Parce qu’un patient est avant tout un être humain
Depuis 1999, l’assurance dépendance instaure une prise en charge mathématique qui calcule la pratique des soins à domicile en “minutage“. En proposant ce genre de catalogue de soins très mécanique, cette approche, par ailleurs vivement critiquée, occulte la dimension humaine pourtant nécessaire lors d’actes médicaux.
Cependant, depuis 2009, le réseau HELP relève le défi d’apporter un peu d’humain dans le court laps de temps imparti par soins en appliquant la méthodologie de l’humanitude. Explications de Michel Simonis, directeur santé de la Croix-Rouge et administrateur chez HELP.
Pouvez-vous définir le concept d’humanitude?
Il s’agit d’une philosophie de soins développée par Yves Geneste et Rosette Marescotti il y a 30 ans qui vise à changer l’attitude des soignants vis-à-vis des soignés, notamment à l’égard des personnes en perte d’autonomie ou atteintes de démence.
La démarche met au centre le concept de l’humanité, et la création de ce terme “humanitude“ symbolise le bien que les gens peuvent se donner dans une relation telle qu’une relation d’aide soignant-soigné. Bien évidemment, ce concept porte toute son attention sur la dignité de la personne qui revêt toute son importance dans une situation de détresse et de maladie.
Comment vous est venue l’idée d’appliquer cette méthodologie et comment se déroule la sensibilisation des équipes HELP?
Nous avons organisé, en 2008, une conférence animée par Jérôme Pelissier, docteur en psychologie et chercheur en psycho-gérontologie. Par la suite, le concept a véritablement été adapté à nos démarches de soins à partir de 2009.
Depuis, nous avons organisé des formations à la méthode Gineste-Marescotti dispensées en français et en allemand par l’institut du même nom.
Ces cycles de formations ont déjà été suivis par une centaine de salariés du réseau HELP, tandis que 200 autres de nos soignants ont participé à un programme de sensibilisation.
Pour l’instant, nous veillons surtout à avoir un référent formé à l’humanitude dans chaque antenne locale. Il joue alors le rôle de multiplicateur qui sensibilise et conseille ses collègues. Mais il est évident qu’à terme nous espérons pouvoir former l’ensemble de nos salariés.
Par ailleurs, depuis cette année, nous avons également mis en place une formation de ce concept pour les aides ménagères qui passent beaucoup plus de temps avec les personnes chez qui elles interviennent. Nous n’avons donc pas voulu passer outre cette présence et les intégrer à notre formation au concept.
Concrètement, comment les soignants appliquent-ils ce concept?
Cette relation entre le patient et le soignant repose sur quatre piliers d’actions.
Le premier est le regard. Aussi évident que cela puisse paraître, le contact visuel entre le patient et le soignant est indispensable, et ce doit être un contact visuel sûr qui ne cherche pas à fuir celui de la personne soignée.
Vient ensuite la parole, qui amène la personne soignée vers une socialisation et une ambiance conviviale.
Le troisième pilier s’approche davantage de la fonction première des soignants puisqu’il s’agit du toucher. En aucun cas, les actes de soins ne doivent paraître brutaux ou vécus comme une agression par le patient. Ce pilier est plus important encore si le patient est victime d’une démence quelle qu’elle soit.
Enfin, le dernier élément nécessaire au concept d’humanitude est celui de la verticalité, c’est-à-dire sortir la personne de son lit pour l’asseoir, la faire marcher. Là encore, si cela peut sembler banal, pour beaucoup de personnes alitées, quitter le lit amène une plus-value énorme dans la qualité de vie.
En trois ans d’application, cette méthodologie a-t-elle déjà fait ses preuves?
Bien sûr! Les résultats du côté des personnes soignées sont très positifs, tout comme les retours d’impressions, du côté de nos soignants.
En ce qui concerne la prise en charge des patients, et notamment des personnes démentes, cette démarche permet d’adopter une meilleure approche pour prodiguer les soins et donc de réduire les impressions d’agressivité. En effet, les personnes démentes se sentent souvent agressées lorsqu’une personne, étrangère ou non, s’adresse à elles ou les touche pour réaliser un soin.
Quant à nos salariés, ils témoignent désormais d’une plus grande aptitude à pouvoir gérer le quotidien professionnel et apprécient cette relation qui leur donne moins l’impression de faire un travail de manière mécanique.
Toutes ces bonnes critiques nous ont amenés à étendre davantage l’application du concept en formant les premières personnes relais dans le Centre Intégré pour Personnes Agées de Junglister de la Croix-Rouge ainsi que le personnel travaillant dans le Centre de Convalescence de la Croix-Rouge à Colpach.
L’humanitude semble également être un moyen de redonner un peu de dignité à des personnes qui en sont privés à cause d’une maladie ou d’un handicap…
Chez HELP, nous sommes convaincus qu’une action non intéressée et humaniste dans ce marché des soins à domicile est absolument indispensable, et il est très important pour nous de permettre au patient d’avoir une qualité de vie optimale malgré une maladie ou une dépendance.
L’humanitude aide les personnes démentes, mais aussi les personnes handicapées ou qui sortent d’hôpital. Il peut être très difficile pour quelqu’un qui n’est pas habitué à être dépendant d’accepter de se faire aider dans des moments qui peuvent être très intimes. Dans ces cas, l’humanitude favorise plus aisément l’acceptation de la perte de l’autonomie, qu’elle soit momentanée ou définitive.