«La nature est notre capital»

Comment rendre à une région toute son attractivité pour les touristes? En réunissant les différents acteurs du secteur pour créer ensemble des produits adaptés aux exigences d’une clientèle toujours plus en recherche d’accompagnement et d’activités. C’est la mission de l’Office Régional du Tourisme de la Région Mullerthal – Petite Suisse luxembourgeoise que d’émettre des propositions en la matière et elles ne manquent pas dans une région qui combine les charmes de la culture aux plaisirs de la nature.
Rencontre avec Sandra Bertholet, gestionnaire, et Marc Diederich, président de l’ORT.

L’ORT Région Mullerthal – Petite Suisse luxembourgeoise a été l’un des deux premiers -avec celui des Ardennes luxembourgeoises- à avoir été fondé, en 2007. Le conseil d’administration de cette association sans but lucratif regroupe quatorze communes ainsi que diverses associations du secteur, dont un pilier de la vie culturelle du Mullerthal, le Trifolion, et l’Entente touristique qui représente les onze syndicats d’initiative de la région. Le ministère du Tourisme, le ministère de la Culture et  l’Office National du Tourisme y sont également impliqués, à titre de membres observateurs.

Etre l’ambassadeur de l’ONT

La création de l’ORT Région Mullerthal avait pour but, comme ses homologues, d’apporter du professionnalisme à l’application de la politique touristique. Une véritable nécessité économique pour Marc Diederich, président de l’ORT et échevin de la ville d’Echternach en charge du tourisme: «Les temps sont rudes pour le tourisme. Nous vivons une crise économique qui se traduit par une baisse de fréquentation et se répercute sur tous les acteurs du secteur. Plutôt que de céder à la panique, le professionnalisme doit dominer nos actions. Nous réagissons donc en analysant les marchés et en élaborant une offre visant à attirer et fidéliser une nouvelle clientèle. Cette professionnalisation est également importante pour les relations avec les autres instances à différents niveaux, ce que la politique ne peut pas gérer», précise-t-il.

Pour Sandra Bertholet, la communication et la présence sur le terrain sont primordiales pour relier les différents acteurs qui travaillent dans le tourisme et établir une collaboration entre eux. «Le client a changé», explique-t-elle, «Il souhaite aujourd’hui avoir plus qu’un lit dans un hôtel avec un petit-déjeuner le matin. Il veut une animation, un divertissement, une proposition de ce qu’il peut faire dans la région, lorsqu’il fait beau ou qu’il pleut, lorsqu’il vient seul, en couple ou avec des enfants. Et, pour répondre à ses besoins, nous devons travailler tous ensemble. C’est selon moi le rôle principal des ORT».

Car le rôle de l’ORT n’est en aucun cas, comme on pourrait le croire, de promouvoir sa région au niveau international. C’est l’ONT qui est chargé de définir, avec le ministère du Tourisme, la stratégie de promotion nationale de la destination ‘Luxembourg’ à l’étranger. Selon Sandra Bertholet, il importe d’abord de «placer le pays sur la carte touristique avant de parler d’une région, d’une ville, ou d’un bâtiment spécifiques. Nous devons accepter qu’au niveau international, cela ne rime à rien de nous mettre en vitrine». En ce sens, 2012 a été une année cruciale, durant laquelle le ministère a accompagné les efforts de communication qui ont été faits pour définir clairement les rôles respectifs de l’office national et des offices régionaux de tourisme auprès des acteurs du secteur, ce qui a porté ces fruits puisque cela a abouti à une meilleure compréhension quant aux attributions des différentes structures. «Bien sûr, nous soutenons l’ONT dans son travail de promotion en étant présents sur les différentes foires, mais pour mettre à l’affiche la destination Luxembourg et, seulement en second lieu, notre région. Dans la Grande Région, où le Luxembourg est connu, nous axons notre communication sur nos offres thématiques. Il est alors très important pour l’ONT d’avoir les collaborateurs des ORT sur place, parce que ce sont eux qui connaissent parfaitement chaque produit sur le terrain», précise Sandra Bertholet.

Outre soutenir l’ORT et élaborer des produits, l’ORT est responsable du divertissement du client. Il organise, avec l’aide d’étudiants mis à disposition par son ministère de tutelle -une quarantaine en saison-, des activités qui vont d’un rally à une randonnée au clair de lune en passant par des ateliers de bricolage, par exemple. En 2012, ce sont plus de 1.600 personnes qui ont profité de ces animations et le nombre de participants ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre.

La guidance fait également partie des missions de l’ORT Mullerthal qui assure la formation d’une vingtaine de guides chargés d’accompagner les personnes individuelles ou les groupes dans leur découverte de la région. Le plus demandé des tours guidés est le ‘Echternach Classic’, qui offre, en 90 minutes, un aperçu exhaustif de toutes les richesses de la ville historique. Les randonnées guidées remportent aussi un franc succès. En 2012, plus de 6.000 personnes ont participé aux visites.

Enfin, l’ORT développe, en collaboration avec les acteurs du secteur touristique, des forfaits appelés, en l’occurrence, ‘Mullerthal Specials’ et des offres spéciales mid-week (arrivée le lundi et départ le vendredi). Dans ce domaine, Sandra Bertholet peut faire valoir une expérience de onze ans chez un grand autocariste et tour opérateur luxembourgeois qui lui permet de conseiller judicieusement les hôteliers sur ce qu’il faut inclure dans ces forfaits et à quel prix ils peuvent les proposer.
 

Collaborer à tous les niveaux

Quant aux synergies avec les ORT des autres régions, elles existent bel et bien. Il n’est en aucun cas question de se tirer dans les pattes, mais bien de s’entraider. A ce propos, Sandra Bertholet cite l’exemple du ‘Mullerthal Family Day’ qui a eu lieu il y a quelques semaines où les collègues de l’ORT Sud sont venus prêter main forte en tenant des stands pendant que les employés et bénévoles de l’ORT Mullerthal étaient occupés à gérer l’organisation de la manifestation. «Nous nous voyons régulièrement, nous échangeons, nous nous soutenons mutuellement et nous faisons surtout de l’échange d’expérience», indique la gestionnaire. Ainsi, l’ORT Région Mullerthal est précurseur dans la création de forfaits, tandis que l’ORT des Ardennes a développé tout un programme d’ateliers créatifs et que l’ORT Sud mène un projet pilote pour créer des interfaces entre le site Internet ‘visitluxembourg.com’ et son propre site pour éviter d’avoir à effectuer deux fois l’encodage des données. Et chacun bénéficie du travail de l’autre.
Cette collaboration est, par ailleurs, un élément-clé de l’harmonisation des actions des différents organismes: «Nous touchons les mêmes subventions étatiques, il est donc très important de mener un travail de qualité égale dans les différentes régions», conclut Sandra Bertholet.

Même optique en ce qui concerne les relations avec ses voisins allemands. Un parc naturel germano-luxembourgeois a été créé dans le cadre d’un projet Interreg cofinancé par l’Union européenne, dont les sentiers ont été inaugurés l’année passée. Des chemins balisés traversent la frontière à plusieurs reprises, grâce à de nouveaux ponts piétons et cyclistes qui enjambent désormais la Sûre qui est la frontière naturelle séparant le Luxembourg de l’Allemagne. Ce produit transfrontalier ‘se vend’ très bien auprès d’un public allemand plutôt habitué à randonner dans l’Eifel habituellement mais aussi auprès des visiteurs chinois, japonais et russes qui sont séduits par l’idée de passer une frontière sans obstacle.
C’est dans le même état d’esprit qu’un projet intitulé ‘Vélo sans frontière’ a été développé d’une part avec l’ORT Moselle et d’autre part avec les collègues de l’Eifel, du Triererland, de Merzig en Allemagne et de Haute-Kontz en France. Il s’agit de l’édition d’une nouvelle carte recensant l’ensemble des pistes cyclables existant sur ce territoire transfrontalier.
Enfin, l’ORT Région Mullerthal est présent sur les grandes foires touristiques, et particulièrement cyclo-touristiques, de la Grande Région et du Benelux, comme celles de Maastricht aux Pays-Bas ou de Friedrichshafen en Allemagne, pour promouvoir ses offres thématiques.

Retrouver la prospérité d’antan

Une des attentes majeures des acteurs du tourisme dans la région vis-à-vis des actions de l’ORT est qu’elles drainent de nouveaux clients car, depuis les années ’80, ils enregistrent un recul de leurs affaires qui se stabilise depuis le début de la décennie. La Petite Suisse est en effet passée de 629.000 nuitées en 1980 à 300.000 en 2011, mais elle a également perdu la moitié de ses hôtels. Sandra Bertholet explique ce phénomène par la situation florissante du marché immobilier au Luxembourg qui incite les familles à vendre leurs locaux au moment où la question de la succession se pose, plutôt que d’y investir des fonds pour maintenir leurs infrastructures au niveau des exigences des clients actuels. Une ‘best practice’, néanmoins, est à retenir. Celle du groupe Hein qui a investi dans l’hôtel Bel-Air, situé entre Echternach et Berdorf, pour remettre la décoration et les infrastructures au goût du jour et engager un animateur. L’hôtel a rouvert ses portes en avril et les chiffres s’annoncent déjà très prometteurs.

Contrairement à ce qui se passe dans l’hôtellerie, un vent de renouveau souffle sur la quinzaine de campings de la région. La tendance est au ‘glamping’: on ne vient plus avec sa tente que l’on doit installer sur la pelouse au retour d’une randonnée, avec tous les inconvénients que cela comporte s’il a plu dans les jours précédents, mais on s’installe, à Berdorf, dans des ‘pods’, chalets en bois d’un genre nouveau pourvus ou non de sanitaires et kitchenettes, ou, à Echternach, dans des kotas nordiques. Ce renouvellement est un élément-clé de l’économie touristique de la région, quand on sait que 60% des personnes qui séjournent dans la région viennent des Pays-Bas et que les Néerlandais sont des adeptes du camping.

Les auberges de jeunesse, avec un prix minimum de 17 euros par personne et par nuitée petit-déjeuner compris, constituent une alternative pour une clientèle jeune au pouvoir d’achat limité, qui est une des cibles de l’ORT. Et, en la matière, les infrastructures sont confortables et récentes: celle d’Echternach, avec son mur d’escalade intérieur et sa situation idéale au bord du lac, n’a que quelques années, tout comme celle de Larochette, et celle de Beaufort rouvrira à la rentrée après une reconstruction complète, pour ne citer que quelques exemples. La centrale des auberges de jeunesse est d’ailleurs membre du conseil d’administration de l’ORT et son représentant en est le vice-président.

Tirer parti de la richesse culturelle…

Que faut-il avoir vu ou fait dans la région Mullerthal? Echternach, bien sûr, qui, avec sa villa romaine, sa basilique Saint-Willibrord fondée au XIe siècle et sa procession dansante vieille de six siècle inscrite depuis 2010 à la liste représentative de l’héritage culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco, est le centre culturel de la Petite Suisse luxembourgeoise et la ville la plus ancienne du Grand-Duché.
Aux environs, les châteaux de Larochette et de Bourglinster, la ruine du château-fort de Beaufort et, depuis Pâques de cette année, le château Renaissance qui a ouvert ses portes au public après le décès de la dernière propriétaire, sont des incontournables pour les amateurs de vieille pierre et d’histoire.

… et des atouts naturels de la région

Côté nature, la Petite Suisse doit son nom et sa réputation aux majestueuses formations rocheuses qui la caractérisent, mais pas seulement. Elle offre aussi des paysages plus ouverts couverts de prairies et de vergers le long de la Sûre dans le sud de la région en descendant vers Mompach et Bech. C’est donc très logiquement que l’ORT dirige ses initiatives vers une clientèle amatrice de nature, qu’il s’agisse de best agers, de familles ou de jeunes couples adeptes d’activités au grand air. «La nature est notre capital», explique Sandra Bertholet.
Le Mullerthal Trail, créé en 2006 et officiellement inauguré en 2008 selon les critères de l’organisme allemand de certification de randonnées, est en passe d’être labellisé ‘Leading Quality Trails – Best of Europe’. Seuls trois circuits européens, en Autriche, en Suède et en Belgique, bénéficient de ce label à ce jour. Les circuits de randonnée s’étendent sur 110 kilomètres au total et se décomposent en trois boucles, à côté desquelles des ‘extra-tours’, ou sentiers auto-pédestres locaux, sont proposés. C’est le produit-phare de la région. Un centre de location de vêtements, chaussures et matériel de randonnée a été créé au Heringer Millen dans la localité de Mullerthal, afin que chacun puisse profiter pleinement des joies de la promenade en forêt.
Le cyclisme est également à l’honneur avec quatre pistes officielles de mountain bike et des pistes cyclables plus praticables le long de la Sûre et vers Luxembourg-Ville, ainsi que l’escalade avec le mur indoor de l’auberge de jeunesse d’Echternach et celui de Wanterbach aux environs de Berdorf, qui est unique au Grand-Duché et s’élève à 10 mètres de hauteur dans les rochers.

Les touristes séjournent sur place en moyenne une à trois nuitées, ce qui leur laisse peu de temps pour découvrir les nombreux attraits de la région, et toute l’équipe de l’ORT met un point d’honneur à ce qu’ils ne s’ennuient jamais: «Nous voulons que, chaque jour, le touriste puisse faire quelque chose: visite des châteaux les mardis et vendredis, visite guidée d’Echternach les samedis, tours en calèche et découverte du travail des chevaux ardennais les mercredis, jeudis et vendredis, tours guidés en VTT les mercredis, vendredis et dimanches et randonnées guidées tous les jeudis matins avec repas…», conclut Sandra Bertholet.

Lire sur le même sujet: