«Il faut faire preuve d’intelligence et de rationalité»


En marge des Journées de l’Economie organisées par la Chambre de Commerce les 15 et 16 février, nous avons pu rencontrer Jean-Pierre Masseret, à la tête du Conseil régional de Lorraine, nouvellement président de la Grande Région. 
Interview exclusive.

 


Quel est le bilan de la présidence luxembourgeoise de votre perspective ?

Le bilan de chacune des présidences est toujours utile et positif dans la mesure où il y a toujours de l’avancement. Maintenant, l’attente des citoyens est souvent plus exigeante, ces derniers voulant que les choses aillent plus vite et plus loin. Mais vous ne construisez pas un espace commun, transfrontalier qui concerne quatre états souverains avec des partenariats régionaux qui sont de nature et de responsabilités juridico-politiques différentes à un rythme élevé. 
Et ce qui a été réalisé en l’espace d’une dizaine d’années seulement est déjà considérable.

 


Quels ont été précisément les avancements réalisés sous la présidence luxembourgeoise ?

La présidence luxembourgeoise a tout d’abord lancé le projet Metroborder (cf. Interview de Jean-Marie Hasldorf). Ensuite, elle a fait avancer l’idée d’un secrétariat permanent de la Grande Région au Luxembourg que je vais mettre en place d’ici l’automne dans le cadre d’un Groupement européen de coopération territoriale. 
Mails il faut avouer que cela progresse avec une certaine pesanteur juridique.


Il a beaucoup été question des synergies dans la Grande Région lors de cette Journée de l’Economie. Il est pourtant difficile d’imaginer qu’il n’y ait pas d’antagonismes. Certains élus lorrains voient par exemple d’un mauvais œil que la matière grise soit formée gratuitement en Lorraine pour venir par la suite travailler au Luxembourg…

Il ne faut pas spéculer sur des théories mais tenir compte des réalités. Le Luxembourg connaît aujourd’hui une croissance économique élevée, et participent à celle-ci les travailleurs qui proviennent de la Grande Région. Certes, nous formons des salariés qui vont trouver un emploi au Grand-Duché tout simplement parce que l’emploi n’est pas suffisant en Lorraine. Chacun y trouve donc en partie son compte.
Cela dit, rien ne nous empêche ensuite de travailler sur des projets de formation, d’équipements et de mobilité.  Il faut faire preuve d’intelligence et de rationalité. Lorsque vous introduisez la passion ou l’irrationnel en politique, vous n’obtenez pas de solutions.

 


Gérard Longuet, votre prédécesseur à la tête du Conseil régional de Lorraine, nous avait confié que la France pouvait envisager de créer une zone franche côté français du GECT Alzette/Belval. Qu’en est-il réellement à ce stade ?



A ma connaissance, le gouvernement français, à l’heure actuelle, ne proposerait pas de zone franche. Maintenant, tant qu’une décision n’est pas tombée définitivement, les choses peuvent encore bouger. 

Pour ma part, il est plus intéressant de bâtir des coopérations, des investissements partagés dans différents domaines plutôt que d’ériger une zone franche qu’il sera difficile à délimiter.

 


Ne risque-t-on pas dès lors de voir le projet français se muer en cité dortoir ?



L’habitat pourrait être une piste. Mais ce n’est pas suffisant, et nous planchons sur d’autres projets comme celui des datacenters, par exemple. C’est la préfiguration de Pascal Gauthier qui nous le révèlera dans quelques semaines. 


 

Vous évoquiez tout à l’heure le fait que les citoyens n’avaient pas toujours conscience de l’enjeu que représente la Grande Région pour chacun d’entre eux…



Oui, puisqu’ils nous pressent à trouver des solutions rapides à leurs problèmes que la réalité ne permet pas toujours d’apporter. Il faut bien se rendre compte que nous construisons quelque chose d’assez unique dans un espace transfrontalier de quatre pays souverains avec des législations, des administrations, des histoires et des cultures différentes. 
Aussi, ce sont vingt, trente ans de travail qui nous attendent… et à condition de s’investir avec acharnement.

 


Même pour les citoyens d’une grande région comme la Lorraine appartenant à un grand pays que l’on accuse parfois d’avoir plus tendance à avoir des réflexes de repli sur soi?



Non, pas du tout. Le Lorrain est aujourd’hui totalement impliqué dans la Grande Région. Si je pouvais parfois discuter plus étroitement avec mon gouvernement, je leur ferais la démonstration que mon avenir lorrain passe par la transfrontière, par mes voisins étrangers, que donc la concurrence et par là même mon avenir est là. Et j’ai plus d’atomes de responsabilités partagées avec le Grand-Duché de Luxembourg, la Sarre, la Wallonie et la Rhénanie-Palatinat que j’en ai avec l’Aquitaine ou la Bretagne. 
J’aimerais pour cela avoir les outils qui me permettent de jouer pleinement toutes les cartes utiles pour la Lorraine.
 PhR

 

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