La nouvelle loi sur les Family Offices ou comment rendre la Place financière plus attractive
Lors de l’ouverture de l’édition 2013 du Banking Day, le ministre des Finances, Luc Frieden, a posé le constat que la Place financière entrait dans une ère d’une plus grande régulation de ses activités. Pour rebondir dans ce contexte plus réglementé, le Grand-Duché veut miser sur sa capacité d’adaptation et de réactivité afin de faire de la régulation un nouvel atout. Le fait de réglementer l’activité des Family Offices s’inscrit dans cette perspective, l’objectif étant, selon le Ministre, de créer “un label de qualité et de mettre en place un cadre qui permette d’attirer les investisseurs étrangers”.
Initialement, le concept de Family Office visait des structures ad hoc mises en place par des familles fortunées afin de contrôler elles-mêmes certains aspects de la gestion de leur patrimoine. Peu de familles remplissent toutefois les conditions pour justifier de la création d’une structure qui leur soit propre, ce qui amène dès lors nombre de familles à confier la gestion de leurs affaires à une équipe de spécialistes, externe à la famille, offrant toute une palette de services plus ou moins développés que l’on a coutume de désigner sous l’appellation commune de Family Office.
C’est pour donner à cette activité une meilleure lisibilité sur le plan international, et pour promouvoir la capacité de la Place financière à offrir ce type de services que la loi du 21 décembre 2012 relative à l’activité de Family Office a été adoptée.
S’inscrivant dans les efforts législatifs déployés au cours de ces dernières années en vue de renforcer l’attractivité et l’intégrité du secteur financier, la nouvelle loi permet au Luxembourg de se démarquer en étant le premier pays d’Europe à réglementer spécifiquement l’activité des Family Office et en réservant à un groupe de prestataires bien identifié le droit d’utiliser l’appellation ‘Family Office’. La réglementation de cette activité doit ainsi donner à cette dernière un avantage compétitif dans le sens où les prestataires qui proposeront des conseils et des services de nature patrimoniale à des familles, seront, par l’effet de la loi, automatiquement soumis à une série d’obligations certainement rassurantes pour la clientèle fortunée, dont notamment l’obligation au secret professionnel et l’obligation de mettre en œuvre un mode de rémunération totalement transparent.
Désormais, l’activité exercée par une structure qui portera la dénomination ‘Family Office’ devra obligatoirement s’inscrire dans le cadre de la définition qu’en donne l’article 1 de la loi qui énonce que “l’activité de Family office consiste à fournir, à titre professionnel, des conseils ou des services de nature patrimoniale à des personnes physiques, à des familles ou à des entités patrimoniales appartenant à des personnes physiques ou à des familles ou dont elles sont fondatrices ou bénéficiaires”. Il résulte tout d’abord de cette définition que la loi réserve la dénomination ‘Family Office’ aux seuls prestataires externes qui offrent leurs services à plusieurs familles, ce qui exclut de facto les structures créées par une famille dans l’intérêt exclusif de cette seule famille.
La loi précise en outre que l’activité du prestataire devra consister à offrir des services et des conseils “de nature patrimoniale”, ce qui suppose une activité ayant un impact sur l’administration du patrimoine des familles et que cette administration ait pour partie au moins une composante financière. Sont de ce fait exclus du champ d’application de la loi, les services ou conseils (1) qui n’ont aucun impact, voire un impact marginal, sur le patrimoine des familles, tels que les services de conciergerie, les services de relocation, la recherche de personnel, les services liés à l’éducation ou à la formation des membres de la famille et/ou qui ne portent pas du tout sur un actif financier comme, par exemple, la gestion d’un ou de plusieurs immeubles, la gestion d’un parc d’automobiles, la gestion d’un yacht ou d’une collection d’art. Les prestataires offrant des services de ce type –par nature exclus du périmètre d’application de la loi- n’auront donc plus le droit d’utiliser la dénomination ‘Family Office’ pour désigner leur activité.
Les prestataires souhaitant exercer l’activité de Family Office doivent en principe s’adresser à la Commission de Surveillance du Secteur Financier pour obtenir un agrément. L’obtention de cet agrément est soumis notamment à des conditions de capacité financière, la loi précisant à ce sujet que “l’agrément pour l’activité de Family Office ne peut être accordé qu’à des personnes morales. Il est subordonné à la justification d’un capital social d’une valeur de 50.000 euro au moins”.
À côté des prestataires qui devront solliciter une autorisation spécifique pour exercer l’activité de Family Office, l’on retrouve également des professionnels déjà réglementés par ailleurs et qui, de par leur activité, sont déjà actifs dans le domaine de la structuration de patrimoine, la planification successorale, et l’organisation juridique et fiscale des patrimoines. Ces professionnels vont ainsi pouvoir exercer l’activité de Family Office sans autorisation spécifique de la Commission de Surveillance du Secteur Financier. Sont concernés les établissements de crédit, les conseillers en investissement, les gérants de fortune, les Professionnels du Secteur Financier spécialisés agréés comme domiciliataires de sociétés, les Professionnels du Secteur Financier spécialisés agréés comme professionnels effectuant des services de constitution ou de gestion de sociétés, les avocats à la Cour, les notaires, les réviseurs d’entreprises et réviseurs d’entreprises agréés, et les experts-comptables.
La création de ce label va certainement dans la bonne direction, mais devra être renforcé par des mesures légales et fiscales permettant le développement de structures recherchées par les familles fortunées, notamment dans le domaine de la philanthropie.
Maître Michel Schwartz
Avocat à la Cour
michel.schwartz@schwartz-legal.lu
(1) Loi du 21 décembre 2012 relative à l’activité de Family Office, Mémorial A n°274.