L’artisanat, créateur d’emplois et d’entreprises
Paul Krier, sous-directeur de la Chambre des Métiers et responsable du volet formation professionnelle, s’attache à redorer le blason des métiers de l’artisanat qui loin d’être une impasse ou une voie de garage offrent, en plus de la stabilité de l’emploi, des possibilités d’évolution intéressantes aux jeunes qualifiés et motivés.
Interview.
Dans un monde où les produits, les techniques, les métiers évoluent constamment, la formation tout au long de la vie n’est-elle pas devenue incontournable?
Elle est non seulement incontournable, mais indispensable. En effet, les métiers changent, intrinsèquement, en permanence, même s’ils gardent le même nom. Le savoir se renouvelle tous les sept à dix ans. Cette évolution est liée à la technologie elle-même, mais aussi à l’environnement général: ouverture des frontières, élargissement des marchés, apparition de nouveaux modèles de management, évolution de la clientèle, de ses goûts et de ses aspirations…
Avec une taille moyenne de treize personnes par entreprise, l’artisanat est composé en majeure partie de PME, pour lesquelles il est sans doute plus difficile de s’adapter. A quels obstacles sont-elles confrontées?
Elles n’ont peut-être pas toujours les moyens de s’adapter facilement à ces évolutions, mais elles ont en revanche le grand avantage d’être plus flexibles: négocier un virage prend plus de temps à une grande entreprise qu’à une petite si celle-ci est bien dirigée. Ce qui explique que, même en ces temps de crise, les PME restent les plus nombreuses et constituent toujours un viviers d’emplois.
L’évolution rapide dont nous venons de parler demande un renouvellement régulier de l’offre de formation. Quelles solutions la Chambre des Métiers propose-t-elle, en particulier aux PME?
Nous avons une offre de formations, spécifiquement adaptée au profil des patrons de PME, mais aussi à leur rythme de travail. Nous les mettons au point ensemble, après avoir mené des études dans les entreprises pour détecter leurs besoins spécifiques. Ces formations peuvent être d’ordre technique ou porter sur le management au sens large -gestion d’entreprise, des ressources humaines, communication, etc.-, sur la fiscalité ou le droit. Les entreprises sont de plus en plus souvent amenées à se conformer à des contraintes législatives en matière d’environnement ou de sécurité et de santé notamment. Nous les accompagnons dans ces changements avec un volet formation.
Comment le secteur artisanal s’en est sorti pendant la crise?
Il a souffert de la crise, comme tous les autres secteurs mais, en général, cela ne s’est pas traduit par des licenciements. Il y a eu création d’entreprises et création d’emplois, même si cela ne s’est pas fait au même rythme que les années précédentes. L’artisanat est demandeur de main d’œuvre qualifiée, d’où l’importance d’une bonne orientation scolaire.
Alors que le taux de décrochage scolaire reste important et que le chômage augmente, les métiers manuels constituent-ils une piste pour les jeunes?
Nous avons récemment mené une enquête auprès de jeunes qui venaient d’obtenir leur CATP. Il en est ressorti que 90% d’entre eux ont trouvé soit un poste soit une formation dans un délai de quelques mois suivant leur sortie de l’école et 70% ont trouvé un poste auprès de leur patron formateur, ce qui n’est pas loin d’être une garantie d’emploi!
Les métiers techniques et manuels sont certes une piste pour les jeunes, mais j’ajouterais pour des jeunes motivés, qualifiés et qui ont le goût de l’effort.
Ces métiers sont souvent perçus comme étant limités, peu évolutifs et destinés à ceux qui ne réussissent pas à l’école, ce qui peut faire peur aux jeunes comme à leurs parents. Cette image correspond-elle à la réalité?
Ces métiers ne sont pas des impasses. La carrière ne s’arrête pas après l’apprentissage, mais elle peut évoluer en passant un BTS, un brevet de maîtrise ou en créant sa propre entreprise.
De plus, la technologie prend, depuis une vingtaine d’années, une place de plus en plus importante dans ces métiers.
A la Chambre des Métiers, nous rencontrons beaucoup de gens qui, après avoir pris une autre orientation, se tournent aujourd’hui, par le biais de l’apprentissage pour adultes, vers le choix du cœur.
Si ces métiers deviennent de plus en plus techniques, est-ce qu’il reste de la place pour les gens peu qualifiés?
Il est vrai qu’il y a de moins en moins de place pour des jeunes non qualifiés. C’est une réalité et il faut y répondre par la qualification, par l’information et par la motivation des jeunes. On ne peut pas reprocher au secteur de progresser, mais plutôt considérer cet état de fait comme un défi pour tout le système éducatif qui doit former ces jeunes aux besoins des entreprises.
Vous êtes partenaires du concours national des métiers et des professions qui sera organisé par Luxskill début mai. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre engagement dans cette manifestation?
La Chambre des Métiers est représentée par un de ses collaborateurs dans le conseil d’administration de Luxskill et fait partie d’un comité de gestion qui entoure Luxskill. Elle est aussi un sponsor et un partenaire historique de Luxskill.
Concrètement, nous aurons un stand en commun avec la Chambre des Salariés où les visiteurs pourront s’informer de toutes les opportunités qu’offrent les métiers manuels en matière de formation et de carrière. Ils pourront également, en suivant le déroulement du concours, avoir une vision plus concrète des métiers présentés. MT