«Nous sommes un lobbyiste officiel»

A l’occasion des dix ans de présence de Pierre Gramegna au poste de directeur général à la Chambre de commerce du Luxembourg, poumon économique du pays, LG Magazine a souhaité revenir sur le rôle et les missions qui incombent à cet établissement public, souvent méconnus du grand public. Interview de Pierre Gramegna.

Monsieur Gramegna, le grand public connaît bien l’existence de la Chambre de commerce, mais peu de gens semblent en revanche précisément savoir quelles missions sont les siennes…

Effectivement, le grand public n’est pas véritablement au fait du rôle et des missions qui nous incombent. Tout d’abord, il faut savoir que le rôle et les missions de la Chambre de Commerce ont été réorganisés par une loi de 2010, laquelle a précisé et modernisé ces missions.
Ce qui est souvent méconnu, c’est que la Chambre de Commerce intervient dans la procédure législative du pays. Pour chaque  projet de loi ou de règlement grand-ducal susceptible d’avoir un impact tant sur nos entreprises membres que sur l’économie en général, le gouvernement doit demander notre avis, même si celui-ci n’est que consultatif. Ce sont ainsi pas moins de 150 avis que nous rendons tous les ans et à travers desquels nous voulons articuler et sauvegarder l’intérêt économique général. Dès lors, nous pouvons aisément affirmer que nous sommes un lobbyiste officiel.

En revanche, le rôle qui consiste à promouvoir les relations économiques et commerciales avec l’étranger et à attirer les investisseurs étrangers dans le pays est plus largement connu. Ce travail est réalisé à travers des actions concrètes (missions économiques, stands collectifs, activités de matchmaking, visites accompagnées, séminaires-pays, journées d’opportunités d’affaires, …)  en collaboration avec un vaste réseau de partenaires publics ou privés, aux niveaux national, régional et international, ou en régie propre. A noter que la Chambre de Commerce est membre fondateur des agences de promotion «Luxembourg for Business» et «Luxembourg for Finance». Je profite de la tenue des ‘Greater Region Business Days’ à Luxexpo ce mois-ci, foire B2B de la Grande Région, pour souligner que nous sommes donc également organisateurs d’événements.

 

Outre les avis consultatifs que vous devez rendre, qu’en est-il du reste en matière de «réflexion économique» ?

La Chambre de Commerce revêt incontestablement une fonction de ‘think tank’, dans la mesure où elle organise des conférences et promeut le débat public – à l’instar de l’initiative «2030.lu – Ambition pour le futur», un outil de participation citoyenne sur l’avenir du Luxembourg.
Elle possède également un «espace entreprises», une cellule destinée à tous ceux qui cherchent de l’aide au niveau des procédures administratives auxquelles ils sont confrontés. La promotion de l’esprit d’entreprise de la création et du développement des entreprises est une mission cardinale de la Chambre de Commerce.
Rappelons que la Chambre de Commerce, ce sont 50.000 membres issus de tous les secteurs, à l’exception de l’artisanat et du secteur primaire.
 

La ‘Luxembourg School for Commerce’ fait également partie de vos attributions…

En effet. La ‘Luxembourg School for Commerce’ est l’organisme de formation de la Chambre de commerce. Créée il y a maintenant quatre ans, elle propose à la fois de la formation initiale et de la formation professionnelle continue. Depuis peu, elle offre même des formations universitaires, grâce à notre partenariat avec l’Université de Luxembourg. La LSC est entre-temps devenue le plus grand pourvoyeur de formations au Grand-Duché. Agir pour un système d’enseignement et une offre de formation adaptée aux besoins des entreprises ; tel est notre leitmotiv en faveur duquel nous œuvrons.

 

Les missions ont donc sensiblement évolué…

Oui, elles ont ostensiblement évolué, à commercer, comme je l’évoquais, avec la création de la ‘Luxembourg School for Commerce’. Ensuite, nous avons beaucoup œuvré au développement du pilier ‘think tank’, entre autres en publiant les bulletins d’informations ‘Actualité & Tendances’, destinés tant aux professionnels qu’au grand public ou encore aux pouvoirs publics, et en organisant davantage de conférences et d’ateliers de travail. Nous avons estimé qu’il était important pour nous d’être plus présents dans le débat intellectuel sur l’avenir du pays, afin de le positionner au mieux sur l’échiquier international, au regard de ses spécificités, notamment la grande ouverture de son économie. L’Information du public et l’animation du débat en tant que partenaire et porte-parole indépendant de l’économie du marché est donc une autre mission fondamentale de la Chambre de Commerce.
 

La Chambre de Commerce rend des avis, comme vous nous l’avez expliqué. Quels sont ceux qui ont fait l’objet d’une attention particulière ?

Des 150 avis que nous rendons annuellement, celui qui retient le plus d’attention de notre part est incontestablement l’avis consacré au budget de l’Etat. Notre position sur le sujet est très circonstanciée. Cela fait effectivement près de huit ans déjà que nous attirons l’attention du gouvernement sur un double constat. D’une part, le Luxembourg affiche une baisse continuelle de ses recettes, d’autre part, il accuse une augmentation de sa dépense publique à un rythme plus important que celle de l’ensemble des recettes qu’il engrange. Hélas, nos craintes se sont avérées être fondées, cet effet ciseau ayant même été accentué par la crise économique et financière.
Aussi, il manque à l’heure actuelle un milliard d’euros par an dans les caisses de l’Etat, montant qui devrait se creuser encore avec le manque à gagner à venir dans le domaine du commerce électronique (cf. interview de Carlo Thelen dans la présente édition, pp. 24-25).
Dans ce contexte, j’aimerais signaler qu’il n’est pas dans nos habitudes de critiquer mais bien d’essayer de faire des propositions alternatives, en l’occurrence au niveau d’éventuelles réformes sur le budget, pour réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat.
 

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