«Le DSP regroupera les données médicales et les autres informations relatives à la santé du patient»

Créée en 2010, l’Agence eSanté, installée au sein de la CNS à Hollerich, a officiellement pris ses fonctions en mars 2012. Parmi les nombreuses missions qui lui sont confiées par le gouvernement, deux sont traitées en priorité par la petite équipe de l’agence: la mise en place du Dossier de Soins Partagé, ainsi que la rédaction d’un Schéma Directeur des Systèmes d’Information de santé. Détails et présentation avec Hervé Barge, directeur général.

 

Tout d’abord, pouvez-vous présenter l’Agence eSanté, dont vous êtes le directeur général.

L’Agence eSanté a été créée par la loi de décembre 2010, suite à la mise en place, par le gouvernement luxembourgeois, du programme “eSanté“ en 2006.

Opérationelle depuis septembre dernier, cinq personnes sont aujourd’hui à pied d’œuvre pour remplir les différentes missions de l’agence qui prévoit le développement et le déploiement d’une plateforme de services pour un partage et un échange de données médicales, la définition d’une politique interne de gestion et de traitement des données, ainsi que de développement de solutions pour assurer la confidentialité et la sécurité des données hebergées sur cette plateforme.

 

Plus concrètement, quelles sont les missions de l’Agence eSanté?

Nos deux missions prioritaires sont la mise en place de cette plateforme d’échange et de partage de données de santé dont, le Dossier de Soins Partagé luxembourgeois (ndlr: DSP) fait partie intégrante, ainsi que l’écriture d’un schéma directeur des systèmes d’information de santé nationale, c’est à dire, comment nous allons faire les choses, les axes prioritaires et ce vers quoi nous allons tendre tout en tenant compte de la situation actuelle du système d’information. Etabli sur trois ans, ce schéma directeur nous permet de nous projeter et de nous faire une idée de là où nous voulons en être d’ici 2016.

Cependant, mettre en place ne suffit pas, c’est pourquoi il nous incombe aussi de promouvoir l’intéropérabilité et la sécurité de ces systèmes d’informations, de conseiller les autorités de tutelle en matière des choix stratégiques des systèmes d’information de santé, et, enfin, d’informer les patients sur les modalités opérationnelles et les mesures de sécurité en rapport avec le DSP et la plateforme électronique que nous allons créer.

 

Vous avez cité le Dossier de Soins Partagé. Qu’entendez-vous par là?

Intégré à la plateforme numérique que nous souhaitons mettre en place, le DSP regroupera les données médicales et les autres informations relatives à la santé du patient jugées utiles et pertinentes pour une bonne prise en charge coordonnée.

Il s’agit d’un dossier numérique regroupant les données médicales d’un patient comme les antécédents médicaux, les traitements précédents et actuels, les allergies ou encore, les antécédents familiaux. L’idéal étant de pouvoir retracer le “parcours médical“ de l’individu, de son premier passage chez le pédiatre jusqu’à celui chez un gérontologue, en passant par tous les autres spécialistes qu’il aura pu rencontrer au cours de sa vie, kinésithérapeute, médecin généraliste, cardiologue, ophtalmologue, etc.
Au final, le but est, qu’au moment de sa prise en charge, que ce soit dans un service spécialisé ou dans un service d’urgence, le médecin puisse avoir rapidement accès à un dossier complet et clair qui lui permettra d’analyser la situation et de poser au mieux son diagnostique.

 

Le patient aura-t-il également accès à ce dossier ou sera-t-il uniquement réservé aux professionnels de santé?

Bien sûr! Chaque patient doit pouvoir avoir le droit d’accéder à son dossier, ainsi que celui de savoir quelles autres personnes qui y ont eu accès.
 
Cependant, c’est une des questions auxquelles nous réflechissons avec sérieux car il peut être écrit dans un dossier des éléments que le patient pourrait mal interpréter, par exemple, et qui pourraient l’affoler. Il faut également envisager le cas d’un patient ne souhaitant pas connaître son diagnostique.

Toutes ces particularités sont à prendre en compte dans la mise en place de cette plateforme et du DSP en particularité, tout comme la coopération des professionnels de santé qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne parlent pas toujours le même langage et ne sont pas équipés de la même manière. Notre travail d’interopérabilité se trouve justement là: faire en sorte que la plateforme puisse être utilisée par tous.

 

Quand la plateforme et le DSP devraient-ils voir le jour?

Nous sommes actuellement, avec l’aide de professionnels de santé de tous domaines, en cours de rédaction d’un référentiel qui permettrait à tous les médecins de pouvoir se comprendre à la lecture du DSP, car, comme je l’ai dit, toutes les spécialités sont différentes et font appel à un vocabulaire distinct.

Par ailleurs, nous avons lancé un appel d’offre pour choisir l’industriel qui participera à ce projet. Nous comptons organiser un consortium en juillet qui permettra de répondre aux besoins des usagers et professionnels de santé.

Nous avons donc bon espoir que la plateforme soit mise en exploitation pour la rentrée 2013.

 

Quels sont les plus grands défis et difficultés que posent cette mise en place?

Comme signalé précédemment, tous les domaines de la santé diffèrent les uns des autres selon leurs manières de travailler, leurs vocabulaires, les outils qu’ils utilisent. Le plus compliqué sera sûrement de trouver une base de référencement compréhensible par tous.
J’aime à comparer ce travail à celui d’un orchestre. Tous les instruments doivent s’unir pour jouer une même mélodie alors que chaque musicien a une partition propre à son instrument. Et même si les instruments sont de la même famille, les instruments à cordes, par exemple, les partitions seront différentes selon s’il s’agit d’un violon ou d’un violoncelle avec ses clefs différentes. Il en va de même pour notre travail qui s’apparente ainsi à celui d’un chef d’orchestre: faire en sorte que tous les instruments de la santé s’accordent pour une harmonie parfaite.

En outre, il ne faut pas non plus négliger la position du Luxembourg, pays multiculturel et surtout multilingue.
Pour le moment, le DSP sera en français, puis, dans un second temps, en allemand. Mais là encore, nous ne pourrons pas en rester là et nous envisagerons sûrement d’essayer de proposer des moyens de traduction. De plus, nous espérons sincèrement pouvoir, à terme, garantir l’intéropérabilité de notre système avec ceux des autres pays européens, c’est-à-dire exporter notre idée hors des frontières pour que les ressortissants puissent être aussi bien suivis une fois de retour dans leurs pays d’origine. FC

 

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