Facultés et limites d’une Agence Immobilière Sociale

L’Agence Immobilière Sociale (AIS), crée en 2009, est d’ores et déjà connue par une bonne partie de la population luxembourgeoise. Faisant office de priorité sociale dans le programme actuel du gouvernement, elle se doit d’être un instrument dans la lutte contre la pénurie de logement au Luxembourg. Mais qu’est-ce qu’une agence immobilière sociale peut bien apporter au Luxembourg et quelles sont les limites d’un tel concept?

Les principaux groupes cibles: les habitants et les propriétaires

L’avantage pour les habitants de ces logements va relativement de soi: n’ayant pas accès à un logement convenable, l’AIS leur fournit des maisons et des appartements décents pour une durée maximale de trois ans. Les habitants vont également bénéficier d'un accompagnement social que l'AIS met en place en collaboration avec ses services partenaires. Cette aide doit leur permettre de prendre pied à long terme sur le premier marché de l’immobilier: une démarche qui a déjà fait ses preuves auprès des premiers bénéficiaires.

Les propriétaires tirent également profit du contrat de location passé avec l’AIS: celle_ci s’occupe aussi bien des risques que des tâches gestionnaires qui découlent habituellement
d’un contrat de location comme, par exemple, le loyer qui est versé scrupuleusement au propriétaire par l’AIS et ce, indépendamment de la solvabilité ou défaillances occasionnelles de l'occupant. L’AIS dispose en outre d’une équipe de rénovation chargée de l’entretien des biens immobiliers. En même temps, la mesure représente une protection pour les propriétaires qui craignent la dégradation ou l'occupation illégale de leurs maisons ou appartements qui restent vides. Ces avantages constituent en quelque sorte une récompense pour les propriétaires qui s'engagent mettre à disposition leur bien à des personnes défavorisées.

Le message est passé auprès des deux groupes cibles: la demande est tellement forte, autant du côté des personnes nécessiteuses que du côté des propriétaires, que l’effectif actuel du personnel de l’AIS ne permet pas de traiter toutes les requêtes.

Le potentiel de l’AIS et les avantages pour la communauté

Un an et demi après sa création, le rôle de l’AIS dans la lutte contre la pénurie de logement est assez bien défini.

Le principal potentiel de l’AIS consiste à exploiter une certaine catégorie d’habitations vides, à savoir les maisons et les appartements, dont les propriétaires ont jusqu’à présent refusé de louer de peur de tomber sur des locataires impossibles à déloger, de ne pas s’en sortir dans la paperasse administrative ou tout simplement par manque de temps.

Le désenclavement de ces logements présente aussi des avantages pour la communauté: le nombre d’habitations disponibles augmente sans avoir dû pour autant investir dans des projets de construction onéreux. Et ceci s’avère également bénéfique d’un point de vue écologique étant donné que la construction de nouveaux immeubles s’accompagne d’une certaine consommation d’énergie et de matériaux. De plus, l’équipe de rénovation de l’AIS contribue à l’amélioration de la qualité des logements. Car là où il est nécessaire, l’AIS veille à ce que ses logements répondent à des normes minimales. Dans certains cas, après accord avec les propriétaires, l’AIS s’occupe aussi de l’amélioration de l’efficacité énergétique des biens immobiliers.

En jetant un pont entre les propriétaires et les habitants dans le besoin, l’AIS permet et renforce en même temps une forme particulière de solidarité et favorise également la mise en place d'une mixité sociale sur le territoire luxembourgeois.

Les limites de l’AIS dans la lutte contre la pénurie de logement

Les potentiels nommés renvoient en même temps aux limites de l’AIS.

Avec les moyens dont elle dispose, l’AIS est incapable de mettre en valeur des logements non habités qui restent vides pour des raisons autres que celles mentionnées auparavant. En effet, à l’inverse des bailleurs privés, l’offre de l’AIS n’est guère intéressante pour les propriétaires professionnels qui considèrent les lieux d’habitation comme des biens de spéculation.

De même, l’AIS n’est pas en mesure d’héberger toutes les personnes à la recherche d’un logement décent. Elle ne peut par exemple pas venir en aide aux personnes ayant besoin d’une assistance plus intensive et spécifique (comme, par exemple, les individus souffrant d’une pathologie aigue de dépendance) car le service social ne dispose pas de ressources adaptées pour ce type de problématique. L’AIS n’offre pas non plus de solution solide aux personnes qui, à long terme, ne sont de toute manière pas en mesure de payer les prix élevés du premier marché de l’immobilier : les logements ne sont mis à la disposition des habitants que pour une durée maximale de trois ans. Pour ces personnes, cela peut servir de ‘salle d’attente’ jusqu’à ce qu’un logement communal ou un appartement du Fonds du Logement se libère.

La troisième limite est de nature quantitative. Contrairement à ce que le terme ‘agence’ laisse supposer, le travail de l’AIS n’est pas terminé lorsque les appartements sont loués ou transmis. Bien au contraire: même si le rôle de médiation requiert déjà beaucoup de travail, ce n’est en fait que le commencement. Une fois le logement loué, l’équipe de rénovation entre presque toujours en jeu. En fonction des besoins, des travaux de plus ou moins grande envergure sont alors effectués. Une fois les habitants emménagés, le travail quotidien de l’AIS consiste à s'assurer du bon déroulement de l’accompagnement social de ces derniers, à surveiller les flux financiers et à trouver des solutions aux problèmes survenus entre-temps.

Etant donné que l’AIS paie les loyers aux bailleurs et encaisse en même temps les contributions des habitants, elle assume une grande responsabilité vis-à-vis de l’Etat qui se porte garant des éventuelles défaillances de paiement des bénéficiaires. Considérant l’effectif actuel de l’AIS, celle-ci ne peut gérer de cette manière qu’un nombre limité de logements -même si le potentiel de croissance est bien présent sur le marché du logement.
 

Pas de remède universel contre les problèmes sur le marché du logement

Dans son domaine, l’AIS s'avère être un dispositif qui a fait ses preuves et un outil efficace de valorisation des biens immobiliers inutilisés, les mettant ensuite à la disposition des personnes qui en ont le plus besoin.

Toutefois d'autres sérieux problèmes du marché du logement luxembourgeois ne sont pas combattus par l'AIS. Ceci concerne entre autres les biens qui restent vides du fait de la spéculation, mais aussi la hausse des prix elle-même qui accable fortement une grande partie de la population. Ces problèmes nécessitent d’autres solutions. Pour pouvoir mettre, au Luxembourg, à la disposition de tous une plus grande offre d’habitations payables sur le long terme, d’autres acteurs doivent participer à la lutte contre l'exclusion liée au logement.

Gilles Hempel, sociologue, directeur de l’Agence Immobilière Sociale

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