Consolider les droits des patients

Au mois d’août, le ministre de la Santé, Mars Di Bartolomeo, a déposé à la Chambre le nouveau projet de loi sur les droits et obligations des patients et des soignants au Grand-Duché. En attendant que celui-ci soit finalement voté par la Commission de la Santé et de la Sécurité sociale, LG Magazine est allé rencontrer Mike Schwebag, juriste au ministère de la Santé, pour réaliser un premier diagnostic de ce nouveau texte.

 

Quelles sont les grandes nouveautés et les principales modifications par rapport aux textes précédents?

Un double objectif se dégage du projet de loi et il se reflète d’ailleurs dans son titre: “Projet de loi relatif aux droits et obligations du patient et portant création d’un Service national d’information et de médiation“.

La création d’un cadre de référence sur les droits et obligations du patient a pour but de permettre aux patients de bien pouvoir connaître leurs droits. C’est là le point principal du projet de loi. Nous avons réuni, adapté, modernisé et rendue cohérentes les règles juridiques qui concernaient déjà les droits et obligations des patients dans un seul et même texte.

Le Service national d’information et de médiation, quant à lui, sera une structure de référence de dialogue et d’information, gratuite et neutre, qui s’adressera autant aux patients qu’aux prestataires.

Bien entendu, ces deux volets sont étroitement liés et forment un tout.

 

Pourquoi était-il nécessaire de revoir ces textes?

Il était important de consolider, dans un seul texte de référence, les droits et obligations des patients et de le rendre plus lisible tant pour eux que pour les prestataires. Cela régit l’interaction entre les deux partenaires dans une relation médicale.
Cette consolidation est un pas important pour nous car elle garantit aussi un meilleur respect des droits et obligations mutuels.

Jusqu’à maintenant, il y avait un éparpillement des droits des patients dans différents textes aux contours flous. La loi hospitalière, les codes de déontologie des différentes professions et certains autres textes évoquent les droits du patient, mais il n’existe pas de texte précis vers lequel le patient peut se tourner en cas de problème.

Enfin, revisiter ces textes était aussi et surtout l’occasion de tenir compte de l’évolution des relations entre patients et prestataires et de moderniser ceux déjà existants pour associer pleinement le patient à son traitement et lui donner les moyens de devenir acteur de sa propre santé.

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le Service national d’information et de médiation? De quoi s’agit-il et quel sera son rôle?

Le Service national d’information et de médiation sera une structure dédiée à la santé et proposera deux services gratuits différents.

Tout d’abord, ce sera un endroit où recueillir des informations et des réponses à tous types de questions, tant pour les patients que pour les prestataires.
Il est indispensable de noter que ce sera un service complètement neutre qui délivrera des informations sur des sujets aussi variés que les droits et obligations du patient, les “bonnes adresses“, les prestataires à contacter dans telle ou telle situation, mais aussi, les recommandations et les recours possibles en cas de litiges. Ce sera l’occasion d’éclaircir un peu le champ de vision du patient car le référencement des prestataires du pays n’est pas très bien développé au Luxembourg.  

La médiation sera le second volet de services de cette structure. Il s’agira d’essayer de régler un litige sans passer par la justice.
La médiation ne pourra avoir lieu que si les deux parties acceptent d’y avoir recours. Elle permettra notamment de résoudre des problèmes essentiellement dus à des malentendus ou à une mauvaise communication entre le patient et son médecin.
En cas de réel problème, et si le prestataire reconnaît sa responsabilité, le Service national de médiation pourra, toujours avec l’accord des deux parties, réaliser des expertises via des professionnels indépendants pour évaluer concrètement la situation et le dommage qui en résulte afin d’essayer de trouver une solution de dédommagement en y associant l’assureur du professionnel de santé.
 

Ce dernier service serait idéal pour désengorger les tribunaux. Serait-il possible, à terme, de rendre le recours à la médiation obligatoire avant d’en arriver aux instances judiciaires?

Il était important pour nous de proposer une structure sectorielle car le domaine de la santé est un domaine très spécifique pour lequel il faut une connaissance spécifique qui allie droit et santé.
De plus, nous avions à cœur d’offrir un moyen de résolution des conflits permettant sauvegarder ou rétablir la confiance envers le monde médical.

Nous pensons que cela répond à une vraie demande et que cette nouvelle offre sera acceptée. Le projet de loi s’abstient cependant d’attribuer un monopole. Le prestataire et le patient pourront, s’ils le souhaitent, s’adresser à une autre instance. Lorsque le différend concerne une prise en charge en établissement hospitalier, le service de gestion des plaintes de l’hôpital peut être, dans un premier temps, un interlocuteur privilégié du patient.

Cependant, ce processus de médiation repose sur une disponibilité des parties à s’engager volontairement dans cette démarche et n’a pas vocation à devenir obligatoire.
 

En tant qu’Etat membre de l’UE, le Luxembourg doit également œuvrer dans le cadre de la directive européenne 2011/24/UE en matière de soins de santé transfrontaliers. Quelle est cette directive et qu’est-ce que cela signifie exactement pour le Luxembourg?

Cette directive aborde deux questions différentes.

D’une part, elle concerne les patients affiliés au Luxembourg qui souhaitent se faire soigner ailleurs en Europe et pour lesquels se pose notamment la question des remboursements ou la nécessité éventuelle d’un accord préalable pour aller se soigner à l’étranger.
D’autre part, la directive concerne les patients étrangers qui se soignent à Luxembourg et pour qui elle exige la mise en place d’une structure d’accueil pour les informer et les guider.

Le premier volet de cette directive sera intégré dans un second projet de loi à déposer dans les semaines à venir sous la responsabilité principale du département de la sécurité sociale.
Le second volet, lui, coïncide justement avec les missions du futur Service national d’information et de médiation.

Nous avons alors inclus cette partie de la directive parmi les missions de cette nouvelle structure, en refusant de différencier les patients étrangers et luxembourgeois. L’idée de base étant d’offrir aux patients nationaux et étrangers les mêmes informations, tout comme les prestataires de santé leur offrent les mêmes soins.

 

La directive impose au point de contact national et aux prestataires de délivrer des informations relatives aux normes de qualité et de sécurité appliquées. Pouvez-vous nous en dire plus?

Le Luxembourg est un pays multilingue et multiculturel. Aujourd’hui les prestataires, s’ils travaillent bien sûr selon les normes nationales, adaptent aussi la façon de travailler propre à leurs pays de formation ou s’orientent sur les bonnes pratiques internationales ou encore celles d’un pays voisin, sans fournir une information claire à cet égard.

La Direction de la Santé, le Conseil scientifique et d’autres acteurs œuvrent au niveau national pour l’élaboration et la diffusion de référentiels de bonne pratique au niveau national; toutefois cela n’a abouti qu’à un nombre limité de normes ou orientations nationales bien établies.
Par ailleurs, l’information validée disponible sur la pratique des prestataires luxembourgeois est moins abondante que ce qui peut exister dans certains autres pays européens.

Cela pose un vrai défi en termes d’attentes des patients envers les autorités et prestataires.
Plus d’efforts de transparence seront probablement nécessaires et bénéfiques à tous les acteurs du système de santé.  FC

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