«Le Luxembourg peut être fier de son secteur maritime»
Le secteur maritime luxembourgeois se porte bien et jouit d’une excellente réputation à l’international. Précisions avec Paul Marceul, délégué général du Cluster maritime luxembourgeois.
Pouvez-vous, rapidement, nous redéfinir la notion de ‘‘cluster maritime’’?
Selon la définition académique de Michael Porter, un cluster est un regroupement d’institutions, de centres de recherches et d’entreprises qui travaillent dans une même branche d’activités et dans une région donnée. Ces rapprochements sont censés donner un avantage concurrentiel à leurs membres. Le terme de ‘‘pôle de compétitivité’’ est aussi d’usage dans les pays francophones. Cependant, la mise en œuvre effective de ce concept varie selon les pays ou les régions de sorte que chaque cluster est en quelque sorte une entité sui generis
Les clusters maritimes traditionnels, au nombre de quinze en Europe, regroupent des armateurs, des ports, des centres de recherche, mais aussi tous les métiers dits connexes, c’est-à-dire ceux qui gravitent autour du transport maritime comme les cabinets d’avocats, les banques, les assurances, les équipementiers, la construction navale etc.
Le Cluster maritime luxembourgeois, quant à lui, regroupe la plupart de ces activités. S’y ajoutent aussi le dragage, la Chambre de Commerce, Luxinnovation, ainsi que les sociétés ferroviaires CFL Cargo et CFL Multimodal. Ces dernières participent au désenclavement du Luxembourg en offrant des dessertes quotidiennes vers les grands ports de la Mer du Nord, de la Mer Baltique ou encore de la Méditerranée.
Organisé en association sans but lucratif, le Cluster maritime luxembourgeois fonctionne essentiellement comme un club d’affaires avec priorité donnée aux entreprises.
Le Luxembourg étant un pays sans littoral, quel est le rôle de l’association Cluster maritime luxembourgeois?
Le rôle de l’association est de développer le secteur maritime, de promouvoir son image et ses activités tant au Luxembourg qu’à l’étranger. Pour cela, nous avons mis en place des groupes de travail qui analysent et décortiquent les différents aspects du secteur et remettent, le cas échéant, des rapports dans lesquels nous rendons publiques nos conclusions.
Nous effectuons aussi un travail de relations presse (via des communiqués ou des séances d’informations) et de relations publiques. A ce titre, nous organisons des conférences et réceptions au cours desquelles nous nous exprimons sur des sujets maritimes d’intérêt devant un parterre réunissant l’establishment économique du Luxembourg.
Chaque année, nous organisons la Journée européenne de la Mer à Luxembourg. Celle-ci sert à sensibiliser le grand public à l’importance économique de la mer et à démontrer qu’elle n’est pas qu’un espace de loisirs, mais surtout un espace de travail notamment pour plus d’un million de marins dans le monde.
En collaboration avec les ministères et les institutions concernés, nous développons les relations d’affaires et les échanges informels, avec les ports, notamment ceux de la mer du Nord.
Comme vous l’avez dit, le Luxembourg est un pays sans littoral. Alors que la Convention de Montego Bay signée en 1982 reconnaît à chaque Etat le droit de disposer de sa flotte de commerce, d’aucuns étaient tentés de nous demander de justifier notre existence.
Cette époque est heureusement révolue. A ce titre, nous avons un rôle particulier à jouer pour faire entendre et respecter la voix des pays enclavés d’Europe en matière de politique maritime. Nous avons été sollicités par le Conseil de l’Union européenne et la Commission pour exprimer nos considérations et faire valoir notre savoir-faire auprès d’autres pays privés d’accès à la mer, en Serbie par exemple.
Par ailleurs, il est important de préciser que le Luxembourg a repris en octobre dernier la vice-présidence de l’European Network of Maritime Clusters (ndlr: Réseau européen des Clusters maritimes) dont le Secrétariat général se trouve aussi désormais au Luxembourg.
Le Luxembourg a ratifié la Convention du Travail Maritime (Maritime Labour Convention 2006) et la Convention n°185 en septembre 2011. Que sont ces textes et qu’est-ce que cette ratification signifie concrètement?
Ces deux textes à portée universelle ont vocation à assurer de bonnes conditions de vie et de travail aux 1,2 million de marins qui sillonnent les mers du globe. La Convention du Travail maritime est une actualisation et une consolidation de conventions et de normes dont certaines remontent aux années 1920. Elle renferme des dispositions sur l’hébergement, la restauration, les loisirs, le temps de travail, la sécurité sociale, la protection sanitaire et le bien-être.
Le caractère universel de ces protections garantit des conditions de concurrence équitables entre les armateurs. Les navires immatriculés dans les registres ayant ratifié et dont les conditions de travail à bord sont certifiées MLC bénéficieront de contrôles simplifiés dans les ports.
La Convention n°185 concerne les pièces d’identité des gens de mer. Elle met par exemple en place un système d’identification plus rigoureux des marins, introduit la biométrie et offre une plus grande liberté de mouvements aux marins avec, par exemple, des exemptions de visas pour des vacances à terre.
Ces conventions paraissent très importantes, est-ce un retard de ne les ratifier que maintenant?
Au contraire, le Luxembourg est relativement en avance. Toujours à la pointe des ratifications, nous sommes le cinquième pays de l’Union européenne à avoir ratifié la MLC 2006. Le Bureau international Travail, par l’intermédiaire de Mme Doumbia-Henry – directrice du département des normes internationales – a félicité le Luxembourg pour son travail d’arrache-pied.
Il faut savoir que le pavillon maritime luxembourgeois est mondialement reconnu pour sa qualité. Deux standards de reconnaissance le prouvent. Tout d’abord, le Protocole d’Accord de Paris (ndlr: Memorandum of Understanding de Paris) qui place le Luxembourg sur sa liste blanche (ndlr: il existe trois listes: noire, grise et blanche pour les pavillons répondant aux exigences les plus sévères).
Ensuite, les gardes-côtes américains, qui assurent les missions régaliennes des Etats-Unis en mer, ont tenu à distinguer l’engagement vers l’excellence de l’administration maritime luxembourgeoise dans leur dernier rapport annuel. Celle-ci serait éligible au prestigieux label QualShip21 si les navires luxembourgeois s’arrêtaient plus fréquemment dans les ports étasuniens.
Grâce aux efforts tous azimuts du secteur maritime luxembourgeois et des administrations concernées, le pavillon a maintenu son rang de label de qualité. Cette reconnaissance internationale est un précieux sésame puisqu’elle assure à la flotte luxembourgeoise un accueil très favorable dans tous les ports du monde.
241 navires étaient immatriculés au Luxembourg en 2011, est-ce toujours le cas en 2012? La tendance est-elle au développement et au renforcement ou davantage à la baisse, notamment par rapport à la crise?
Aujourd’hui, nous en sommes à 242 navires enregistrés au Luxembourg dont 222 arborent le pavillon.
Bien sûr, les crises économiques ont aussi une incidence sur le secteur du transport maritime puisque les échanges sont ralentis. En revanche, d’autres paramètres rentrent en compte pour l’immatriculation de navires.
Depuis quelques années, on assiste au développement des activités maritimes au Luxembourg où de grands groupes d’armateurs comme CLdN, Jan de Nul ou bien DEME y ont renforcé leur présence. Cela est dû aussi à la large palette de services offerte au secteur maritime depuis le Grand-Duché.