Le secteur financier a encore des cartes à jouer

Sorte de majordome des temps modernes, le Family Office coordonne les différents professionnels qui gravitent autour d’une clientèle de familles fortunées en demande de liberté. La Luxembourg Association of Family Offices regroupe une vingtaine de membres qui oeuvrent ensemble à la promotion de leur activité. La loi de décembre 2012 devrait leur offrir un argument supplémentaire pour faire du Family Office une corde supplémentaire à l’arc de la place financière luxembourgeoise. Serge Krancenblum, vice-président de la LAFO, répond à nos questions à ce sujet.

 

Pourquoi le Luxembourg a-t-il décidé de réguler l’activité de Family Office?

Il faut savoir que le Luxembourg est le premier pays à légiférer sur cette question. Deux autres l’ont fait avant lui, mais pour des raisons et dans des domaines totalement différents. Il s’agit d’une part, des Etats-Unis dont le but était de distinguer les gérants de fortune qui ne travaillaient que pour le compte d’une seule famille de ceux qui travaillaient pour le marché général et, d’autre part, Doubaï qui l’a plutôt fait dans le domaine des investissements.

Au Luxembourg, l’objectif est de s’assurer que ces professionnels du Family Office se soumettent à un certain nombre de critères, notamment en termes d’anti-blanchiment. Cela commence par le fait de passer un contrat écrit, ce qui permet de garantir la transparence des rémunérations. Il n’y a rien de pire que les gens qui crient haut et fort qu’ils font tout gratuitement et, en définitive, perçoivent des rétrocessions de la part des prestataires avec lesquels ils collaborent, privilégiant donc ceux qui les paient le mieux plutôt que ceux qui fournissent le meilleur travail pour la famille concernée.
Le point le plus important, à mon sens, est le fait que cette loi permettra aux Family Offices d’être persona grata auprès des grands établissements bancaires qui, je pense, n’accepteront plus, dans le futur, de travailler avec des professionnels non réglementés.

 

Que va apporter la nouvelle législation au pays en tant que Place financière?

C’est une belle histoire supplémentaire à raconter par rapport au Luxembourg, qui est souvent précurseur quant aux métiers de la finance. Le Luxembourg veut à nouveau montrer qu’il est un pays qui attire les grandes fortunes, que ce soit les personnes physiques elles-mêmes ou leurs véhicules financiers. Le Luxembourg a travaillé pendant des années avec une clientèle de taille moyenne par rapport à d’autres pays comme la Suisse. Grâce à cette nouvelle législation entre autres, il figure enfin sur la carte en matière de Family Office et sera en mesure d’attirer des fortunes plus importantes qui ont besoin de solutions sophistiquées.
Cette réglementation devrait avoir des répercussions sur tous les acteurs de la place luxembourgeoise, y compris pour SGG (ndlr: dont Serge Krancenblum est CEO) qui est un prestataire de services pour les Family Office, et non un Family Office à proprement parler.

 

Est-ce qu’on recense des grandes fortunes au Luxembourg ou bien vise-t-on plutôt les fortunes étrangères?

Nous n’avons pas d’étalon pour estimer la richesse, puisqu’il n’y a plus d’impôt sur la fortune depuis 2006, mais on sait qu’il existe un ou deux Family Office qui pèsent plusieurs milliards d’euros au Luxembourg. Il y a, par ailleurs, quelques familles luxembourgeoises importantes, d’autres, qui sont des familles étrangères fortunées, sont installées au Grand-Duché, certaines y ont placé la totalité de leurs véhicules faîtiers et gèrent l’intégralité de leur fortune mobilière, immobilière et autres, à partir d’une structure luxembourgeoise…

 

Cette loi ne risque-t-elle pas de signer l’arrêt de mort des plus petits Family Offices?

La personne seule qui exerce cette activité, à moins de le faire dans le cadre d’un ordre professionnel, en tant qu’avocat, expert comptable ou réviseur par exemple, doit s’enregistrer en tant que PSF auprès de la CSSF si elle supervise des produits financiers. Elle doit pour cela disposer d’un capital de 50.000 euros et mettre en place un certain nombre d’audits et de procédures, ce qui est difficilement soutenable pour une personne seule. Il devra sans doute y avoir des regroupements, comme c’est le cas dans le secteur financier d’une manière générale, et ce, dans l’intérêt du client. Le législateur est là avant tout pour protéger le marché. Cette loi assure une continuité aux familles, qui ne pourront plus se retrouver entre les mains d’une personne qui, même si elle est la plus honnête et la plus compétente possible, est susceptible de disparaître du jour au lendemain, laissant ses clients dans une situation ingérable.

 

Le mot de la fin…

Nous devons faire la promotion de cette loi comme nous avons fait celle des fonds d’investissement ou de l’activité de banque privée à l’international. Nous devons faire savoir aux places financières des pays que nous visitons dans le cadre de Luxembourg for Finance ou de diverses missions économiques qu’elle existe. Je crois que le Family Office deviendra un pilier important à l’avenir. Il est prévu que nous organisions prochainement un événement pour célébrer le vote de cette loi avec le ministre des Finances, ainsi qu’une journée internationale du Family Office à Luxembourg.  

Propos recueillis par MT

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