Investissements et interconnexions

Situation géographique stratégique, multilinguisme, stabilité sociale, législation avantageuse et modernité des infrastructures sont autant d’atouts qui placent le Luxembourg dans une position concurrentielle concernant le transit des marchandises et qui lui permettront à terme d’atteindre son objectif de faire de la logistique une de ses futures mannes économiques. Reste à relever le défi d’une répartition plus équilibrée entre les différents modes de transport.
Le point avec Claude Wiseler, ministre du Développement durable et des Infrastructures.

Dès 2005, le gouvernement a fait de la logistique un pilier de son programme de diversification économique. Pourquoi avoir ‘élu’ ce secteur d’activité en particulier? Quelles sont les ambitions du gouvernement en la matière?

La logistique est un secteur, à côté des autres secteurs de diversification comme les biotechnologies ou les technologies de l’information, qui permet de capitaliser sur les atouts du Luxembourg en matière de positionnement géographique et de connectivité, et qui promet la création d’emplois variés.

Pour ce qui est du positionnement géographique, le Luxembourg est idéalement situé au centre d’un marché européen de plus de 500 millions de consommateurs et avec, dans un rayon de 700 kilomètres, plus de 60% du PIB de l’Europe qui est produit. Il est aussi situé à une distance de moins d’une journée de route en camion des principaux ports maritimes du Nord tels Anvers, Zeebrugge, Gent et Rotterdam.  Par ailleurs, il se trouve à côté de l’Allemagne, le premier pays exportateur de l’Europe.  

Pour ce qui est de la connectivité, le Luxembourg dispose d’infrastructures de qualité en ce qui concerne le transport par rail, par route et par voie de navigation intérieure. Les principales artères de transport sont couvertes par le réseau RTE-T (réseau de transport transeuropéen (RTE-T) qui est un programme européen de développement des infrastructures de transport ayant pour ambition de faciliter le développement des échanges, en particulier par l'interopérabilité complète des différents réseaux.

Justement en ce qui concerne l’intermodalité, le Luxembourg dispose de plateformes d’échanges multimodales portuaires, aéroportuaires et rail/route se situant respectivement à Mertert, Findel et Bettembourg, qui ont su développer une renommée internationale et acquérir des clients importants tout au long des dernières décennies.

Le gouvernement par la création d’un cadre légal et réglementaire approprié entend  favoriser le développement d’activités à valeur ajoutée qui se greffent sur ces activités de transport et de transbordement de marchandises.
Dans ce sens, le développement de niches, comme le pharma & healthcare center qui a ouvert ses portes il y a peu au Findel, ou encore avec le freeport qui doit entrer en service fin 2014, fait partie de la stratégie multiproduits suivie en la matière.

Quels sont les enjeux du développement de la logistique pour la compétitivité des entreprises locales et, plus largement, de l’économie luxembourgeoise?

L’enjeu et le défi pour les entreprises et pour l’économie en général est de s’impliquer activement dans ce secteur, qui est mondial par nature, mais qui a un potentiel de croissance important dans les années à venir.

D’abord, le développement d’un réseau de distribution performant permet aux entreprises qui produisent au Luxembourg et dans la Grande Région, de distribuer mieux et plus loin leurs produits, améliorant de la sorte leur compétitivité. Ensuite, l’existence d’un réseau dense et efficace avec des liaisons fréquentes est un critère important lorsqu’une entreprise choisit un endroit pour s’implanter.

Cependant, le développement du secteur de la logistique exige aussi que le tissu industriel local s’adapte à ce secteur, en  innovant par le développement de services et de produits qui permettent d’activer le potentiel de la quantité énorme de marchandises qui transitent quotidiennement via les hubs luxembourgeois. Ainsi, pour ne nommer que ceux-ci, les entreprises peuvent s’engager dans l’offre de produits et de services d’emballage, de conditionnement, de pré ou de post achèvement qui sont des activités connexes au secteur de la logistique.

De quels atouts le pays peut-il jouer pour renforcer son positionnement en tant que plateforme d’acheminement attractive en Europe ?

Non seulement le Luxembourg dispose d’un aéroport de fret des plus importants en Europe avec des connexions vers tous les continents et d’une plateforme multimodale moderne offrant des dessertes efficaces sur les axes nord-sud et ouest-est vers les principaux ports maritimes, y inclus vers la Turquie, mais il dispose aussi d’un cadre légal et réglementaire favorable avec notamment l’absence de préfinancement de la TVA pour les produits importés dans l’Union européenne qui transitent vers un autre pays.

Le Luxembourg bénéficie aussi de l’avantage d’une stabilité sociale hors pair, alors que toute interruption de trafic peut entraîner une rupture de stocks ou de production qui peut engendrer à son tour des pertes importantes pour les clients.

Puis, le Luxembourg a une main d’œuvre multilingue ce qui constitue un avantage pour les clients dont certains préfèrent avoir un interlocuteur qui maîtrise leur propre langue, surtout lorsqu’un problème intervient dans la chaîne logistique et qu’il s’agit de réagir vite.

Finalement le Luxembourg a su intégrer intelligemment différentes législations, comme celle en matière de certification douanière et de sûreté, ce qui entraîne un avantage compétitif.

Le volume des marchandises transportées ne cesse de croître avec la mondialisation de la production et la cadence de s’accélérer avec l’évolution des comportements de consommation. Quels sont les investissements qui ont été faits ces dernières années par le ministère pour rendre les infrastructures plus performantes? Et quels sont ceux qui sont prévus à terme?

Le ministère du Développement durable et des Infrastructures est chargé de la mise à disposition des infrastructures publiques et des investissements dans les infrastructures d’intérêt public, à côté des acteurs privés.

Dans ce sens, des investissements considérables ont été réalisés et continueront d’être réalisés dans le réseau routier. Les principaux investissements à cet égard, qui bénéficient au secteur de la logistique, sont les investissements dans les autoroutes, où la mise partielle à deux fois trois voies de l’A3/A6 est prévue, ainsi que le prolongement de la Saarautobahn avec la suppression du by-pass de Hellange désengorgeant cette zone située proche de l’Eurohub Sud. La finalisation des travaux en cours sur l’autoroute du Nord devront également profiter au secteur de la logistique tout comme la finalisation de la liaison Micheville qui viendra en continuité de l’autoroute A4.

Dans le secteur ferroviaire, après le doublement de la voie Luxembourg-Pétange, mise en service en décembre 2012, la réalisation du viaduc de Pulvermühle et le doublement de la voie ferrée afférente via Sandweiler sont en cours de réalisation et devront compléter nos connexions avec les pays voisins. A cela s’ajoute le projet sur la ligne de Kleinbettingen ainsi que la mise à deux fois deux voies de la ligne de Bettembourg.

A l’aéroport, après la finalisation de la tour radar en 2007 et l’aménagement des taxiways pour pouvoir accueillir le nouvel aéronef 747-8 de Boeing, Luxair, Cargolux et lux-Airport ont pris le relais en investissant dans leurs infrastructures respectives.

Les travaux d’aménagement et d’assainissement du Höhenhof sont encore en cours. Avec leur finalisation, les capacités d’accueil de l’aéroport pour aéronefs de fret seront encore améliorées dans le futur.

Finalement, pour ce qui est du terminal rail/route à Bettembourg, des investissements pour un total de 215 millions d’euros sont prévus dans les années à venir.

Un premier projet de loi couvrant les travaux préparatoires ainsi que les infrastructures fixes de l'autoroute ferroviaire et du terminal pour transports combinés pour un coût estimé à 182 millions d'euros a été déposé à la Chambre des députés en début d’année. En fin d’année, un deuxième projet de loi pour faire réaliser des travaux de l’ordre de 28 millions d'euros couvrant les équipements techniques ainsi que le bâtiment administratif est prévu. Le cas échéant, la réalisation d'un dispositif de stockage de conteneurs intelligent est à prévoir plus tard. Les travaux afférents pourront probablement encore être entamés cette année.

Par ‘nécessité environnementale’, l’objectif poursuivi par la Commission européenne est que cette croissance du trafic passe de préférence par le rail et les voies navigables. Quels sont les projets qui vont dans le sens d’une interconnexion efficace des différents modes de transport?

L’objectif du report modal de la route vers les modes de transport qui causent moins de nuisances sonores, moins de pollution et moins de congestion est un choix politique qui découle d’une nécessité environnementale mais aussi économique. En effet, la dépendance de l’Europe du pétrole est forte et son prix élevé constitue un frein au développement favorable de nos économies. Le gouvernement luxembourgeois souscrit cette politique en poursuivant la modernisation et l’agrandissement de ses infrastructures multimodales.

Ainsi, l’autoroute ferroviaire verra un triplement de sa capacité de traitement de conteneurs sur la route vers le Boulou, au sud de la France, permettant d’effectuer plus de mille kilomètres de trajet sur le rail. En même temps les capacités d’accueil de semi-remorques passeront de 45.000 à 300.000 unités. Les investissements importants dans la plateforme multimodale rail/route combinés avec l’investissement réalisé dans la zone logistique adjacente permettront de créer à terme une zone interconnectée de plus de 150 hectares favorable au report modal de la route vers le rail.

La volonté d’interconnecter les deux sites adjacents requerra des investissements considérables au début, mais permettra ensuite de mettre au profit des usagers les infrastructures communes ainsi que de gérer les trafics intrasite de manière la plus efficace possible. Cette interconnexion du site ainsi que la réalisation prévue d’une nouvelle voie d’accès au terminal rail-route à partir de l’autoroute permettra d’opérer le report modal de la manière la plus efficace possible pour les usagers et les riverains.

L’interconnexion du site du Port de Mertert a été réalisée par l’aménagement d‘un nouvel accès et par l’extension et la modernisation du réseau ferré. Parmi les projets qui restent à l’égard de l’interconnexion avec la voie fluviale, il m’appartient de mentionner l’extension du quai sud qui devra permettre d’attraire des flux supplémentaires venant par la voie fluviale.

Au niveau européen, l’interconnexion entre les systèmes de transport intelligents des différents modes de transport est certainement un domaine qui requiert une attention particulière dans le futur.

Au niveau national, l’interconnexion entre les systèmes informatiques des gestionnaires de plateformes et les clients (entreprises de transports) et la réalisation projetée du Single Windows for Logistics, en tant que guichet unique administratif, sont des projets importants susceptibles d’améliorer les flux intermodaux et j’encourage les différents acteurs concernés à continuer leurs projets à cet égard.

 

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