«Il ne faut pas forcément être Apple pour se distinguer»
Le service Contact Entreprises de la Chambre des Métiers, qui inaugure ce mois-ci un Guichet unique physique, offre des conseils personnalisés aux créateurs et repreneurs d’entreprises, prend en charge certaines démarches administratives et propose une bourse d’entreprises. En 2010, quelque 1.200 personnes ont ainsi été reçues en entretien individuel et 9.000 contacts ont été enregistrés.
Interview de Tom Wirion, directeur adjoint.
Les journées création et développement d’entreprises viennent de s’achever. Quelles étaient vos attentes par rapport à cet événement?
Ces journées sont toujours l’occasion de mettre l’accent sur l’esprit d’entreprise, qui n’est pas suffisamment développé au Luxembourg. Elles permettent aussi et surtout aux créateurs, comme aux entrepreneurs déjà établis, de s’informer lors de conférences, d’être conseillé lors de rendez-vous individuels organisés pendant les nocturnes, bref d’avancer dans leur projet.
Ces Journées s’adressent donc aussi bien aux créateurs d’entreprises qu’aux personnes qui sont déjà installées et souhaitent innover…
Depuis deux ans, les partenaires de la plateforme ont décidé d’étendre ces journées au développement d’entreprise. Le créateur et l’entrepreneur déjà établi s’intéressent à des sujets différents: alors que les premiers cherchent plutôt à connaître les aides qui lui permettront d’accéder à l’activité ou les exigences à remplir, les seconds se posent des questions en termes de positionnement sur le marché, de gestion des ressources humaines, d’innovation, de prestation de services à l’étranger…
La Chambre des Métiers a organisé deux workshops à cette occasion. Le premier portait sur l’encadrement et la fidélisation des collaborateurs. En quoi une gestion efficace des ressources humaines est-elle une clé du succès d’une entreprise dans le temps?
Aujourd’hui, les entreprises ne sont plus seulement en concurrence sur leurs produits ou leurs prestations. Elles le sont aussi sur le marché de l’emploi. Il devient de plus en plus difficile de trouver du personnel dont les qualifications et les compétences soient en adéquation avec les besoins de l’entreprise, d’où l’importance de recruter les bons profils et de se doter d’une stratégie pour les garder. D’autant plus que fidéliser ses collaborateurs est une clé pour fidéliser ses clients: si les gens se sentent à l’aise, ils offrent un meilleur service.
Pour une PME artisanale, le salaire n’est pas le seul paramètre pour être attractif. Il est même difficile pour elle de se démarquer face à la concurrence des banques, de l’état et des communes qui offrent des rémunérations plus élevées.
Nous n’avons pas abordé ce thème à travers un exposé classique, mais à travers du Business Theatre. Deux scènes d’une dizaine de minutes qui se passaient dans la même entreprise ont été jouées. Dans la première, il y avait beaucoup de stress, un patron absent, un directeur adjoint et un commercial qui avaient du mal à gérer les clients mécontents. Dans la seconde, le patron était plus disponible, l’organisation mieux structurée, les salariés et les clients plus satisfaits. Nous avons ensuite enchaîné sur une table ronde réunissant quatre chefs d’entreprises des secteurs de la grande distribution (groupe Cactus), de la coiffure (Ferber Hairstyle), de la mécanique automobile (garage Thommes) et du chauffage/sanitaire (A+P Kieffer Omnitec). Chacun d’entre eux a mis en place une stratégie pour fidéliser et encadrer ses collaborateurs. Nous n’avions pas la prétention de donner la recette miracle car il n’en existe pas, mais chaque intervenant, à sa façon, est un exemple dont on peut s’inspirer.
Le second workshop abordait la problématique de la différenciation. Comment et pourquoi est-il vital pour une entreprise de se différencier? Quels sont les outils mis à disposition des entreprises par la Chambre des Métiers pour les aider à y parvenir?
Bien qu’en ce moment, l’horizon soit incertain d’un point de vue économique, l’artisanat tire son épingle du jeu et le Luxembourg reste un pôle d’attraction pour beaucoup d’entreprises étrangères. La concurrence étant accrue, il ne suffit plus aujourd’hui d’être bon ou de faire comme son voisin, mais il faut être plus performant, plus efficace et se démarquer en mettant l’accent sur le service, les produits ou le marketing, par exemple. Créer sa marque ou innover n’est pas réservé aux grandes entreprises, mais est aussi à la portée des PME. Il ne faut pas forcément être Apple pour se distinguer. Les PME ont elles aussi beaucoup d’idées pour se démarquer de la concurrence et rendre la clientèle attentive.
Notre workshop commençait par un exposé visant à poser le problème et à proposer quelques pistes. Cet exposé était suivi d’une table ronde avec des chefs d’entreprises qui se sont dotés d’une stratégie pour se démarquer: le traiteur Steffen qui a su, en pleine crise, se positionner avec une nouvelle marque de produits, Eva Ferranti, du domaine de la mode, qui vient d’ouvrir une boutique à Genève en produisant à partir du Luxembourg ou encore l’entreprise Rollinger Walfer qui, dans le cadre d’un concours avec une radio locale conseille des clients et réalise gratuitement un certain nombre de projets.
Vous nous disiez l’année dernière que 1.500 patrons atteindront l’âge de la retraite dans les dix ans à venir au Luxembourg. Quelles opportunités la reprise d’entreprises offre-t-elle?
Créer une entreprise est plus risqué que de reprendre une entreprise. La reprise permet d’être entouré d’office d’employés rodés et de bénéficier d’une clientèle implantée, de sorte que l’on peut un tant soit peu extrapoler sur l’avenir si l’on reste dans le schéma existant. La contrepartie est que reprendre une entreprise est plus onéreux, mais c’est le prix à payer pour avoir une certaine sécurité, même si le risque existe toujours.
Comment évolue votre service de bourse d’entreprises?
Dans notre bourse, nous avons de belles entreprises à reprendre, mais ce n’est pas toujours évident d’associer le bon repreneur et le bon cédant. Nous enregistrons 150 contacts et 25 transmissions par an, ce qui est dans la moyenne de ce que font nos voisins allemands et français, mais nous pensons pouvoir encore mieux faire. C’est une démarche difficile et délicate qui comporte de nombreuses facettes, financières mais pas seulement. Des questions juridiques et humaines se posent également qui ne se résolvent pas en quelques mois. Il faut donc planifier sa succession à l’avance: 3 à 5 ans sont en général nécessaires pour la réaliser à l’aise.
Un chef d’entreprise doit posséder de solides qualifications dans son métier, mais également un minimum de compétences en management. La Chambre des Métiers propose-t-elle des formations destinées à ceux qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat?
Le droit d’établissement pose des exigences en termes d’honorabilité et de qualifications pour pouvoir accéder aux professions artisanales, commerciales et libérales. La réforme du 2 septembre 2011 offre de grandes ouvertures à l’artisanat, tout en maintenant un certain niveau de qualifications notamment dans le domaine de la gestion, ce qui est, à notre avis, primordial puisque des connaissances en gestion augmente les chances de réussite. Le Brevet de Maîtrise, qui reste le diplôme de référence, comprend 250 heures de gestion et confère donc un certain bagage. Pour ce qui est des professions qui peuvent s’établir sans Brevet de Maîtrise, nous proposons une formation “créateur d’entreprise” qui comprend 40 à 45 heures de cours de gestion. Nous sommes en train d’en réviser à la fois l’approche pédagogique et le contenu pour offrir des cours encore plus efficaces. Pour nous, une bonne qualification, y compris en gestion, reste un pré-requis qui n’est pas un frein à la création d’entreprise mais plutôt une chance de succès. Nous sommes pour un esprit d’entreprise durable, et non pour un esprit d’entreprise à n’importe quel prix.
La loi qui transpose la directive service prévoit la création de deux Guichets uniques physiques, dont l’un à la Chambre des Métiers. Pour quand est-ce prévu?
Nous sommes en train de nous mettre en place pour accueillir physiquement toute personne qui a des questions au sujet de la création, de la transmission ou du développement de son entreprise et ce, dès le mois de novembre. Un vaste espace sera réservé à Contact Entreprises au rez-de-chaussée de notre bâtiment. Parallèlement, nous sommes en train d’élaborer d’autres concepts et produits pour élargir la gamme de nos prestations et de former nos employés pour relever le défi. MT