«La sobriété va revenir ‘à la mode’»

La Responsabilité sociétale des entreprises ou RSE n’est certes pas un concept nouveau, mais il n’a pris son véritable essor qu’il y a peu. Tout comme la notion de développement durable avec laquelle il est intrinsèquement lié, il jalonne notre quotidien professionnel mais demeure difficile à appréhender. Lëtzebuerger Gemengen s’est penché ce mois-ci sur cette notion vaste avec un expert en la matière, Christian Scharff, président de l’IMS, l’Institut pour le Mouvement Sociétal.

 

Tout d’abord, pourquoi avoir rebaptisé le «Forum de la citoyenneté» «Forum de la responsabilité sociétale des entreprises»?

Nous l’avions au départ baptisé «Forum de la citoyenneté» car nous avions l’objectif très clair de réunir un public aussi large que possible, c’est-à-dire d’attirer aussi bien les professionnels que le grand public. Comme la RSE est quelque chose de citoyen par définition, nous  avions trouvé que «Forum de la citoyenneté» était bien approprié. Mais nous avons constaté que ne sont venus au forum quasiment que des professionnels, et nous sommes donc dits que nous devions recentrer le forum sur le monde professionnel.
Parallèlement, nous sommes passés dans les entreprises, comme l’aiment à le dire certains, d’une RSE 1.0 à 2.0. Il y a quelques années seulement, la RSE ne semblait concerner que les PDG et les DRH ; elle n’avait aucun objectif stratégique. Aujourd’hui, on se rend compte que dans de nombreuses entreprises, c’est devenu le sujet de tout le monde avec le durcissement des réglementations dans pratiquement tous les domaines, notamment dans l’écologie et la sécurité et la santé au travail.
Aussi, à vouloir courir trop de publics à la fois, on se retrouve avec un grand écart entre grand public et professionnels, ce que nous voulions éviter.

 

Quel est votre bilan du forum 2011?

Il y a eu plus de diversité dans les profils des professionnels de l’entreprise présents puisque le forum a donc été dédié à ces derniers uniquement. Aussi, outre les PDG et DRH, s’y sont rendus des responsables logistiques, des responsables informatiques, juridiques, etc.
La participation a atteint un seuil intéressant, dépassant les cinq cents personnes. Il y a eu des intervenants très intéressants à l’instar de responsables «développement durable» de très grands groupes internationaux et de deux dirigeants de grandes sociétés luxembourgeoises complété de commentaires très éclairés du ministre des Finances Luc Frieden. Je suis donc très satisfait.
J’aimerais ajouter que l’on a ressenti que, comment dire, la période d’option pour les entreprises ou les administrations quant à savoir si l’on fait de la RSE ou pas est derrière nous. La vraie question qui se pose aujourd’hui est comment le fait- on?
C’est tellement vrai que dans certains pays on ne se contente plus de demander aux entreprises des bilans financiers, mais on exige ce que l’on appelle des bilans intégrés, c’est-à-dire également un bilan non financier qui doit détailler la façon dont on utilise les ressources, comment l’on recycle les déchets, etc. Les paradigmes sont en train de changer.

 

Ce n’est que depuis plus récemment que la notion de RSE est sur toutes les lèvres, et semble se greffer à celle de «développement durable». Quelle est à vrai dire la différence entre les deux?

C’est à mon avis un faux débat, purement sémantique. On ne peut à mon sens pas faire de développement durable sans faire de RSE, et pour moi le développement durable fait partie de la RSE.
La RSE est une notion qui est partie de l’entreprise et appartient donc plus au monde professionnel, tandis que le développement durable est quelque chose de plus universel.

 

Comment une petite entreprise avec peu de moyens peut-elle intégrer la notion de RSE?

Elles le font déjà ; et souvent sans le savoir. Lorsque vous achetez un véhicule de société, vous vous penchez sur sa consommation et les émissions qu’elle rejette.
Dans certaines filières, on vous propose déjà des produits respectueux de l’environnement, les normes devenant de plus en plus strictes.
Bon nombre de gens réalisent de gros efforts dans le domaine, comme les agriculteurs qui installent des panneaux photovoltaïques sur le toit de leurs installations. De toute façon, il y a une pression à la fois du marché et du régulateur.

 

Il n’empêche que certaines sociétés ne semblent pas tellement préoccupées par cette nouvelle donne…

J’estime au contraire que certaines entreprises ont même fait de la RSE une véritable stratégie. Des facteurs sont amenés à changer, ce qui signifie que certains métiers pourraient très bien ne plus exister dans quelques années. Pour survivre, nombre d’entreprises doivent ou devront se repositionner.
On atteint des objectifs économiques en faisant de la RSE. Un groupe dans le secteur du luxe et du sport & lifestyle a installé dans ses magasins des reportings énergétiques avec pour résultat une baisse de la consommation d’énergie de 20 à 25 pour cent dans tous ses magasins. La société y trouve son compte, l’environnement aussi. On rentre tout doucement dans une nouvelle ère économique où la sobriété va revenir lentement mais sûrement «à la mode». Nous allons par exemple devoir réapprendre à réparer nos appareils plutôt qu’à les jeter.

 

Vous avez récemment affirmé que «les entreprises ont de véritables responsabilités, et celles qui font semblant se font désormais prendre». Pouvez-vous préciser?

Internet est un instrument extraordinaire qui veille au grain. Ceux qui trichent sont rapidement découverts et «dénoncés» sur les forums et les réseaux sociaux. Et le buzz se répand très vite.
De grandes marques automobiles, des groupes pétroliers se sont fait prendre, et ces épisodes sont toujours dans nos esprits.

PhR

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