Un monde à conquérir

Les opérateurs du secteur ICT ont leur pierre à apporter à la compétitivité de la plateforme luxembourgeoise et ils font front commun quand il s’agit de la promouvoir auprès des entreprises étrangères. Exemple avec Telecom Luxembourg Private Operator (TLPO) dont le CEO, Jérôme Grandidier, nous explique comment sa société contribue à attirer de nouveaux acteurs.

Pourquoi avons-nous traversé un espace mutualisé?

Nous nous trouvons sur notre ICT Campus où nous avons emménagé il y a trois mois. Trois sociétés nous y ont déjà rejoints, dont deux viennent de France et une des Etats-Unis. Nous proposons aux start-ups que nous avons convaincues de s’installer au Luxembourg de profiter de ces locaux, qui offrent toutes les infrastructures et les connexions nécessaires, pour pouvoir démarrer rapidement leur activité. A leur arrivée, nous les introduisons auprès de tous les acteurs importants de la place. Nous leur démontrons ainsi qu’au Luxembourg, il est facile de rencontrer différents interlocuteurs et que cinq rendez-vous en une journée n’est pas un marathon.
 
 
Pour quelles raisons cherchez-vous à attirer de nouvelles entreprises au Luxembourg?

Nous voulons mettre en place un véritable écosystème qui dynamise la place et crée des emplois. L’année dernière, nous avons voyagé dans une quinzaine de pays pour présenter le Luxembourg, ses infrastructures, mais aussi ses avantages législatifs et fiscaux, car c’est le «package» complet qui intéresse les sociétés. Nous essayons ainsi de les charmer.
TLPO a, par ailleurs, ouvert un bureau de représentation en Californie qui a pour vocation de détecter les sociétés qui prévoient de développer leur business en Europe. Elles doivent y avoir au moins un datacentre pour que l’expérience des utilisateurs ne soit pas détériorée par la latence due à l’éloignement des serveurs. Aussi, nous incitons ces sociétés à étudier l’opportunité de s’installer au Luxembourg plutôt que dans un autre pays européen et je suis convaincu que c’est ce qu’elles feront une fois qu’elles auront considéré tous les aspects.
 

Quels atouts mettez-vous en avant dans le cadre du travail de promotion que vous effectuez?

D’abord, à l’étranger, nous faisons bloc avec les autres opérateurs, nous tenons le même discours et participons à des présentations communes, ce qui renvoie une image de cohérence, de concurrence saine et de respect mutuel qui est bien perçue.

Ensuite, le Luxembourg est un des plus petits pays du monde, mais il est aussi celui qui concentre le plus de datacentres certifiés Tier IV. On sent, avec le scandale Prism et toutes les affaires autour des écoutes, que l’aspect «sécurité des données», que l’on a peut-être un peu négligé par le passé devant l’enthousiasme suscité par l’arrivée du cloud, est en train de prendre une importance phénoménale aux quatre coins de la planète. Or, le Luxembourg est aujourd’hui le coffre-fort électronique du monde.
 
Un autre atout du Luxembourg est sa position centrale. Si l’on trace un cercle de 500 km autour de Luxembourg, on retrouve plus ou moins 75% du PIB européen et tous les principaux hubs du continent. Moins la distance à parcourir vers ces hubs est grande, moins il faudra tirer de fibre optique, et moins cela sera coûteux.
 
Nous mettons également en avant la stabilité politique du pays, qui subsiste même avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement dans la mesure où il n’y a pas de rupture totale avec la politique précédente, mais aussi sa bonne santé financière: le Luxembourg est un des deux pays de l’Union européenne à être certifié triple A. Il n’y a donc aucune variation subite des taxes pour renflouer les caisses à craindre, qui rendraient difficiles l’élaboration d’un business plan.
 
Enfin, l’environnement multiculturel et multilingue qu’offre le Luxembourg est aussi un avantage de taille.
 
Il est primordial pour une société de bien réfléchir dès le départ à l’endroit où elle va implanter son siège social ou ses activités export, car il sera très compliqué par la suite, au moment où elle générera des profits intéressants, de changer de pays.
 
 
Le Luxembourg a des infrastructures modèles en matière de sécurité des données, mais au niveau de l’environnement réglementaire, comment fait-il la différence?

 
Si vous décidez de mettre toutes vos données sur le Cloud et que l’hébergeur fait faillite, dans un autre pays, d’abord, l’électricité sera coupée pour limiter les dépenses et, ensuite, le curateur vendra les serveurs pour une bouchée de pain. Au Luxembourg, le curateur continuera à faire tourner les serveurs et permettra aux propriétaires des données de les récupérer. Nous n’avons pas encore connu de grands scandales en Europe, mais cela arrivera car, dans toute économie, il y a des faillites. Le gouvernement luxembourgeois essaie de s’en prémunir en élaborant un cadre favorable à la création d’un écosystème autour de l’informatique et des télécommunications: lois sur la propriété intellectuelle et sur l’archivage électronique, prix de l’électricité pour les datacentres indexé sur celui qui est appliqué dans l’industrie, support financier pour les jeunes entreprises dynamiques par le biais de Luxinnovation, création d’un freeport qui ouvre de nouvelles perspectives, etc.
 
 
Que manque-t-il alors au Luxembourg pour devenir la nouvelle Silicon Valley?
 
Pour pouvoir accélérer le mouvement, il nous manque un système de financement efficace. De nombreux entrepreneurs seraient prêts à venir au Luxembourg avec des projets fantastiques, qui seraient bons pour l’image de marque du pays et le placeraient encore mieux sur la carte, mais doivent y  renoncer faute de financement. Ces start-ups, qui ne sont pas soutenues par les banques en raison du risque qu’elles représentent, devraient bénéficier de budgets attribués par le gouvernement au moins à celles qui sont actives dans les secteurs de diversification économique définis par le gouvernement. Il y a des solutions rentables à mettre en œuvre en impliquant et en associant les secteurs public et privé.

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