A la conquête du marché luxembourgeois
La jeune start-up luxembourgeoise Solarwood Technologies a parcouru bien du chemin. Elle vient d’être récompensée pour son système exclusif de tuiles photovoltaïques et fait désormais partie du groupe Saint-Gobain, mais n’a rien perdu de l’état d’esprit qui l’animait à sa création…
Interview de Jean-Clément Nugue, directeur d’usine, et Marie-Claire Turbang, responsable des ressources humaines.
Saint-Gobain Solar Systems vient tout juste de remporter le Green Energy Award. Qu’est-ce qui lui a valu cette distinction?
Jean-Clément Nugue: Nous nous positionnons sur un créneau bien particulier: les tuiles solaires photovoltaïques destinées à être intégrées dans le bâti. La particularité de ce type de système est d’assurer des fonctions identiques à celles d’un toit -étanchéité et résistance mécanique-, tout en produisant de l’électricité. Nous sommes les seuls à occuper ce segment sur le marché luxembourgeois et un des rares à le faire au niveau européen.
Le fait que nous nous attachons dans la conception et la fabrication de nos produits à ce qu’ils soient esthétiques a sans doute joué en notre faveur pour l’attribution de ce prix. Nous concevons des toitures et non pas de simples panneaux photovoltaïques.
Marie-Claire Turbang: Je pense que le jury a également tenu compte du fait que nous sommes une petite société récente, en plus de proposer des produits exclusifs.
Est-ce qu’on peut encore qualifier Saint-Gobain Solar Systems de ‘petite société’ aujourd’hui?
Jean-Clément Nugue: Nous partons historiquement d’une start-up et nous en avons résolument gardé l’état d’esprit. Nous ne sommes pas en position dominante sur le marché luxembourgeois que, bien sûr, nous souhaitons conquérir.
Alors, qu’est-ce que l’arrivée de Saint-Gobain a changé?
Jean-Clément Nugue: La culture industrielle, une certaine capacité financière et des moyens de développement sur le plan méthodologique qui ont permis de stabiliser le fonctionnement de notre entité, de lui donner de l’assurance et de viser des résultats industriels encore plus performants. C’est cela l’apport de Saint-Gobain.
Que représente le Green Energy Award pour l’entreprise et que va-t-il lui apporter?
Jean-Clément Nugue: Un encouragement et une reconnaissance. Nous comptons partager ce prix avec les clients qui nous ont fait confiance et communiquer, aussi bien interne qu’en externe, autour de cette actualité qui constitue un élément clé pour notre intégration.
Actuellement, nous travaillons principalement sur le marché français -qui est difficile parce qu’il n’offre pas de visibilité aux investisseurs du fait des subventions qui fluctuent- et le marché belge -qui est fondamental pour nous, mais reste restreint-, mais pas sur le marché luxembourgeois ce que nous regrettons. Nous souhaitons améliorer notre ancrage au Luxembourg. Nous espérons très fortement que les autorités luxembourgeoises créeront un déclic pour que les résidents consomment de la toiture photovoltaïque. Nous estimons que le marché actuel n’est pas à la hauteur de ce qu’il pourrait être.
Marie-Claire Turbang: Nous avons d’ailleurs obtenu l’autorisation d’apposer le label ‘Made in Luxembourg’ sur nos produits, ce qui est encore une reconnaissance, et nous espérons que cela nous ouvrira les portes du marché luxembourgeois.
De quelle manière garantissez-vous la qualité de vos produits?
Jean-Clément Nugue: Nous avons mis en place un système d’auto-management qui traduit notre volonté de faire le maximum au niveau de la qualité de nos produits. En tant que professionnels de la production de panneaux photovoltaïques et en tant que groupe Saint-Gobain, nous jugeons que le système actuel de normalisation, qui se base sur des normes IEC, a quelques lacunes: il ne concerne en effet que des essais de qualification et ne s’intéresse que peu ou pas à reproduire la performance de ces essais sur l’outil industriel. Nous avons donc élaboré un référentiel propre au photovoltaïque que nous sommes en train de prescrire au niveau de la certification française qui se prépare, ce que nous ferons également à l’échelle européenne le moment venu.
C’est notre bataille quotidienne que d’avoir une parfaite conscience de ce que l’on fait. Un panneau photovoltaïque, ce n’est ni plus ni moins qu’une matrice électrique composée de cellules encapsulées dans un polymère qui doit avoir la vertu d’être stable sur 20 à 25 ans. Un test existe pour vérifier cette stabilité. Ce que les normes internationales ne prennent pas en compte est l’adhérence de ce polymère au verre feuilleté qui recouvre le tout. Je le dis avec fierté, en tant qu’entreprise luxembourgeoise, nous sommes les seuls au monde à développer et à réaliser un test d’adhésion sur nos panneaux dans notre laboratoire in situ.
C’est le fait d’aller plus loin que les normes actuelles et de diffuser note savoir-faire en vue d’une appropriation internationale qui nous anime aujourd’hui. Nous nous sommes résolument inscrits dans cette voie et nous souhaitons qu’un système de subventions luxembourgeois puisse reprendre ces critères.
Revenons plus en détails sur les produits que Saint-Gobain Solar Systems propose…
Jean-Clément Nugue: Notre concept, ce sont des toitures qui assurent à la fois l’étanchéité et la production photovoltaïque. Nous avons deux gammes qui offrent des rendements et des esthétiques différents: Sunstyle et Sunlap.
La particularité de Sunstyle est que l’étanchéité et la solidité sont générées par simple superposition des panneaux. On obtient une toiture complètement lisse, épurée de systèmes de fixation, sous forme d’écailles de poissons à peine visibles. Nous produisons actuellement le plus grand chantier de toitures intégrées au monde avec une capacité d’environ 11 mégawatts, à Perpignan.
Sunlap est plus orienté sur le marché résidentiel. Il se compose de rails qui, par nature, ne se corrodent pas et permettent de récupérer l’eau de pluie. Les tuiles photovoltaïques sont posées sur ces rails, en superposition partielle, ce qui rend aussi un effet de trame lisse et très esthétique.
Le verre trempé étant par essence un produit extrêmement résistant, nous pouvons travailler sur des trames qui ont jusqu’à un mètre de largeur. Le verre est brillant, ce qui n’est pas pour déplaire, mais on peut s’amuser sur les textures pour en limiter l’effet de réflexion. Le fait que nous renforcions encore l’esthétique de ces produits avec des cellules monocristallines noires très homogènes améliore encore plus la présentation finale du produit, qui est véritablement pour nous un élément de différenciation fort.
Qu’en est-il du recyclage de ces produits?
Les produits photovoltaïques sont relativement jeunes. La filière de recyclage n’existe donc pas encore. Elle ne s’installera que lorsqu’un véritable marché se sera développé. En revanche, les techniques de recyclage sont déjà connues, elles sont utilisées pour le verre feuilleté et le verre qui est réutilisable à l’infini. Pour le silicium des cellules, qui est plus ou moins le même matériau, on peut imaginer que cela puisse être également le cas. Les polymères sont quant à eux des matériaux qui vieillissent avec le temps et les cycles thermiques et ne pourront revivre guère plus d’une fois.