Un risque…minime et des garde-fous
De nombreuses entreprises estiment qu’accorder des délais de règlement à leurs clients peut causer de graves problèmes de trésorerie. Pour parer à cette contrainte, elles peuvent faire appel à des services d’ «affacturage», ou «Factoring», une activité très peu connue du grand public mais également des entreprises. Les explications détaillées avec Marcel Hoh, directeur général de Fortis Commercial Finance Luxembourg.
Monsieur Hoh, Fortis Commercial Finance, dont vous êtes le directeur général au Luxembourg, est spécialisée dans l’affacturage. De quoi s’agit-il exactement?
Débutons si vous le voulez bien par un bref historique sur cette technique de financement. Elle trouverait son origine dans la Conquête de l’Ouest durant laquelle les fabricants de tissu anglais vendaient leurs produits aux colons sur des comptoirs de la Côte Est qui faisaient le relais entre ces vendeurs de tissu et les colons. Ne connaissant pas les clients finaux, les vendeurs de tissu avaient besoin d’être rassurés quant à leur solvabilité. Ce sont donc ces comptoirs qui faisaient en quelque sorte de l’assurance-crédit, garantissant le paiement des clients finaux, et s’occupaient de recouvrir l’argent envoyé en Angleterre.
La base du métier est donc l’achat de créances, la gestion des factures et la couverture du risque. Autrement dit, les fondamentaux de l’affacturage sont le financement de factures, la tenue de la comptabilité clients et l’assurance-crédit.
Quel est le public-cible?
Il s’agissait au départ d’un service de financement aux entreprises qui n’étaient pas éligibles sur le marché bancaire, soit des sociétés en création, en difficulté ou qui ne respectaient pas les ratios classiques. Nous sommes ainsi dans un cadre strictement B2B.
L’affacturage a pris son essor dans les années 60, notamment en France, mais plus tardivement au Luxembourg, dans les années 80. Comparé à d’autres activités de la finance, c’est un métier très jeune.
A cette époque, l’affacturage s’occupait exclusivement de financement de gestion et d’assurance crédit. Peu de banques proposaient ce service, et c’était là, véritablement, un métier indépendant.
Les banques ont fini par réaliser que ce système de financement était relativement intéressant. Elles ont d’ailleurs aujourd’hui, toutes une filiale affacturage. De ce fait le produit est beaucoup plus ouvert à toutes sortes d’entreprises, et n’est de surcroît plus «réservé» aux seules entreprises en difficulté.
Vous parlez de financement aux sociétés qui ne sont pas éligibles sur le marché bancaire. N’est-ce dès lors pas une entreprise risquée?
Pas forcément. Le danger n’est pas que strictement financier, et le factor a su partiellement transférer le risque qu’il prend sur ses clients, sur les débiteurs, les produits et services de ces derniers.
Vous pouvez ainsi avoir une entreprise en difficulté pour telle ou telle raison, mais si elle a un bon produit et une bonne clientèle, le risque peut être maitrisé.
Outre l’analyse financière classique, le factor évalue également son risque en fonction du sérieux de l’entrepreneur, de la qualité de son produit ou service et la nature de sa clientèle.
Certes, mais si mon entreprise est dans une situation financière désastreuse ?
Vous avez un poste client dans le bilan, c’est donc un actif que vous pouvez mobiliser et transformer en trésorerie. Nous, société d’affacturage, lorsque nous vous cédez vos factures, nous vous les réglons dans un délai maximum de 48h, ce qui vous évite d’attendre soixante voire quatre vingt dix jours avant d’être payés. En d’autres termes, vous avez zéro crédit clients, et vous imaginez donc l’apport de trésorerie que vous pouvez obtenir. Ce ballon d’oxygène doit vous servir et vous donner le temps pour prendre les mesures de gestion, souvent nécessaire, pour redresser la barre.
Si votre produit est un produit de qualité et que vous avez des clients solvables, nous, de notre côté, tout en tenant compte de votre situation financière et de vos besoins, répartissons le risque. Nous achetons vos factures, en devenons propriétaires par voie de subrogation, et le financement que nous opérons repose, quelque part, sur le «gage» d’une créance qui, à priori, a une certaine valeur.
Dans le pire des scénarios, à savoir si vous faites faillite, le factor est mieux protégé qu’une banque traditionnelle, puisque, pour rester simple, ce n’est pas vous mais vos clients qui, en réglant les factures que vous nous avez cédées, remboursent l’avance de trésorerie que nous vous avons faite.
Qu’entendez-vous par bon produit, bons clients ? Quelles sont concrètement les conditions au départ pour souscrire à vos services ?
Nous analysons de plus en plus la situation financière de l’entreprise, mais de manière moins stricte qu’une banque, et même si elle est en difficulté passagère, nous pouvons malgré tout lui accorder notre confiance. Car une société peut rencontrer des problèmes de trésorerie dus à une explosion de son activité, une situation pour laquelle l’affacturage est une solution intéressante, et tout à fait adaptée.
Nous regardons bien évidemment de près si une entreprise ne réalise pas de pertes de façon chronique, car dans ce cas l’affacturage seul ne suffit pas.
Quant à la qualité de la clientèle du client, il s’agit de considérer le risque selon des critères bien précis, à commencer par la nature même du secteur privilégié de celui-ci, sachant que certains secteurs sont bien plus exposés que d’autres.
Quant au nombre de clients, ce que nous appelons dans notre jargon la «concentration» si , par exemple une société ne travaille qu’avec des instances étatiques ou de très grands groupes, même si elle n’a que trois clients, nous estimons qu’il y a peu de risque à ce niveau, puisque la probabilité de défaillance est faible. Il en est de même, si la société travaille avec des centaines d’entreprises, aussi petites soient-elles, le risque de défaillance est beaucoup plus important, mais compte tenu de la faiblesse des encours individuels, la perte finale peut aisément être supportée pas notre client, et par voie de conséquence, par nous même.
A noter que la partie «qualification» du poste client, est, pour la plupart des Factors, sous-traitée aux spécialistes en la matière, à savoir les compagnies d’assurance crédit.
D’ailleurs, si une entreprise a déjà souscrite une police d’assurance crédit, le bénéfice de celle-ci peut être délégué au Factor
Qu’en est-il au Luxembourg ?
Parti d’un concept relativement simple, le métier s’est compliqué. On propose aujourd’hui de l’affacturage sans gestion, ou en gestion déléguée, c’est-à-dire essentiellement du financement, ce qui nous rapproche plus de l’activité bancaire traditionnelle. Avec toutefois une nuance qui a son importance, les ratios de liquidité exigés en matière d’affacturage sont moins contraignants que ceux imposés aux banques.
Au Luxembourg, nous réalisons essentiellement, mais pas exclusivement, de l’affacturage traditionnelle, avec cependant des contrats personnalisés et adaptés à chaque type d’entreprise et à chaque type de besoins.
Nous proposons par ailleurs de l’affacturage sans financement, c’est-à-dire uniquement de la gestion de l’assurance-crédit, et du recouvrement, un vrai service, à l’état pur, grâce à une équipe de professionnels dans un pays où il existe un vrai marché.