Goodbye Mister Président

Evoqué pour la première fois par Jyrki Katainen, celui-là même qui était présenté comme le candidat idéal l’été dernier, Jeroen Dijsselbloem a pris, le 21 janvier dernier, la présidence de l’Eurogroupe laissée vacante par Jean-Claude Juncker. En effet, après huit ans de mandats à la tête du forum, notre Premier ministre a décidé de passer le flambeau.

 

Pour beaucoup, le départ de Jean-Claude Juncker, premier et, jusqu’à présent, unique président de l’Eurogroupe, s’apparente à la fin d’une ère.

Entré en 2005, au moment de sa création, Jean-Claude Juncker a exécuté trois mandats de deux ans et un de deux ans et demi à la présidence de ce forum réunissant l’ensemble des ministres des Finances de la zone euro. Malgré le “softpower“ qui est attribué au président de l’Eurogroupe que l’on considère sans pouvoir réel, personne ne nie la capacité qu’a eu Jean-Claude Juncker à maintenir debout la zone euro pendant les deux crises majeures qui l’ont secouée. L’exemple le plus récent étant celle de la remise en question de l’appartenance de la Grèce que, malgré certaines médisances, il a su gérer avec brio. «Alors que d’aucuns pensaient, il y a un an, que la zone euro éclaterait, il faut constater qu’elle est toujours en vie et que la Grèce en est toujours membre», conclut simplement l’homme qui fut le visage de l’Eurogroupe pendant huit ans.

L’an dernier, Jean-Claude Juncker a soufflé ses 30 ans de carrière politique, un anniversaire marqué par son renouvellement à la tête de l’Eurogroupe en juillet, alors que celui-ci avait déclaré ne pas être candidat à sa succession. La France et l’Allemagne n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur un nouveau président idéal, il fut demandé à Jean-Claude Juncker de rester pour quelques mois supplémentaires. Ce dernier accepta tout en assurant que, s’il était revenu sur sa décision en juillet 2012, celle-ci serait «irrévocable» en janvier 2013.

Aujourd’hui âgé de 58 ans, celui qui ne se considère toujours pas comme un «politicien professionnel» a présidé pour la dernière fois la réunion des ministres à la fin du mois de janvier avant de laisser les rênes à Joeren Dijsselbloem. Un soulagement pour cet européen convaincu qui commençait à montrer quelques signes de fatigue et de lassitude, conséquence d’une carrière politique chargée, d’une défaite un peu amère face au belge Herman Von Rompuy dans la course à la présidence de l’UE et d’une coalition France-Allemagne très forte qui jouait parfois contre lui. Au moment de se lever du fauteuil de président, s’il avoue éprouver un peu de «mélancolie», Jean-Claude Juncker se dit surtout soulagé et n’émet qu’un seul regret: ne pas avoir pu, «alors qu’il aurait fallu mettre en place un système bien articulé de coordination des politiques économiques». Une envie de «coordination des politiques économiques» qui semble cependant «déjà mieux ancrée» aujourd’hui «suite aux premières leçons qu’on a dû tirer de la crise», selon ce diplomate hors pair.

Celui qui a su convaincre la France et l’Allemagne

Fin diplomate, c’est aussi ainsi qu’est qualifié Joeren Dijsselbloem, son successeur.

Elu à l’unanimité sauf abstention de l’Espagne, à la fin de la réunion du 21 janvier dernier, l’arrivée de ce Néerlandais de 46 ans, tout juste nommé ministre des Finances dans son pays, a pris de court sans pour autant étonner. Considéré comme un «bon candidat» par Jean-Claude Juncker lui-même, il est issu du gouvernement travailliste d’un des pays fondateur de l’UE et dont la dette dispose encore du triple A, détail non négligeable.

Evoqué pour la première fois par Jyrki Katainen, ministre des Finances finlandais, alors que ce dernier avait été cité comme le candidat idéal il y a moins d’un an, les langues se délient peu à peu au sujet de Joeren Dijsselbloem, permettant ainsi de dresser un portrait de cet homme, peu connu jusqu’alors.

Apparemment davantage abonné aux seconds rôles, Joeren Dijsselbloem compte moins de trois mois d’expérience en tant que préposé aux finances au moment de présenter sa candidature comme successeur de Jean-Claude Juncker, pourtant il a même su convaincre la France et l’Allemagne, dont le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, estime qu’il «devrait être un bon chef de l’Eurogroupe», c’est tout dire.

Présenté comme un «stratège époustouflant» par la presse néerlandaise, les voix d’amis ou d’actuels et anciens collègues s’élèvent pour rendre justice à celui qui pourrait paraître «ennuyeux et austère» en le décrivant comme «un homme très sympathique dans le privé».
Côté professionnel, Joeren Dijsselbloem, ancien étudiant en économie agricole, est reconnu comme un médiateur d’exception, une qualité plus que nécessaire pour remplir la tâche qui l’attend désormais.

Défendeur de l’équilibre budgétaire et des mesures d’austérité, lui-même décrit son travail au ministère des Finances comme celui d’un «Père Noël à l’envers» devant «s’assurer qu’aucun cadeau ne soit distribué et que chacun paie son dû en temps et en heure». Il a prévu, pour son premier mandat à la présidence de l’Eurogroupe, de «promouvoir une approche équilibrée, en reconnaissant qu’il faut à la fois de la discipline et de la solidarité». FC
 

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