu plus de trois ans, pourrait-elle servir à d’autres acteurs?

Notre démarche est, en effet, un exemple dont nous souhaiterions voir d’autres communes, quartiers ou zones d’activités s’inspirer, parce qu’elle a du sens. Même si, à l’heure actuelle, nous ne proposons pas une offre formelle en matière d’accompagnement, nous pourrions imaginer faire profiter d’autres communes du savoir-faire qui s’est développé à Windhof pour améliorer leur organisation, en participant au développement et à la mise en place de ce genre d’idées sur le terrain. Le recul que nous avons nous permet de savoir ce qui fonctionne (et ce qui doit être mis en place pour que cela fonctionne), mais aussi ce qui ne fonctionne pas. Dans une zone d’activités existante comme celle de Windhof, nous sommes parvenus, en quelques années, à modifier radicalement l’image de marque de l’écoparc et le bien-être au travail, mais aussi à développer considérablement les services. Les occupants peuvent aujourd’hui profiter, entre autres, de plusieurs centres de fitness, de neuf restaurants, de deux crèches et de parcours de fitness ‘outdoor’. Mais il est beaucoup moins complexe de rendre une zone autonome, d’y appliquer une écologie industrielle ou d’y réduire les coûts si d’autres thématiques que les problèmes urbanistiques et liés au transport (gestion des déchets et de l’énergie, réduction des coûts, mobilité, biodiversité, etc.) sont prises en considération dès la genèse du projet et si les futurs usagers sont impliqués dès le départ dans les réflexions.

 

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