Gérer sa croissance par le «Balanced Scorecard»
Développé outre-Atlantique il y a une vingtaine d’années par des professeurs de l’Université de Harvard, le «Balanced Scorecard» a prouvé son efficacité. Aujourd’hui, Marc Meyers, partner au sein la Fiduciaire Générale de Luxembourg, et son collaborateur Stéphane Hamen, ont adapté cet outil de pilotage puissant aux spécificités du suivi des performances des Petites et Moyennes Entreprises au Luxembourg.
Monsieur Meyers, quelles étaient vos premières expériences avec le «Balanced Scorecard» ?
Marc Meyers : Nous constatons que beaucoup de dirigeants de PME ne se sont pas dotés d’outils de pilotage adéquats. Très souvent, un simple plan de trésorerie sert de base à leur prise de décision. Cependant, diriger une entreprise en se focalisant uniquement sur les indicateurs financiers à court terme devient de plus en plus dangereux dans un environnement économique compétitif où les mutations ne font que s’accélérer. Suite à cet état des lieux, nous avons lancé l’idée d’adapter le «Balanced Scorecard»,utilisé dans de grandes institutions, aux besoins spécifiques de gestion d’une PME.
En quoi consiste cet outil de pilotage ?
Stéphane Hamen : Le «Balanced Scorecard»est une cartographie, «scorecard» en anglais, complète et multidimensionnelle de la performance de l’entreprise, dont les éléments sont répertoriés et traduits en objectifs concrets et en indicateurs de performance. Le «Balanced Scorecard» s’articule principalement autour de quatre perspectives d’analyse qui doivent s’équilibrer, d’où le verbe «balanced». Il s’agit de prendre en compte non pas uniquement des données chiffrées, mais aussi des données qualitatives, plus complexes à s’approprier, mais qui garantiront la pérennité de l’entreprise.
Ces quatre perspectives sont les suivantes :
Premièrement, les résultats financiers – chiffres d’affaires, rentabilité.
Deuxièmement, les clients – part de marché, satisfaction, attributs des produits et services.
Troisièmement, l’amélioration des processus internes – production, service après-vente, innovation technologique.
Quatrièmement, l’apprentissage organisationnel – potentiel et motivation des salariés, capacité des systèmes d’information.
Pour chaque perspective d’analyse, il faut définir des objectifs concrets, des indicateurs de performance, des valeurs-cibles et des actions concrètes afin d’atteindre la performance souhaitée. Le «Balanced Scorecard»fournit donc au dirigeant d’une PME un outil de visualisation et de pilotage de la performance.
Quelles sont les finalités du processus de «Balanced Scorecard» ?
Stéphane Hamen : Sa finalité est double. Traduire et communiquer la stratégie de l’entreprise en indicateurs-clés, d’une part, et contrôler et mesurer l’efficacité des plans d’actions concrets élaborés, d’autre part.
En effet, le «Balanced Scorecard»traduit la vision et les objectifs stratégiques en un ensemble d’indicateurs clés répartis sur les quatre perspectives d’analyse de la performance. En outre, cet outil de pilotage a pour finalité la planification d’actions concrètes et le suivi de ces plans d’actions élaborés. Par unité opérationnelle ou par départements, il s’agit d’élaborer des mesures concrètes et de s’assurer de leur suivi afin d’atteindre les performances clés : résultats financiers, satisfaction clients, amélioration des processus internes, capacité d’innovation et développement.
Quelle est la méthodologie du «Balanced Scorecard» quant à la mise en pratique ?
Stéphane Hamen : La formulation de la vision stratégique, définissant les finalités de l’entreprise, est une étape importante qui doit être accomplie avant la conception du Balanced Scorecard. À défaut, l’entreprise risque de mal interpréter sa stratégie à long terme et de se doter d’indicateurs couvrant partiellement la performance et ne représentant pas les vrais enjeux stratégiques.
La méthodologie prévoit la déclinaison des intentions stratégiques en objectifs concrets et en mesures réalisables. Il s’agit d’abord d’identifier par perspective d’analyse les grands changements qui doivent être opérés, ainsi que les facteurs clés de succès.
Ensuite, les dirigeants doivent se pencher sur quatre questions afin d’identifier les mesures clés de succès ou MCS. Comment nous voient les actionnaires ? Comment nous voient les clients ? Dans quels processus devons-nous exceller ? Comment améliorer nos services et notre qualité ?
Les MCS sont des déclinaisons directes et quantifiées des facteurs clés de succès et les maillons d’une chaîne de relations de type «cause à effet».
En dernier lieu, il faut élaborer par perspective un plan d’action concret permettant d’atteindre les objectifs fixés et y allouer les ressources nécessaires. Le suivi régulier des performances et la mise à jour du plan d’action permettent de vérifier si l’entreprise est sur la bonne trajectoire et de corriger le tir le plus rapidement possible afin d’éviter les écueils.
Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’objectifs stratégiques et d’indicateurs de performance ?
Marc Meyers : Afin d’illustrer la méthodologie, prenons un exemple général.
Le développement des compétences des employés rend possible l’amélioration des processus internes : qualité, coût et délai de fourniture des produits ou services, productivité, temps de cycle.
De même, l’amélioration de la qualité des produits ou des services permet de mieux répondre aux besoins des clients.
Ainsi, l’entreprise est en mesure de satisfaire la clientèle existante, mais aussi d’acquérir de nouveaux clients. Les indicateurs clés de la perspective client peuvent donc être le taux de satisfaction, le taux de renouvellement et le taux de fidélité. La fidélisation et l’acquisition de nouveaux clients se traduiront par l’augmentation du chiffre d’affaires et des parts de marchés.
Nous pouvons donc constater que la performance d’une PME ne se résume pas aux simples résultats financiers. L’approche «Balanced Scorecard»permet de couvrir tous les domaines de la performance et surtout de les relier et les renforcer.
Concrètement, quel est l’apport aux PME ?
Marc Meyers : Nous avons constaté que la stratégie est très souple et peu formalisée au sein des PME. Les dirigeants prennent leurs décisions à la lumière de l’expérience, sur la base de leur intuition. L’apport aux dirigeants de PME est donc double. D’une part, le «Balanced Scorecard»représente l’opportunité de formaliser les intentions stratégiques, d’autre part, il permet de décliner la stratégie en objectifs crédibles, en indicateurs mesurables et en un plan d’actions concrètes, constituant la base d’un système de pilotage cohérent et efficace.
À quels types d’entreprises le «Balanced Scorecard» s’adresse-t-il ?
Marc Meyers : Bien que l’approche «Balanced Scorecard»ait été conçue puis mise en place dans et pour les entreprises industrielles, sa méthodologie simple et le savoir-faire de nos collaborateurs nous ont permis de l’adapter aux besoins et aux spécificités des PME. En outre, nous appliquons plus récemment le BSC à d’autres types d’entreprises, telles que les Professionnels du Secteur Financier, les collectivités locales et les administrations communales. Dotés d’un savoir-faire spécifique en la matière, nous conseillons et accompagnons nos clients tout au long du projet de «Balanced Scorecard».