Faire rimer artisanat et innovation
Michel Brachmond, directeur adjoint et membre du comité de direction de la Chambre des Métiers de Luxembourg, l’avoue lui-même: «L’artisanat ne fait que peu de recherche et développement». Ce n’est pas pour autant que ces deux environnements sont incompatibles, bien au contraire. La preuve en quelques réponses.
Il ne vient pas forcément à l’esprit de tous de relier l’artisanat à la recherche et au développement. Pourtant la Chambre des Métiers (CDM) semble vouloir nous surprendre en nous prouvant le contraire…
Il est vrai que l’artisanat ne fait que peu de recherche et de développement, pour la simple et bonne raison que, en principe, une entreprise artisanale n’est pas outillée pour avoir un laboratoire de recherches.
Cependant, l’artisanat est assez innovateur puisque, dès qu’un client se retrouve confronté à un problème, l’artisan va tout faire pour le résoudre. Des efforts qui peuvent s’apparenter à de l’innovation dans la mesure où ils contribuent à faire avancer, au moins un tout petit peu, la technologie.
Nous l’avons notamment remarqué lorsqu’on prend l’innovation dans son acceptation la plus globale. Au départ, il y a encore une dizaine d’année, l’innovation, c’était la recherche et le développement dans un sens économique du terme. Aujourd’hui, l’idée même d’innovation s’est considérablement élargie et tend à s’extraire du domaine de conception et de production.
La preuve la plus probante se trouve dans l’évolution des dossiers de candidatures qui nous sont déposés pour les Prix de l’Innovation dans l’Artisanat.
Lors de la première édition, il s’agissait plus ou moins d’innovations technologiques, tandis que, pour la seconde, d’autres genres ont été proposés et retenus. Il s’agissait davantage d’innovations dans l’organisation ou le design. Enfin, pour la troisième, beaucoup de dossiers ont innové en matière de services.
Comment rendre ce lien plus évident?
Cela fait longtemps que la CDM a à cœur de promouvoir l’innovation au sein des entreprises. De concert avec Luxinnovation (ndlr: dont la CDM est actionnaire) qui est, en quelque sorte, notre “cheville ouvrière“, nous incitons les entreprises à innover et, lorsqu’elles se lancent, nous les accompagnons dans le processus.
Pour cela, Luxinnovation met à disposition des 5.500 entreprises artisanales du pays un consultant à plein temps qui les aide à faire un diagnostic de leurs compétences et de leurs capacités d’investissements ou à remplir les demandes et différents dossiers auprès des ministères.
C’est aussi avec Luxinnovation que nous organisons des conférences de sensibilisation afin de prouver qu’innover n’est pas si compliqué et que, même avec des moyens très simples, on peut y arriver. Organisés partout à travers le pays, ces “roadshows“ attirent même des chefs d’entreprises qui n’avaient alors jamais réfléchi à la question de l’innovation.
Bien sûr, il ne faut pas oublier le Club de l’Innovation. Créé en 2006, il réunit deux à trois fois par an les chefs d’entreprises pour des réunions où chacun peut partager ses meilleures pratiques, discuter de ses expériences, de ses réussites ou de ses échecs, et assister à des exposés de spécialistes.
Pourquoi les entreprises sont-elles réticentes à se lancer?
Je pense que le problème est très simple: il s’agit d’un manque de ressources financières et, surtout de temps! Car pour développer une innovation, il faut avoir le temps. Or, le plus souvent, les responsables de services ou les dirigeants sont sous le stress d’un rythme de travail journalier et ont du mal à se poser pour réfléchir, organiser et se projeter.
C’est en partie la raison pour laquelle la CDM prône une aide aux PME, artisanales ou non pour que chacune puisse engager un “assistant à l’innovation“ qui serait en partie financé par des aides publiques.
Aujourd’hui, cette aide n’est disponible qu’aux doctorants ou post-doctorants, et les conditions à remplir pour y avoir droit sont très stricts.
Y a-t-il d’autres environnements dans lesquels innovation et artisanat pourraient s’accorder mais où ce n’est pas encore chose faite?
Il nous faudra, dans les prochains mois, construire des relations avec l’Université avec qui nous n’avons encore jamais réussi à nouer de contacts sans que je puisse comprendre pourquoi. Peut-être l’artisanat est-il un peu trop terre-à-terre, pas assez abstrait. En tout cas, il est nécessaire de réfléchir à la manière dont ces deux univers peuvent se compléter et quelles solutions l’université peut apporter à l’artisanat.
Dans ce dessein, nous comptons bien profiter de l’événement Business Meets Research dont le thème fort, les éco-technologies, cadre parfaitement avec les intérêts de l’artisanat.
Vous avez évoqué, plus tôt, les Prix de l’Innovation dans l’Artisanat. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Cette remise de prix a été initiée en 2006 et a lieu, en principe, tous les deux ans avec un succès de plus en plus grand.
D’une quinzaine de dossiers lors de la première édition, nous sommes passé à vingt-cinq lors de la seconde et une bonne trentaine pour la troisième. Un chiffre que nous espérons maintenir l’an prochain pour la quatrième édition qui, comme toujours, répartira une récompense d’une somme de 15.000 euros parmi les lauréats. Ces derniers seront désignés par un jury composé de représentants de la CDM, de la Mutualité d’Aide aux Artisans (dont la Fondation offre les prix) et de représentants d’institutions actives dans le domaine de l’innovation.
Cette fois le jury sera présidé par Marc Lemmer, le directeur général du CRP Henri Tudor, un partenaire important dans le domaine de transfert de technologies vers les entreprises artisanales.
Les dossiers de candidatures seront disponibles dès le mois de septembre.